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L’hypospadias : une maladie congénitale multifactorielle

L’hypospadias est l’une des maladies congénitales les plus communes (affecte un garçon sur 200 à 300) et se caractérisent par un déplacement du méat urétral en direction ventrale et proximale à partir de la pointe du pénis. Pour rappel, l’OMS définit les troubles congénitaux comme des anomalies structurelles ou fonctionnelles (comprenant aussi les troubles métaboliques) survenant durant la vie intra utérine. Elles peuvent être identifiées avant la naissance, à la naissance ou plus tard dans la vie et constituent un groupe hétérogène de troubles qui peuvent être causés par des anomalies monogéniques, des anomalies chromosomiques, une hérédité multifactorielle, des agents tératogènes environnementaux ou une malnutrition en micronutriments. [1] [2]

Bien qu’il soit généralement difficile de déterminer les causes exactes de l’apparition de telles maladies, l’exposition de la mère à certain produits chimiques, notamment les pesticides, a largement été étudié dans la littérature scientifique. Nous allons donc ici résumer les principales conclusions concernant les facteurs de risques liés au développement d’hypospadias.

De nombreuses preuves suggèrent une composante génétique importante dans l’hypospadias, la présence d’un membre de la famille affecté étant le plus grand facteur de risque identifié jusqu’à présent. Par exemple, la probabilité que le frère d’un garçon atteint présente également un hypospadias est de 9 à 17 %. Ainsi, l’héritabilité de l’hypospadias est estimée à au moins 57%.

Ce n’est cependant pas la seule cause. En effet, le processus de fermeture de l’urètre est connu pour être particulièrement sensible à l’environnement hormonal. Ainsi, Les composés œstrogéniques et anti-androgéniques sont bien établis pour induire des hypospadias chez l’homme et la souris.

Au cours des 30 dernières années, la santé masculine a été marquée par une détérioration du nombre de spermatozoïdes et une incidence croissante de cancers des testicules et d’hypospadias, en particulier dans les pays développés. Cela a conduit à l’hypothèse selon laquelle notre exposition élevée à des facteurs environnementaux pourrait contribuer à son étiologie. Cela peut inclure l’exposition à des molécules qui interfèrent avec la synthèse, le transport ou le métabolisme des hormones endogènes, comme les perturbateurs endocriniens (PE). Plus spécifiquement, ce phénomène a soulevé des préoccupations concernant les produits et sous-produits chimiques industriels et agricoles.

Une étude prospective récente (2015) a montré que l’exposition aux PE pendant la vie du fœtus augmente significativement le risque de développer des hypospadias. Or, on retrouve l’Homme est en contact permanent avec ces substances car on les retrouve dans l’ensemble des compartiments environnementaux (eau, sol, air) et dans de nombreux produits de consommation dont les denrées alimentaires.

Les phtalates, une famille de PE bien connue, ont également été associés avec la survenue d’hypospadias. De la même manière, le diéthylstilbestrol (DES), considéré comme un médicament anti-abortif et utilisé jusqu’en 1971, est associé à un risque accru d’hypospadias chez les hommes exposés in utero, et cet effet se prolonge dans la deuxième génération. Cela soulève la préoccupation que certaines expositions environnementales peuvent non seulement induire des hypospadias chez l’individu exposé, mais aussi créer des changements épigénétiques durables qui continuent à augmenter le risque d’hypospadias pour les générations à venir.

L’association constante de l’hypospadias avec un faible poids de naissance et l’hypertension maternelle suggère que l’insuffisance placentaire pourrait être un facteur de risque majeur d’hypospadias. En outre, la consommation de médicaments antiépileptiques, le diabète préexistant et une grossesse prolongée semblent également être des facteurs de risques. [3] [4] [5]

L’exposition aux pesticides au centre des recherches

Dans son expertise collective sur les effets des pesticides sur la santé, l’Institut national de la santé et de la recherche médical (Inserm) cite notamment deux études conduites sur les conséquences d’une exposition aux pesticides sur la survenue d’hypospadias. La première, une méta-analyse qui s’est déroulée en milieu professionnel, montre un excès de risque significatifs de 36%. La deuxième étude complète ces propos puisqu’elle s’est intéressée à la population générale. La conclusion est qu’une exposition aux pesticides pendant la grossesse entraîne un excès de risque significatif d’hypospadias. [6]

