Le médiateur européen recadre la DG SANTE de la Commission européenne sur ses manquements en matière de mise sur le marché des pesticides.
La manière d’approuver des pesticides par la Direction de la Santé (DG SANTE) de la Commission européenne, selon la « procédure de données de confirmation »* (qui tolère que des données de sécurité importantes soient manquantes au moment de l’instruction du dossier d’homologation) , est un cas de mauvaise administration d’après une décision du médiateur de l’Union Européenne publiée aujourd’hui (point 8 de la décision) – voir le rapport ici: Decision Ombudsman CDP Feb 16.
CDP? En 2012, PAN Europe et Générations Futures avaient dénoncé cette procédure des données de confirmation et alerté le médiateur européen. La procédure de ‘données de confirmation’ (CDP) est une invention de la DG SANCO lorsque l’industrie était réticente à présenter les données de sécurité obligatoires pour leurs pesticides. Avec cette CDP, des pesticides pouvaient être approuvés avec de graves lacunes au niveau des données et des risques élevés, en permettant à l’industrie de ne soumettre des informations supplémentaires que plus tard dans l’avenir (point 27). Dans un rapport publié par PAN Europe en 2012, il a été démontré que la procédure dite CDP a été utilisée comme procédure standard par la DG SANCO et donc que les personnes et l’environnement ont été exposés à des risques graves certes inconnus mais possibles.
Aujourd’hui le médiateur publie un rapport en réponse à cette alerte qui est accablant pour la Direction Générale de la Santé (DG SANTE) en charge de l’évaluation des pesticides pour la Commission européenne.
Les obligations en matière d’homologation. En vertu de l’ancienne Directive européenne sur les pesticides (la Directive 91/414), le médiateur considère l’utilisation de ces pratiques par la DG SANTE comme illégale (point 27) et dans le cadre du nouveau Règlement (1107/2009) qui permet l’utilisation des « données de confirmation » seulement dans des cas exceptionnels, le médiateur conclut que l’utilisation n’a pas été restreinte comme il se doit (point 11). Les conséquences possibles pour la santé humaine serait particulièrement préoccupantes, écrit le Médiateur (point 27). Plusieurs autres lacunes dans les décisions sur les pesticides ont été observées par le Médiateur comme une absence d’exigences de protection de l’environnement (point 44), un manque de vérification systématique de mesures de protection (point 50) et même des cas d’approbation quand aucune utilisation sûre n’a pas été démontrée par l’Autorité de sécurité alimentaire EFSA (point 28). La solution proposée par le Médiateur comprend un changement des pratiques de la DG SANTE. Le médiateur demande à la DG SANTE de prouver dans un rapport, qui sera publié dans les deux ans, qu’ils ont effectivement mis en œuvre ces changements (point 71).
Conclusion? Le Médiateur conclut que ces pratiques étaient illégales dans le passé et qu’actuellement elles ne pas sont restreintes comme la loi l’exige pourtant. Le médiateur conclut que «la Commission peut être trop légère dans ses pratiques et pourrait ne pas suffisamment prendre en compte le principe de précaution» (page 3) et indique que toutes les données requises doivent être présentes avant qu’une décision soit prise (point 11).
Même lorsque l’EFSA a calculé l’existence de risques élevés sur la base des données scientifiques disponibles, la DG SANTE a, dans plusieurs cas, approuvé le pesticide concerné. Le Médiateur écrit qu’il est « difficile de comprendre comment la Commission pouvait légitimement décider […] que ces substances n’ont aucun effet nocif ou pas d’influence inacceptable sur l’environnement » et qu’une « explication satisfaisante n’a pas été fournie par la Commission « (point 28). Bon nombre de ces risques élevés concernent l’environnement, tels que ceux relatifs aux oiseaux.
Dans ses rapports et ses décisions la DG SANTE tente de cacher les risques (élevés) et les lacunes dans les données observées par l’EFSA et affirme que les pesticides sont sans danger. Le médiateur de l’UE, écrit que le « Médiateur peut comprendre l’impression du plaignant sur le fait que les rapports d’examen de la Commission et les décisions d’approbation sont« trompeuses » et inexactes » (point 30).
Hans Muilerman, coordinateur des campagnes relatives aux produits chimiques de PAN Europe, commente « Il est clair que la DG SANTE et les Etats membres ont laissé les intérêts de l’industrie et de certains agriculteurs l’emporter sur les intérêts du public en permettant la mise en marché de pesticides nocifs comportant des lacunes de données et des risques élevés. Cette violation structurelle des règles implique que les pesticides actuellement sur le marché ne sont pas sûrs. »
François Veillerette, porte-parole de Générations Futures ( la branche française de PAN Europe) et Président de PAN Europe salue « le rapport honnête du médiateur de l’Union européenne qui met en lumière un système d’homologation des pesticides européen qui sacrifie volontairement l’environnement et la santé des citoyens aux profits de l’agrochimie. Cette situation doit cesser immédiatement et les pesticides ne doivent être homologués qu’en prenant en compte toutes les données scientifiques exigées ! »
*CDP : ‘confirmatory data procedure’ en anglais
- Le monde.fr: Pesticides : le laxisme de l’Europe épinglé
- Pourquoi Docteur: Pesticides : le médiateur européen dénonce des autorisations illégales