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Justice: Utilisation des pesticides et distances d’épandage à proximité des riverains

Le rapporteur public vient de demander ce 12 juillet l’annulation des dispositions encadrant l’épandage de pesticides à proximité des riverains, dans le cadre de la procédure engagée devant le Conseil d’Etat par nos organisations.

Mais sans attendre la prochaine décision du Conseil d’Etat qui devrait intervenir d’ici trois semaines, le Gouvernement a décidé de passer en force en organisant de nouvelles consultations des chartes dans le seul but d’imposer des distances d’épandage ridiculement faibles.

Au regard des dangers que représentent les pesticides, nos organisations ont décidé de boycotter cette parodie de consultation et appellent le Gouvernement à prendre des mesures réellement protectrices tant pour les agriculteurs que pour les riverains.

Rappel des faits.

Grâce à l’action de nos organisations, le Conseil d’Etat dans une décision du 26 juin 2019 avait enjoint l’Etat de revoir la réglementation encadrant l’utilisation des pesticides. Les textes adoptés 6 mois plus tard étant considérés comme toujours insuffisants par nos organisations (1) nous avons déposé des recours devant le Conseil d’Etat. L’un contre l’arrêté (2) définissant notamment des distances de “protection” des riverains pour l’utilisation des pesticides, que nos organisations jugent ridiculement faibles au regard des dangers des pesticides. L’autre contre le décret (3) organisant la mainmise de la profession agricole dans la rédaction des Chartes dites de “bon voisinage” censées protéger ces mêmes riverains.

Les arguments étayés et développés dans ces recours reposent, pour le fond, sur deux axes majeurs: ces textes ne protègent ni les populations (travailleurs et population générale) des dangers des pesticides, ni les milieux, et tout particulièrement la ressource en eau, des pollutions liées aux épandages de pesticides (4).

En plus de ces recours, nos organisations ont demandé (5) au Conseil constitutionnel de se prononcer sur le caractère constitutionnel des Chartes alors que l’avis des riverains et des associations n’a jamais été pris en compte. Dans leur décision du 19 mars 2021, les sages ont déclaré ces Chartes contraire à la Constitution et ainsi donné raison à nos organisations. Fortes de cette victoire et de la publication récente de l’expertise de l’INSERM sur les effets néfastes des pesticides sur la santé, nos organisations attendaient avec impatience l’audience de nos recours devant le Conseil d’Etat.

Audience devant le Conseil d’Etat ce lundi 12 juillet.

Ce 12 juillet s’est donc tenue l’audience (6) en présence de maître Lafforgue et des représentants de nos organisations. Le rapporteur public propose au Conseil d’Etat de tirer toutes les conséquences de la décision du conseil constitutionnel et d’annuler purement et simplement toutes les dispositions relatives à la concertation des Chartes. Par ailleurs, le rapporteur public propose au Conseil d’Etat d’enjoindre à nouveau au gouvernement de revoir sa copie concernant les règles d’épandage et plus précisément demande:

  • la mise en place d’une obligation d’information du public préalable à tout épandage,
  • d’inclure tous les cancérigènes mutagènes et reprotoxiques 2 (CMR 2 soit, d’après une première estimation, environ 35 substances actives concernées) dans la zone minimale de 20 mètres sans pulvérisation à proximité des habitations (et non uniquement les CMR 1a et b), principe de précaution oblige,
  • de prévoir des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité des zones d’utilisation des pesticides.

Le rapporteur public demande au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre les mesures réglementaires impliquées par la décision à intervenir dans un délai de six mois. Dans le dossier d’expérimentation de drones pour l’épandage de pesticides, le rapporteur public a également demandé l’annulation de l’arrêté car il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les personnes travaillant à proximité des parcelles traitées en utilisant un aéronef télépiloté.

Et maintenant? Le Gouvernement passe en force !

Alors que le Conseil d’Etat devrait rendre sa décision d’ici 3 semaines, décision qui pourrait remettre en cause les textes actuellement en vigueur, les ministères de la Transition Écologique et de l’Agriculture se sont précipités pour inviter les préfets, dans une instruction datée du 2 juillet 2021, à remettre en consultation entre les 5 et le 16 juillet 2021 (7), et donc en plein cœur de l’été, les chartes !