Plus récemment, d’autres études ont confirmé le lien potentiel entre les pesticides et le développement d’hypospadias. Ainsi, un risque accru a été observé suite à une exposition à un métabolite du DDT ou à l’atrazine. Une augmentation du risque est également observée chez des femmes enceintes ayant recours à des répulsifs pour insectes durant le premier trimestre de grossesse. [7]

Dans une publication de 2017, E Amar faits le point sur les articles portant sur les maladies congénitales et leur lien avec l’exposition aux pesticides. Une augmentation du risque d’hypospadias chez les enfants des femmes vivant près d’une zone agricole utilisant des pesticides est ainsi décrite et confirmée par une méta-analyse concernant les expositions professionnelles de la mère. Les mêmes observations sont faites dans la cohorte Bretonne « Pélagie » ou chez une population Montpellieraine. [8]

Dans une cohorte française de 2015, l’exposition prénatale aux PE est décrite comme un facteur de risque. Plus particulièrement, les détergents, pesticides et les cosmétiques sont pointés du doigt. De plus, les résultats soulèvent le risque des effets cocktails, induits par différentes expositions concomitantes. Enfin, l’étude met aussi en avant le risque lié à une exposition paternelle. En effet, bien que ce risque soit plus faible que celui lié à une exposition maternelle, les hommes sont susceptibles d’être davantage exposés à certains produits (solvants, détergents, pesticides, etc.) de par certaines professions exercées davantage par les hommes (travailleurs agricoles, techniciens de laboratoire, mécaniciens automobiles, peintres, etc.). [9]

En conclusion, bien qu’une partie des cas d’hypospadias ont une étiologie inconnue, leur survenue semble due à plusieurs facteurs, à la fois génétiques et environnementaux. Malgré certaines preuves expérimentales, démontrer que les perturbateurs endocriniens provoquent l’hypospadias reste un grand défi puisque ces substances sont omniprésentes dans des mélanges variables et leurs effets n’apparaissent généralement pas au moment de l’exposition. Une partie des cas d’hypospadias reste encore aujourd’hui inexpliquée, particulièrement les formes les moins graves.


Sources :

[1] Organisation mondiale de la santé. Anomalies congénitales. [en ligne] disponible sur : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/congenital-anomalies. Consulté le 15/10/2020.

[2] OMS, CDC, ICBDSR. Surveillance des anomalies congénitales : atlas de certaines anomalies congénitales. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2015.

[3] Bouty A, Ayers K, L, Pask A, Heloury Y, Sinclair A, H: The Genetic and Environmental Factors Underlying Hypospadias. Sex Dev 2015; 9:239-259. doi: 10.1159/000441988

[4] L.F.M. van der Zanden, I.A.L.M. van Rooij, W.F.J. Feitz, B. Franke, N.V.A.M. Knoers, N. Roeleveld, Aetiology of hypospadias: a systematic review of genes and environment, Human Reproduction Update, Volume 18, Issue 3, May/June 2012, Pages 260–283, https://doi.org/10.1093/humupd/dms002

[5] Kalfa, N., Philibert, P., & Sultan, C. (2009). Is hypospadias a genetic, endocrine or environmental disease, or still an unexplained malformation? International Journal of Andrology, 32(3), 187–197. doi:10.1111/j.1365-2605.2008.00899.x

[6] Inserm (dir.). Pesticides : Effets sur la santé. Synthèse et recommandations. Synthèse et recommandations. Paris : Les éditions Inserm, 2013, XII-146 p. – (Expertise collective). – http://hdl.handle.net/10608/4821

[7] Raghavan, R., Romano, M. E., Karagas, M. R., & Penna, F. J. (2018). Pharmacologic and Environmental Endocrine Disruptors in the Pathogenesis of Hypospadias: a Review. Current Environmental Health Reports, 5(4), 499–511. doi:10.1007/s40572-018-0214-z

[8] E Amar. Malformations et facteurs environnementaux. Rev. Méd. Périnat. (2017) 9:73-80

[9] Kalfa N, et al. Is Hypospadias Associated with Prenatal Exposure to Endocrine Disruptors? A French Collaborative Controlled Study of a Cohort of 300 Consecutive Children Without Genetic Defect. Eur Urol (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.eururo.2015.05.008