Le nouveau rapport de Public Eye et Unearthed, publié le 23 septembre 2025[1], révèle un scandale sanitaire majeur. En 2024, l’Europe a exporté près de 122 000 tonnes de pesticides interdits sur son territoire, soit une hausse de 50 % par rapport à 2018. La France, malgré une interdiction théorique en 2022[2], a exporté plus de 6 600 tonnes de ces substances, principalement vers les pays du Sud. Ce commerce cynique prospère avec la complaisance de l’Europe.
Ces substances, interdites en Europe pour leur dangerosité, continuent d’être produites pour l’exportation, notamment vers les pays les plus pauvres. Parmi elles, le Dichloropropène (1,3-D), interdit dans l’UE depuis 2007, la picoxystrobine, fongicide banni depuis 2017 pour ses effets génotoxiques, et le fipronil, insecticide interdit depuis 2017 pour ses impacts sur les pollinisateurs. La France est le septième exportateur mondial de pesticides interdits, derrière l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas et la Bulgarie.
Olivier de Schutter, ancien rapporteur de l’ONU pour le droit à l’alimentation et actuel rapporteur spécial sur les droits humains et l’extrême pauvreté, qualifie cette pratique de « racisme environnemental »[3]. Ce scandale rappelle celui du chlordécone aux Antilles, dont les impacts sanitaires et environnementaux ont affecté des populations entières.
Un commerce toxique qui doit cesser
En France, des recours ont été déposés devant le Conseil d’État pour mettre fin à ces exportations, toujours autorisées malgré la loi Egalim[4]. La loi Duplomb, adoptée en juillet 2025, présente des failles majeures[5].
Au niveau européen, malgré les engagements de la Commission européenne en 2020 pour une proposition législative en 2023, réaffirmés en 2025 dans sa Vision pour l’agriculture et l’alimentation[6], rien n’a changé. Pire, un nouvel accord de libre-échange avec le Mercosur pourrait réduire les droits de douane sur ces exportations toxiques, facilitant l’importation de produits agricoles contenant des résidus de pesticides interdits dans l’UE. C’est un effet boomerang.
Dans les pays du Sud, les conséquences sont dramatiques : maladies, pollutions, décès. Ce commerce repose sur une logique de colonialisme chimique. Les vies du Sud valent-elles moins que les nôtres ?
Nos organisations exigent que la France et l’Union européenne cessent immédiatement la production et l’exportation de pesticides interdits ou dont l’autorisation a expiré. Les mesures miroirs sont cruciales pour protéger la santé des consommateurs et garantir une concurrence équitable. Cependant, tant que persistera cette politique de double standard – interdire ces substances en Europe tout en les exportant ailleurs – ces mesures resteront limitées et contradictoires.
Ce commerce toxique doit cesser.
Signataires : Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières, CCFD-Terre Solidaire, Fondation pour la Nature et l’Homme, Foodwatch, Générations Futures, Institut Veblen.
Références
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Loi Egalim, article L.253-8 IV du code rural et de la pêche maritime, interdisant la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances non approuvées pour des raisons liées à la santé humaine, animale ou environnementale, à compter du 1er janvier 2022.