Nos organisations condamnent ce choix des ministères, qui fait fi du rejet des textes actuellement en vigueur (8) et qui s’obstine sur cette voie sans issue. Comment imaginer avoir des chartes réellement protectrices pour les populations, faites à l’initiative des utilisateurs eux-mêmes et dont beaucoup, comme on pouvait le craindre, sont encore moins protectrices que les dispositions nationales? C’est pourquoi nos organisations boycotteront ces consultations en trompe-l’œil et invitent les citoyens et citoyennes à ne pas prendre part à cette mascarade ou le cas échéant à demander une réécriture complète de ces textes dans la cadre d’une réelle concertation.

Nous espérons que la décision à venir du Conseil d’Etat sera à la hauteur des attentes de la société civile et surtout des dernières données sanitaires et environnementales qui témoignent – malheureusement – des effets néfastes des pesticides. Nous appelons également le gouvernement à se ressaisir, à engager un réel débat reposant avant tout sur des considérations sanitaires et environnementales, et à prendre les réelles mesures protectrices que nous attendons.


Le 13 juillet en séance publique (à 10:48) au Sénat le sénateur écologiste Joël Labbé a posé une question orale à la ministre Brigitte Bourguignon (qui répond pour le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie) sur ce dossier.

Voici ci-dessous le texte de cette question orale (la réponse apportée par le gouvernement est totalement à côté du sujet dans le sens où cette ministre ne répond pas du tout sur les conclusions -pourtant essentielles- du rapporteur public):

Madame la Ministre,

La protection des riverains face aux épandages des pesticides est un enjeu de santé publique majeur.
Le rapport de l’INSERM, publié fin juin, rappelle et alimente ce triste constat : l’exposition aux pesticides a bien un effet sur la santé, en premier lieu, sur celle des utilisateurs, mais aussi sur celle des riverains.Malgré de vifs débats dans la loi Egalim, malgré une injonction du Conseil d’État de 2019 à revoir la réglementation sur les pesticides, la réponse apportée est toujours plus que décevante. Elle consiste en effet à la mise en place de chartes départementales supposées définir des règles de “bon voisinage”, mais dont la fonction essentielle, sur le terrain, est de permettre de déroger aux distances d’épandages fixées par les textes, pourtant déjà très réduites !Sources majeures de tensions en local, ces chartes ont été attaquées, et en mars dernier, le Conseil constitutionnel les a jugées non-conformes, estimant que la procédure de participation prévue pour leur élaboration ne respectait pas la Charte de l’environnement.Pas plus tard qu’hier, dans le cadre d’un nouveau recours porté par les associations, le Rapporteur public présentait ses conclusions et appelant le Conseil d’Etat à annuler les textes encadrant l’épandage des pesticides, et demandant notamment l’information du public avant tout épandage, une distance de 20m sans pulvérisation pour les pesticides CMR2, et une protection pour les travailleurs à proximité des zones d’épandage.

Il s’agit donc d’un nouveau revers pour le Gouvernement, qui vient pourtant, en plein cœur du mois de juillet, d’inviter les Préfets à mettre en consultation de nouvelles chartes, sans attendre la décision
du Conseil d’État, attendue sous quelques semaines. Ce passage en force est inacceptable.

Aussi, le gouvernement prévoit-il de sortir de l’inaction sur le sujet, et la mise en place de nouveaux textes, réellement protecteurs ?

  1. Alerte des médecins sur les pesticides, Collectif des victimes des pesticides de l’ouest, Collectif des victimes des pesticides des Hauts de France, Eau et Rivières de Bretagne, France Nature Environnement, Générations Futures, Solidaires, UFC-Que Choisir
  2. Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime
  3. Décret du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation.
  4. https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2020/02/dosier-de-presse-recours-v3-bd.pdf
  5. https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021891QPC.htm
  6. d’autres pourvois contre ces mêmes textes, plus l’un contre un arrêté portant sur l’utilisation des pesticides via des aéronefs se tenaient également ce 12 juillet: pourvois n° 437815, 438085, 438343, 438444, 438445, 439100, 439127, 439189, 441240, 443223 :
  7. https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2021/07/instruction_chartes_engagements_suite_decision_ccel.pdf
  8. Pour rapport 53000 personnes avaient participé à la consultation publique de l’arrêté et du décret témoignant d’un rejet massif des dispositions prises

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