Ce 13 mai 2025, plusieurs organisations non gouvernementales, dont Corporate Europe Observatory, publient un rapport alertant sur les risques d’un affaiblissement de la réglementation européenne concernant les PFAS. Ce document, accompagné de dessins, s’inscrit dans un contexte où l’industrie chimique mène un lobbying intensif pour éviter une interdiction totale de ces substances. Alors que les décisions finales approchent, ce rapport vise à informer les citoyens et à mettre en lumière les enjeux sanitaires et environnementaux considérables qui se cachent derrière les débats techniques sur la réglementation des produits chimiques en Europe.
La menace des « produits chimiques éternels » en Europe
Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkyles), connus comme « produits chimiques éternels », sont largement répandus en Europe, notamment dans l’eau potable mais aussi les sols, les aliments et même le sang des citoyens. Une proposition globale visant à interdire la production, la vente et l’utilisation de ces substances chimiques persistantes risque d’être affaiblie par la Commission européenne, suite à un lobbying intensif des parties intéressées.
La proposition initiale : une interdiction universelle
Depuis 2023, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) analyse une proposition de cinq pays (Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Suède et Norvège) visant à restreindre toute la famille des PFAS. Cette restriction universelle des PFAS devrait inclure des dérogations de cinq ou douze ans pour quelques utilisations spécifiques où des alternatives plus sûres ne sont pas encore prêtes pour le marché.
Le changement de cap inquiétant de la Commission
La Commission européenne semble désormais privilégier une approche beaucoup plus limitée : interdire uniquement les PFAS dans certains produits de consommation comme les cosmétiques, les matériaux en contact alimentaire et les vêtements d’extérieur. Cette position représente un affaiblissement considérable de l’ambition initiale et pourrait constituer une victoire majeure pour l’industrie chimique.
10 raisons pour lesquelles une interdiction limitée aux produits de consommation est insuffisante
- Difficulté pour définir « un produit de consommation »: la commission n’a pas encore défini les utilisations qui relèveront de l’usage consommateur et non pas industriel. Et la limite sera délicate à identifier. Les batteries pour voitures électriques contiennent des PFAS : est-ce que la fabrication de batteries va donc bien être concernée en tant que produit de consommation ?
- Portée trop faible : Les secteurs envisagés pour l’instant (cosmétiques, matériaux alimentaires, vêtements d’extérieur) ne sont pas majoritaires dans les émissions de PFAS. En se limitant à ces secteurs, 80% des émissions sortiraient du champ d’action de la restriction
- Méconnaissance de la réalité de l’exposition : Les humains sont exposés aux PFAS non seulement par les produits qu’ils utilisent, mais aussi et surtout par la contamination agricole et industrielle, de la production à la gestion des déchets.
- Tactique de diversion de l’industrie : Certains lobbies industriels poussent délibérément à prioriser certaines utilisations pour éviter une interdiction plus large et notamment protéger les fluoropolymères – voir notre article sur les polymères PFAS.
- Retard inexcusable : L’industrie aurait dû retirer les PFAS des produits de consommation il y a des années, des alternatives étant largement disponibles dans la majorité des usages.
- Résistance persistante : Même face à une interdiction limitée, certains secteurs industriels luttent avec acharnement pour obtenir des exemptions. Il est donc nécessaire d’avoir une restriction forte pour qu’elle garde sa cohérence et son efficacité.
- Travail de l’ECHA compromis : Une décision précipitée risque de compromettre l’analyse approfondie actuellement menée par l’ECHA sur les alternatives aux PFAS.
- Efficacité douteuse : Une approche fragmentée n’est probablement pas plus rapide ni plus efficace qu’une restriction universelle pour prévenir la pollution.
- Incertitude sur les usages professionnels : Les déclarations de la Commission ne clarifient pas le sort des utilisations professionnelles des PFAS.
- Frein à l’innovation : Affaiblir la restriction universelle ralentirait la recherche cruciale d’alternatives aux PFAS.
Un enjeu de santé publique et environnemental, pas idéologique
La priorité accordée à la « compétitivité » et à la « simplification » ne doit pas l’emporter sur la protection de la santé des citoyens et de l’environnement. La Commission ne doit pas jouer un jeu cynique en donnant l’impression de défendre une action orientée vers les consommateurs tout en permettant à d’énormes quantités de PFAS (et aux entreprises qui produisent cette pollution) de continuer en toute impunité.
Une réglementation efficace et transparente est le véritable moteur de l’innovation, de la confiance du public et du leadership sur le marché. Il est urgent de fermer le robinet des PFAS – qu’ils soient produits pour des usages de consommation, industriels ou professionnels – dès que possible. Le coût de l’inaction est déjà beaucoup trop élevé aussi bien du point de vue sanitaire, environnemental qu’économique.
La Commission doit agir dans l’intérêt des citoyens européens et accompagner les entreprises vers la promotion de produits sûrs et propres, créant un attrait pour les produits européens.