Des ONG*, dont Générations Futures et PAN Europe, contestent la ré-autorisation du glyphosate devant la Cour de justice de l’UE
Alors que la Commission européenne s’apprête à réapprouver officiellement l’herbicide controversé dans les prochains jours, Pesticide Action Network (PAN) Europe et quatre organisations membres dont Générations Futures* s’apprêtent à contester la ré-autorisation du glyphosate devant la Cour de justice de l’UE. Ces organisations sont des experts en matière d’évaluation et de réglementation des pesticides et ont une grande expérience des tribunaux nationaux et de l’UE.
Glyphosate : Une décision illégale selon nos ONG
Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe, déclare : « La réapprobation contredit directement les conclusions de nombreux scientifiques indépendants qui ont étudié les effets du glyphosate. Elle défie la volonté de la grande majorité des Européens et ignore le besoin urgent et l’engagement politique de réduire l’utilisation des pesticides. Plus important encore, elle contrevient à la législation européenne sur les pesticides, qui donne la priorité à la santé et à la protection de la biodiversité plutôt qu’aux intérêts économiques. Notre opposition est fondée sur des preuves juridiques et scientifiques irréfutables. »
Ré-autorisation du glyphosate : Une décision sans le soutien des citoyens et des Etats membres
La Commission européenne devrait décider prochainement de réapprouver le glyphosate pour une période de dix ans. (1) Cette décision fait suite à un vote du comité d’appel du Conseil européen, qui a montré l’incapacité de la Commission à obtenir une majorité qualifiée d’États membres en faveur de la proposition de renouvellement. Notamment, seuls des pays représentant 42 % des citoyens de l’UE ont soutenu le renouvellement. De grands pays comme la France, l’Allemagne et l’Italie se sont abstenus, de même que la Belgique, la Bulgarie, Malte et les Pays-Bas. L’Autriche, la Croatie et le Luxembourg ont voté contre le renouvellement.
Dossier du glyphosate : Des études scientifiques non pertinentes ?
Le système d’évaluation des pesticides de l’UE fait l’objet de critiques. La loi exige que les fabricants soumettent leurs propres études démontrant l’innocuité de la substance active, complétées par la littérature scientifique évaluée par les pairs. Or, la plupart des recherches évaluées par des pairs sont souvent rejetées par les fabricants, qui les considèrent comme non pertinentes ou non fiables, une position généralement soutenue par les autorités européennes. Ce rejet a suscité l’inquiétude de la communauté universitaire quant au mépris de la recherche indépendante et évaluée par les pairs. Près de 300 scientifiques belges et néerlandais, dont plus de 100 professeurs d’université, ont récemment exhorté leurs gouvernements à rejeter le renouvellement du glyphosate.
Des inquiétudes des scientifiques : des effets néfastes pour la santé et l’environnement du glyphosate
Pauline Cervan, toxicologue à Générations Futures (France), commente : « À première vue, l’évaluation de l’EFSA semble approfondie, car elle englobe de nombreuses études. Cependant, sur les 1 628 études sur le glyphosate examinées par des pairs – dont beaucoup mettent en évidence des effets néfastes sur la santé ou l’environnement – publiées au cours de la dernière décennie, seules 30 (1,8 %) ont été jugées pertinentes et fiables pour l’évaluation. Ces études sont éclipsées par les recherches de l’industrie dans l’évaluation globale des preuves, et aucune n’a servi d’étude clé dans la réévaluation européenne« .
Peter Clausing, toxicologue à PAN Germany, souligne la négligence de l’ECHA à l’égard de ses propres directives et lignes directrices lors de l’évaluation du potentiel cancérigène du glyphosate : « Non seulement l’ECHA a laissé des preuves claires d’effets cancérigènes « disparaître » sur la base de la violation des lignes directrices et des exigences applicables. Elle a également fait des déclarations contraires aux faits concernant le mécanisme par lequel le glyphosate peut causer des tumeurs. En outre, de nouvelles découvertes scientifiques irréfutables, telles que les effets sur le microbiome, ont été rejetées par l’EFSA sous prétexte qu’il n’existe pas de lignes directrices internationalement reconnues pour l’évaluation des risques« .
Margriet Mantingh, présidente de PAN Pays-Bas, a déclaré : « Le fait de ne pas traiter correctement des problèmes de santé importants pourrait nuire directement à la population. C’est pourquoi le procès est d’une importance capitale. De nombreuses études épidémiologiques indiquent un lien potentiel entre le glyphosate et divers problèmes de santé, notamment le cancer, la mortinatalité, les malformations, les troubles du spectre autistique et la maladie de Parkinson. »
Angeliki Lysimachou, responsable scientifique et politique à PAN Europe, souligne : « L’utilisation généralisée du glyphosate peut avoir des effets dévastateurs sur l’environnement : il peut nuire aux espèces aquatiques et terrestres, menacer les écosystèmes et la biodiversité, et ses résidus, ainsi que son produit de dégradation, l’AMPA, contaminent les sources d’eau dans toute l’Europe. Pourtant, malgré des centaines d’études scientifiques récentes mettant en évidence les effets néfastes sur l’environnement, les autorités européennes n’ont pas tenu compte de ces preuves et ont conclu à tort que le glyphosate était sans danger. »
Une action juridique désormais possible pour les ONG
Helmut Burtscher, chargé de campagne à GLOBAL 2000 (Autriche), ajoute : « Pendant des décennies, seuls les fabricants pouvaient contester les décisions d’autorisation devant les tribunaux, exploitant souvent ce droit pour contester les décisions qu’ils jugeaient défavorables. Toutefois, un changement législatif intervenu en 2021 permet désormais aux ONG environnementales et aux citoyens de faire valoir leurs droits environnementaux devant la Cour de justice de l’Union européenne. Cette affaire offre l’opportunité de prouver que la réapprobation du glyphosate n’est pas conforme au règlement de l’UE sur les pesticides« .
Martin Dermine de PAN Europe conclut : « En réapprouvant le glyphosate, la Commission européenne montre qu’elle est du côté de l’agro-industrie. La science est claire sur les dangers posés par cette substance : elle doit être interdite, comme l’exige la législation européenne. Des arrêts récents de la Cour de justice de l’UE (2) confirment que la priorité doit être accordée à la santé humaine et à l’environnement, alors que le principe de précaution est à la base des politiques en matière de pesticides. La Commission européenne a simplement fait le contraire. »
* Les 4 associations membres de PAN Europe, qui en plus de PAN Europe déposent le recours, sont Générations Futures, PAN Germany, Global 2000 et PAN Pays-Bas. En France, le recours déposé par Générations Futures avec PAN Europe est soutenu par les associations Collectif Victimes des pesticides de l’Ouest ou encore par l’UFC-Que Choisir.