Les associations Bien vivre à Pierre Bénite et Générations Futures contestent devant le Conseil d’Etat l’autorisation de l’extension de l’usine d’Arkema à Pierre Bénite
Vendredi 13 septembre 2024, le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de 5 associations et collectifs, soutenue par la commune d’Oullins-Pierre-Bénite, de suspendre l’arrêté préfectoral laissant la société Arkema France étendre son activité sur le site d’Oullins-Pierre-Bénite.
Le 30 septembre dernier, les associations Bien vivre à Pierre Bénite et Générations Futures ont formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.
Rappel des faits
L’usine d’Arkema à Pierre Bénite est responsable d’une pollution majeure après avoir rejeté pendant des années des PFAS dans les milieux tout en ayant connaissance de la dangerosité de ces substances. Sont particulièrement pointés du doigt les surfactants utilisés pour la production du produit phare du site : le polymère PVDF, commercialisé sous le nom de Kynar. Pendant plus de 10 ans, Arkema a utilisé comme surfactant l’un des PFAS les plus dangereux, le PFNA, qui a été remplacé depuis 2016 par le 6:2 FTS, un autre PFAS conduisant à la formation dans l’environnement du très persistant et toxique PFHxA.
Dans ce contexte, Arkema a déposé en 2021 un dossier relatif à la création d’un troisième réacteur de polymérisation, qui doit permettre d’augmenter la fabrication de PVDF sans utilisation de surfactant PFAS (projet « e-Lynx »). Arkema a également déposé un autre projet appelé projet « Lavande », relatif à l’augmentation de la capacité de stockage de BF3 (trifluorure de bore).
Les services de l’Etat ont estimé que ces projets n’étaient pas soumis à évaluation environnementale et que les modifications souhaitées, non substantielles, impliquaient une simple mise à jour des prescriptions applicables à l’installation. Ainsi par un arrêté du 14 mai 2024, la préfète du Rhône a autorisé ces projets, imposé des prescriptions complémentaires à Arkema et actualisé les prescriptions déjà applicables. Selon elle, le projet e-Lynx « n’aura pas d’effets significatifs sur les risques accidentels ou chroniques sur le site ».
Dans sa décision du 13 septembre dernier, le juge des référés du Tribunal administratif a validé le raisonnement de la préfète.
Nos associations contestent cette décision pour plusieurs raisons :
Cette décision d’autoriser l’extension de l’usine sans étude d’impact ou nouvelle autorisation contrevient directement à une jurisprudence établie du Conseil d’Etat selon laquelle les préfets, dans leur décision, doivent tenir compte des changements successifs apportés depuis la dernière autorisation de l’usine. Or cela fait presque 20 ans que l’usine d’ARKEMA n’a pas été soumise à une nouvelle procédure d’autorisation, et ce malgré de nombreuses modifications de son processus. En particulier, l’émission de PFAS par l’usine d’Arkema, n’a jamais fait l’objet d’une analyse détaillée soumise à la consultation du public.
De plus, bien que ce nouveau réacteur n’utilise pas de surfactant PFAS, il n’est pas exclu que de nombreux sous-produits appartenant à la famille des PFAS se forment dans le cadre du processus de production du PVDF. Également, l’identité des composés devant être utilisés en remplacement des surfactants PFAS n’est pas précisée et aucune preuve de leur innocuité n’est apportée. Ainsi, ce nouveau réacteur e-Lynx pourrait engendrer des risques nouveaux qui n’ont pas été évalués ni portés à la connaissance du public.
ARKEMA est également autorisée à augmenter, très significativement, ses stockages de produits dangereux alors qu’une fuite de trifluorure de bore jugée par la DREAL comme particulièrement inquiétante s’est déjà produite en mai 2023.
“Les rejets de PFAS liés à l’activité de production du PVDF d’ARKEMA n’ont jamais été analysés dans le cadre d’une étude d’impact. Les principes constitutionnels de précaution et d’information du public, issus de la Charte de l’environnement, imposaient que l’autorisation de l’extension de cette activité soit précédée d’une procédure sérieuse : les risques liés au nouveau processus auraient dû faire l’objet d’une analyse à la hauteur de l’enjeu.” déclare Me Sébastien Bécue (TERRANOSTRA Avocats).
“Alors que l’histoire nous a montré qu’il n’est pas possible de faire confiance à Arkema, la préfecture du Rhône continue d’octroyer des autorisations sans demander d’étude d’impact complète et indépendante, ce que nous dénonçons fermement.” ajoute l’association Générations Futures.
“Le public, et notamment les riverains, ont le droit d’être informés sur les rejets passés et actuels de PFAS. Nous ne pouvons accepter la mise en action de produits inconnus sous le sceau du secret de fabrication.” conclut l’association Bien vivre à Pierre Bénite.
D’autres associations locales soutiennent cette action dont Sauvegarde des coteaux du Lyonnais ou encore La Ruche de l’écologie des Monts du Lyonnais.