Les écosystèmes d’eau douce sont indispensables pour nous fournir des services essentiels tels que l’eau potable, les loisirs et le maintien d’activités économiques comme la pêche et la production de mollusques. Ce nouveau rapport du Bureau Européen de l’Environnement (BEE) monte l’ampleur de la pollution actuelle aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), caractérisées par leur persistance et leur mobilité dans l’eau. C’est un exemple emblématique de la contamination de l’environnement naturel par des substances synthétiques et nocives.
Le BEE est est le plus grand réseau d’organisations citoyennes environnementales en Europe. Il rassemble 190 organisations de la société civile de 41 pays dont Générations Futures en France. Dans ce nouveau rapport, le BEE met en évidence la présence de PFAS dans les eaux de surface et demande une mise en application ambitieuse de la réglementation.
Plus de 10 ans après son inscription sur la liste des substances dangereuses prioritaires et plus de 15 ans après son interdiction, la présence de l’acide perfluorooctanoïque sulfonique (PFOS), potentiellement cancérogène pour l’homme, est démontré dans toute l’Europe. Et ce n’est pas le seul PFAS à s’accumuler dans les eaux de surface.
Au niveau européen, la Directive Cadre de l’Eau (DCE) doit être renforcée pour inclure le paramètre « somme des 24 PFAS » avec une Norme de Qualité Environnementale (NQE) fondée sur la science. C’est une étape indispensable pour atteindre l’ambition zéro pollution de l’UE ainsi que ses objectifs en matière d’eau douce et de biodiversité, tout en préservant les moyens de subsistance des communautés qui dépendent de l’eau douce.
Si les délais impartis au niveau européen pour réduire les émissions de PFAS sont fixés sans ambition, les États membres seraient sans pression juridique pour limiter la pollution PFAS à la source.
Lien vers le rapport du BEE : ICI
Contexte réglementaire
Le PFOS est le seul PFAS inscrit sur la liste des substances prioritaires à surveiller dans l’eau de surface depuis 2013. Afin d’évaluer la qualité de l’eau, le PFOS est quantifié dans les poissons avec une NQE établie à 9,1 μg/kg poids humide. Bémol non négligeable, les États membres ont jusqu’en 2027 pour se conformer à cette norme.
En 2022, la Commission européenne a proposé de mettre à jour la liste des substances prioritaires pour l’eau, notamment en y ajoutant un groupe de 24 PFAS avec une limite bien plus basse à 77 ng/kg poids humide (0,077 μg/kg poids humide), exprimée en équivalents PFOA. Il s’agirait d’une avancée majeure dans la surveillance et la réglementation des PFAS dans les eaux européennes.
Cependant, trois ans plus tard, ces nouvelles normes de qualité de l’eau n’ont toujours pas été adoptées par les institutions européennes. De plus, les États membres souhaitent à nouveau s’accorder des décennies supplémentaires pour agir et se conformer aux normes de qualité.
Parallèlement, de récentes données de l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) montrent qu’à l’heure actuelle, plus de la moitié des rivières européennes et jusqu’à 100 % des eaux côtières dépassent la norme annuelle moyenne de qualité de l’eau pour le PFOS.
Notre rapport de juin 2025 sur les PFAS dans l’alimentation mettait également en évidence une forte contamination des poissons avec 69% des échantillons analysés contenant au moins l’un des 4 PFAS réglementés dans l’alimentation.
Le principal instrument de mise en œuvre de la Directive Cadre de l’Eau (DCE) est le plan de gestion des bassins hydrographiques. Le prochain plan couvrant la période 2028-2033 doit être à la hauteur des enjeux.
Principaux résultats
Ce rapport compile les résultats de dosage du PFOS dans les poissons en tant que marqueur de la qualité de l’eau de surface, déclarés par l’Autriche, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, l’Espagne et la Suède entre 2009 et 2023. Ces données ont été comparées aux normes de qualité existantes depuis 2013 et celles proposées en 2022.
• La norme de qualité environnementale de l’UE pour le PFOS dans le poisson (9,1 μg/kg poids humide) est dépassée dans 40 % des analyses en Suède et en Autriche, 32 % en France, près de 25 % en Espagne et 22 % en Allemagne ;
• Toutes les concentrations de PFOS déclarées (lorsqu’une quantification était possible) dépassent les nouveaux seuils proposés pour les poissons (77 ng/kg poids humide, exprimés en équivalents PFOA) ; 24 % des concentrations déclarées en Suède, 19 % en France, 17 % en Autriche et 15 % en Espagne les dépassent de 500 fois ou plus.
Une comparaison précise de l’ampleur de la pollution par le PFOS entre les pays évalués est impossible en raison d’importantes disparités d’un pays à l’autre en matière de surveillance, d’approche analytique et d’enregistrement. Cependant, les résultats révèlent une contamination des poissons par le PFOS d’une ampleur considérable dans l’ensemble de l’UE.
Il est urgent d’agir rapidement pour limiter les émissions supplémentaires de PFAS dans l’environnement. Par conséquent, les nouvelles normes de qualité pour les PFAS doivent être adoptées et s’accompagner d’une obligation pour les États membres d’inclure des mesures visant à réduire la pollution PFAS dans le prochain plan de gestion des bassins hydrographiques couvrant les années 2028 à 2033.
Recommandations
1. Commission européenne : adopter rapidement une vaste restriction sur les PFAS à l’échelle de l’UE avec le minimum d’exemptions pour fermer le robinet de la pollution actuelle par les PFAS.
2. Institutions de l’UE : veiller à ce que les États membres soient tenus de rendre publiques et de communiquer chaque année à l’AEE les données de surveillance des substances chimiques présentes dans l’eau douce afin de fournir aux décideurs politiques et au public une image actualisée de la pollution de l’eau dans l’UE.
3. AEE : produire une évaluation à l’échelle de l’UE de la contamination des poissons côtiers et d’eau douce par les PFAS.
4. Institutions de l’UE : assurer l’adoption rapide des normes de qualité environnementale relatives aux PFAS dans les eaux côtières et les eaux douces, fondées sur les dernières découvertes scientifiques concernant leurs effets sur la santé humaine et la faune sauvage, et exiger que les États membres commencent la surveillance dans les 6 mois suivant l’adoption de ces normes.
5. Institutions de l’UE : veiller à ce que les États membres soient obligés d’inclure des mesures visant à réduire la pollution des eaux de surface et souterraines par les PFAS dans le 4e Plan d’aménagement du bassin hydrographique (2028-2033), avec pour objectif de se conformer aux nouvelles normes de qualité d’ici fin 2033. Après cette date, les dérogations à la conformité ne devraient être accordées que si elles sont justifiées dans des conditions strictes.
6. Institutions de l’UE : veiller à ce que les États membres utilisent pleinement les outils économiques fournis par la DCE (et la Directive de traitement des eaux usées) pour inciter à réduire la pollution à la source et garantir que les pollueurs paient les coûts d’assainissement, de traitement et de surveillance liés à la pollution par les PFAS.
« Nous avons besoin de règlements stricts et d’une volonté politique pour arrêter l’accumulation des PFAS dans notre environnement » déclare Kildine Le Proux de La Rivière, chimiste et pharmacienne chez Générations Futures. « Malheureusement, le PFOS n’est qu’une des nombreuses substances PFAS qui s’accumulent dans l’eau, le sol et tout au long de la chaîne alimentaire avec des impacts inquiétants sur la santé des Européens. D’autres PFAS comme le TFA sont également présents à des taux importants et doivent être limités aussi rapidement que possible. »