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La Haute Valeur Environnementale: un système agricole durable?

Si l’idée initiale de la HVE est séduisante et intéressante, ce type de système agricole – telle que proposé et défini – n’est pas assez ambitieux pour pouvoir prétendre être écologiquement durable et devenir une alternative crédible à l’agriculture chimiquement intensive. Explications!

Contexte

En 2008, le Grenelle de l’Environnement a amorcé la réflexion autour d’un modèle agricole de type « 3e voie » qui, dans l’esprit des associations environnementales, devait permettre aux agriculteurs d’avancer vers une transformation en profondeur de leur système et de tendre vers l’agroécologie au sens de l’AB. Cette idée a été reprise (mais in fine « dévoyée » en partie) dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qui a acté un système public d’accompagnement et de « reconnaissance environnementale », la « certification environnementale des exploitations », qui s’adresse à l’ensemble des filières agricoles.

En 2015, les Vignerons indépendants, pionniers de la démarche, obtiennent du ministre de l’Agriculture le lancement d’un logo, signe distinctif porté par les produits issus d’exploitations certifiées.

En 2017, à l’issue des États généraux de l’Alimentation, de nombreuses filières et organisations rejoignent la démarche.

À partir de 2018, l’objectif de la profession est une diffusion multi filières et une communication grand public (voir le site de l’association de promotion de cette certification ).

Depuis le 1er juillet, ce sont environ 2200 exploitations qui sont certifiées (voir toutes les exploitations ici ). Sachant que le France comptait selon les dernières données Agreste 2017 (portant sur 2013) 451 606 exploitations, l’HVE ne représente donc que 0,48%… de l’ensemble des exploitations françaises…

Alors est-ce que ce type d’agriculture présente une réelle avancée ?

La qualification HVE : qu’est-ce que c’est ?

1) les 3 niveaux du référentiel HVE

Les niveaux 1 et 2 ne donnent pas le droit d’utiliser le terme d’agriculture HVE et n’ont aucun intérêt. Tous les agriculteurs qui ont des aides PAC (Europe) sont assimilés au niveau 1, car ils sont censés respecter la « conditionnalité » pour les obtenir. Les conditions sont au ras des pâquerettes, il faut juste respecter la loi… Le niveau 2 ressemble beaucoup à l’agriculture raisonnée. On promet de ne pas faire n’importe quoi quant aux quantités de pesticides épandues, mais il n’y a pas de restriction plus exigeante que la loi pour ce qui est des produits utilisés, du nombre de traitements, etc.

Seul le niveau 3 donne l’habilitation pour utiliser le terme « d’agriculture HVE » sur les produits commercialisés. Il faut obtenir une certification délivrée par un organisme de contrôle indépendant sur la base d’un référentiel d’évaluation plutôt complet.

Les exploitations engagées dans cette démarche peuvent demander une certification (en faisant la démarche auprès de l’AFNOR (voir ici ) et apposer sur leurs produits ce logo :

2) Composition du référentiel

Le référentiel est composé d’environ 25 critères qui rapportent des points (entre 3 et 10 points chacun). Ces critères sont répartis en 4 thématiques, qui disposent chacune d’environ 30 points potentiels :

  • La préservation de la biodiversité (insectes, arbres, haies, bandes enherbées, fleurs…) ;
  • La stratégie phytosanitaire ;
  • La gestion de la fertilisation ;
  • La gestion de la ressource en eau.

3) Obtention de la certification

Option A

Pour en faire un référentiel de certification, il a fallu définir un seuil à atteindre qui n’est pas assez exigeant. Il suffit d’obtenir 10 points par thématique pour être certifié. En d’autres termes, il faut atteindre 10 sur 30 par thématique, soit environ 40 sur 120 pour être de Haute Valeur environnementale. Cela n’est pas satisfaisant, sachant que le 120 n’est pas inaccessible !

Non seulement ce seuil est dans l’ensemble très bas, mais en plus il peut être atteint avec un ou plusieurs points faibles qui seraient « compensés » (sur le plan purement comptable et non pas sur le plan environnemental) par un autre point fort.

Avec un référentiel complet et un seuil de certification bas, on obtient une grande hétérogénéité entre les exploitations certifiées : rien de commun entre une exploitation à 40 et une exploitation à 110 vis-à-vis du respect de l’environnement.

Option B

Il existe une autre possibilité d’être certifié (au choix de l’agriculteur), qui ne tient pas compte du référentiel et de ces 25 critères, mais qui comprend 2 conditions à remplir :

1/ Les haies et les bandes enherbées doivent représenter plus de 10 % de la Surface agricole utilisable (SAU)/Pour le cas des prairies permanentes, elles doivent représenter plus de 50 % de la SAU.

2/ Les intrants (achats extérieurs pour produire) doivent être inférieurs à 30 % du chiffre d’affaires.

Cette solution est plus confortable pour les productions à haute valeur ajoutée (comme la viticulture, l’arboriculture ou la ferme des 1000 vaches) qui auraient un peu de mal avec les 25 critères…

En outre, dans les critères, il n’y aucune exclusion d’usage de molécules pouvant être cancérigène, mutagène, reprotoxique ou perturbatrices du système endocrinien, par exemple ce qui de fait affaiblie d’autant plus l’intérêt d’une telle certification.

Pour en savoir plus sur l’HVE (site du Ministère de l’agriculture)

Conclusion

La HVE n’est pas une alternative à l’utilisation des pesticides. Si cette démarche environnementale est bonne et est une forme de progrès, elle reste largement insuffisante en termes de protection de l’environnement.

Bien sûr, si l’ensemble de l’agriculture française non bio pouvait être en HV3 (option A) – l’option B étant bien trop faible et les niveaux 1 et 2 étant sans intérêt -, ce serait un progrès comparé au modèle dominant actuel mais cela resterait insuffisant pour espérer être un modèle agricole réellement durable de toute façon.

La HVE reste donc un leurre de plus à destination des consommateurs, d’autant plus insaisissable qu’il peut y avoir des exploitations HVE vertueuses (car certaines proposent une vraie amélioration de leur système) et des exploitations HVE sans réels progrès (qui se contentent juste du minimum).

NOUVEAUTE

Pour aller plus loin sur l’HVE lire le rapport de l’IDDRI publié en mars 2021
La certification Haute Valeur Environnementale dans la PAC : enjeux pour une transition agroécologique réelle