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Glyphosate : l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) se passera-t-elle des données scientifiques complémentaires pour classer le glyphosate ?

Contexte

Le 10 mai dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a annoncé avoir besoin d’une année supplémentaire pour évaluer le dossier de renouvellement du glyphosate : la raison principale invoquée étant les très nombreuses contributions reçues lors de la consultation publique (400 commentaires de la part des parties prenantes) et la « relecture par les paires » faite par les états membres (soit 3000 pages supplémentaires). Ce délai supplémentaire semble légitime si l’objectif recherché est de prendre en compte les commentaires et d’intégrer les nombreuses études de la littérature non présentes actuellement dans le dossier. Pourtant, dans le même temps, l’autre agence évaluatrice du dossier, l’ECHA n’a pas jugé nécessaire d’avoir plus de temps et prévoit, elle, de publier son avis la semaine prochaine (cf. la réponse de l’ECHA à notre question sur ce sujet )

Pour rappel, l’ECHA est en charge de l’évaluation des dangers et de la classification de la substance selon le règlement européen CLP[1].  L’EFSA quant à elle est en charge de l’évaluation globale du dossier, comprenant l’évaluation de l’efficacité et des risques suite à l’utilisation du glyphosate selon les usages revendiqués par les fabricants.

Une étape cruciale !

L’étape de classification menée par l’ECHA est cruciale dans le processus car elle pourrait conduire à l’exclusion d’office du glyphosate en cas de classification en tant que Cancérigène Mutagène Reprotoxique (CMR) de catégorie 1 ou en tant que perturbateur endocrinien. Même sans conduire à l’exclusion de la substance, une classification en catégorie 2, serait la reconnaissance de l’existence d’éléments préoccupants concernant les propriétés CMR et serait un signal fort envoyé aux Etats Membres, qui par leur vote décideront ou non du renouvellement de l’autorisation (pour rappe l’autorisation du glyphosate expire le 15/12/22).

Les 2 agences, ECHA et EFSA, se basent pour réaliser leur évaluation respective sur le même dossier, comprenant les mêmes études et ont reçu globalement les mêmes commentaires lors des consultations publiques. Ces commentaires ayant quasiment tous pour objet l’évaluation des dangers intrinsèques du glyphosate et concernent donc majoritairement la partie spécifique à l’ECHA.

Se posent alors les questions suivantes : pourquoi l’EFSA a besoin d’un an supplémentaire alors que l’ECHA suit le calendrier initialement fixé et n’aura eu besoin que de quelques mois seulement pour émettre son avis ? L’ECHA aurait-elle une efficacité de travail largement supérieure à celle de l’EFSA ? La prise en compte des commentaires et des nouvelles études est-elle différente selon les 2 agences ? Est-ce que le travail de réévaluation des études de la littérature initié par l’EFSA sera-t-il également entrepris par l’ECHA ? Où est la cohérence ?!

Attention : risque d’évaluation biaisée

Ce décalage des évaluations entre les 2 agences nous alerte particulièrement ! Nous alertons l’ECHA sur les risques de la non prise en compte des nombreux commentaires reçus de la part des ONG. Aussi, nous souhaitons rappeler ce que signifierait un avis ne modifiant pas la classification actuelle irritant pour l’œil et avec une possible toxicité aquatique sur le long terme (liste non exhaustive) :

  • Les nombreuses études de la littérature ne seraient toujours pas prises en compte : même si ces études ne sont pas réglementaires et donc de facto d’emblée considérées comme peu fiables, leur nombre important et montrant des effets convergents serait ignoré ;
  • Le mécanisme d’action (stress oxydant, toxicité vis-à-vis des mitochondries) démontré par les études de la littérature ne serait toujours pas considéré pour la classification. Ces mécanismes d’action seraient pourtant à l’origine de la génotoxicité et de la neurotoxicité du glyphosate entre autres.
  • Une non classification du glyphosate en tant que génotoxique signifierait que l’évaluation s’est une nouvelle fois basée sur un seul et même test in vivo répété 10 fois par les industriels dans des études dont la fiabilité est largement contestée. Un avis aussi rapide signifierait également que les études qui permettraient de classer en tant que génotoxique de catégorie 1B n’aient toujours pas été demandées aux industriels (ces études ne figurent pas dans le dossier actuel).
  • Une non classification du glyphosate en tant que toxique pour la reproduction et perturbateur endocrinien signifierait que l’ECHA ait ignoré les études convergentes montrant des effets sur les hormones sexuelles, effets pourtant rappelés par l’Inserm lors de la consultation publique
  • Une non classification du glyphosate en tant que neurotoxique signifierait que l’ECHA ait ignoré le faisceau de preuves existant, récemment rappelé et synthétisé dans une méta-analyse incluant 51 études ! https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9101768/

« Il est vital que l’ECHA prenne en compte l’ensemble des données scientifiques disponibles avant de rendre son avis sur le glyphosate. » déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.

« Générations Futures note avec intérêt le fait que l’EFSA examine de nouvelles études avant de rendre son avis sur le glyphosate, ce qui va lui demander plusieurs mois de travail intense. Mais il est incompréhensible que l’ECHA ne semble pas, elle, vouloir prendre le temps nécessaire à la prise en compte de données supplémentaires alors que c’est de son classement de la substance que peut dépendre une exclusion automatique du glyphosate ! Nous lui demandons donc d’aligner son travail sur celui de l’EFSA pour que nous soyons certains que les dernières données scientifiques disponibles auront été examinées. Durant cette période d’examen des études, il serait opportun par ailleurs que l’UE prenne la décision d’appliquer le principe de précaution et suspende l’autorisation du glyphosate.» complète Pauline Cervan, chargée de mission scientifique et règlementaire au sein de Générations Futures.

 

[1] Le règlement dit « CLP » (règlement (CE) n°1272/2008 modifié) définit les règles européennes en matière de classification, d’étiquetage et d’emballage des produits chimiques.

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