La Commission européenne (CE) a reçu et publié le 4 septembre le rapport final issu du« Strategic Dialogue on the Future of EU Agriculture » qui devrait alimenter sa feuille de route. Retour sur l’essentiel sur nos sujets.
L’agriculture se trouve à un tournant décisif en matière de durabilité. Les méthodes conventionnelles, notamment l’utilisation intensive de substances chimiques telles que les engrais et les pesticides de synthèse, sont de plus en plus remises en question en raison de leurs effets sur l’environnement, la biodiversité et la santé humaine. Dans ce contexte, les membres du « Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’UE » publient leur rapport final et appellent à une transition vers des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, qui visent à protéger la santé des sols tout en réduisant la dépendance aux intrants chimiques. Au cœur de cette transition se trouve l’agriculture biologique.
Contexte : renouer le dialogue avec et entre tous les acteurs du secteur
Suite aux manifestations des agriculteurs à travers l’Europe ayant éclaté fin 2023, la Commission européenne a décidé de lancer ce “dialogue stratégique”, qui se pense comme un forum rassemblant différents acteurs du secteur ainsi que des ONGs (voir la liste des participants). Le dialogue stratégique a fait l’objet de 7 réunions plénières accompagnées d’ateliers visant à construire une vision commune pour l’agriculture et l’alimentation de l’UE. Le rapport final publié et remis à la présidente de la CE, Ursula von der Leyen, doit désormais alimenter la feuille de route de la Commission.
Un constat partagé : L’impact des engrais et des pesticides
L’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques est un élément central de l’agriculture intensive, contribuant à augmenter la productivité agricole jusqu’à un certain niveau. Cependant, ces substances posent des risques majeurs pour l’environnement. Les pesticides, par exemple, peuvent contaminer les sols, les eaux souterraines, et réduire la biodiversité en affectant les insectes pollinisateurs et les micro-organismes bénéfiques. De plus, l’usage excessif d’engrais azotés et phosphorés conduit à l’eutrophisation des eaux, perturbant ainsi les écosystèmes aquatiques.
Alternatives aux pesticides : biocontrôle, agroécologie et agriculture biologique
Une des principales recommandations de la CE pour réduire la dépendance aux pesticides est l’adoption du biocontrôle, qui comprend l’utilisation d’organismes vivants ou de substances naturelles pour gérer les « ravageurs. » Cela inclut des pratiques telles que la gestion intégrée des ravageurs (IPM en anglais) et la production de pesticides naturels. Pour la CE, le biocontrôle représente une alternative viable aux pesticides chimiques, permettant de limiter leur utilisation tout en maintenant un rendement agricole compétitif. Pour Générations Futures, il ne faut clairement pas tout miser sur le biocontrôle pour réduire l’utilisation des pesticides. C’est un outil qui doit s’utiliser dans une refonte en profondeur du système agricole. En outre, son déploiement ne doit pas se faire sans tenir compte des effets négatifs possibles (faiblesses des évaluations, introduction d’espèces non natives dans un écosystème, ce qui peut perturber l’équilibre naturel etc.)
En parallèle, il est évoqué l’agroécologie. Il faut rester vigilant sur la définition donnée à cet ensemble de pratiques car en réalité, seuls les systèmes agricoles ayant comme socle minimal l’agriculture biologique (AB) peuvent se prévaloir de cette dénomination. Or, le terme est aussi utilisé par les représentants d’une agriculture chimiquement intensive.
Le rapport explique que l’intérêt de l’AB repose sur l’exclusion des pesticides et engrais de synthèse, favorisant à la place des méthodes naturelles de fertilisation et de protection des cultures. L’AB devrait ainsi occuper une place centrale dans la future stratégie européenne pour une agriculture durable. Il est rappellé que le Green Deal européen et la stratégie « De la ferme à la table » fixent un objectif ambitieux : porter la part des terres agricoles dédiées à l’agriculture biologique à 25 % d’ici 2030.
Le document note que l’agriculture biologique n’est pas seulement bénéfique pour l’environnement, elle répond aussi à une demande croissante des consommateurs européens pour des produits alimentaires plus sains et plus durables. Les produits biologiques sont perçus comme étant de meilleure qualité et plus respectueux de la santé humaine, en particulier en raison de l’absence de résidus de pesticides. Bien sûr, le document pointe aussi les défis que doivent relevés l’AB (rendements moindres, coûts de production plus élevés, disponibilité limitée des outils de luttes contre les « indésirables » …
Vers une meilleure gestion des engrais
Un autre domaine clé de la réforme est la gestion des engrais qui doivent être utilisés de manière circulaire. Le rapport préconise une réduction de l’utilisation des engrais de synthèse, qui devraient progressivement être remplacés par des alternatives moins polluantes, notamment des technologies de récupération des nutriments. L’objectif est de favoriser un cycle des nutriments plus durable, en tenant compte des besoins des sols et des écosystèmes.
En conclusion
Face aux enjeux environnementaux et aux pressions sociétales, l’agriculture doit évoluer vers des pratiques plus respectueuses des écosystèmes. L’agriculture biologique, combinée à des approches comme le biocontrôle et l’agroécologie, offre des perspectives prometteuses pour un avenir agricole durable. Toutefois, cette transition nécessitera des investissements en recherche, un cadre législatif adapté, et une collaboration étroite entre les agriculteurs, les gouvernements et l’industrie. Le rôle de l’agriculture biologique dans la réduction des intrants chimiques et la promotion d’une production alimentaire respectueuse de l’environnement sera essentiel pour atteindre les objectifs de durabilité fixés par l’Union Européenne.
Après un échec de la proposition de la Commission européenne de règlement sur les pesticides lors de son précédent mandat, Générations Futures espère que ce rapport se traduira par des engagements concrets et notamment le retour d’une initiative législative visant à réduire l’utilisation des pesticides ainsi qu’une révision en profondeur de la politique agricole commune (PAC) afin d’accompagner les agriculteurs dans cette transition.