Les autorités n’ont pas réussi à interdire un seul pesticide en vertu des lois européennes censées protéger les populations d’insectes en déclin, selon un rapport publié ce jour par Pesticide Action Network Europe (PAN).
Depuis plus de deux décennies, les responsables à Bruxelles ont contourné la loi en autorisant des dizaines de pesticides en suivant des lignes directrices élaborées avec l’aide des grandes entreprises agrochimiques, révèle PAN Europe .
Ces lignes directrices permettent l’utilisation de pesticides responsables de pertes massives chez les insectes, araignées, coléoptères, papillons et autres arthropodes. Elles ne sont mises à jour que maintenant, avec un calendrier de révision prévu pour janvier.
Les arthropodes, souvent appelés « les petites choses qui font tourner le monde », remplissent des rôles écologiques variés et sont essentiels à l’approvisionnement alimentaire de la plupart des animaux terrestres et des humains. Les scientifiques affirment que l’intensification agricole est la principale cause de la « grave diminution » des insectes, les pesticides étant un facteur majeur.
Ces nouvelles lignes directrices entreront encore plus en conflit avec la loi. Des documents internes obtenus par PAN Europe, malgré l’opposition de l’EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments), montrent que cette agence a engagé des consultants de l’industrie chimique pour élaborer de nouvelles méthodes d’évaluation des risques des pesticides, favorisant clairement l’agriculture intensive. Ces méthodes, en cours de finalisation, pourraient être étendues à d’autres catégories d’animaux et de plantes, augmentant les risques pour les écosystèmes.
Changements prévus par les consultants de l’EFSA :
- Élever le statut de la production agricole à celui de « service écosystémique », retirant ainsi toute protection aux arthropodes présents sur les terres agricoles.
- Considérer tous les insectes herbivores comme des « nuisibles », bien qu’ils soient cruciaux pour les chaînes alimentaires.
- Utiliser des terres agricoles dégradées comme référence pour évaluer la santé écologique, en contradiction flagrante avec les lois de l’UE.
- Ignorer l’obligation légale d’évaluer les impacts combinés des pesticides, qui peuvent aggraver considérablement leurs effets.
- Remplacer les tests sur des populations d’insectes réelles par des modèles informatiques peu réalistes.
- Réduire la durée des tests d’exposition des pesticides à 48 heures, ne tenant pas compte des impacts à long terme.
PAN Europe a averti que ces nouvelles méthodes affaibliraient considérablement la réglementation principale de l’UE sur les pesticides. Le Parlement européen et les gouvernements des États membres auront plusieurs occasions d’intervenir.
La Cour européenne de justice a récemment précisé que la priorité doit être donnée à l’environnement plutôt qu’à la production agricole dans la législation sur les pesticides. PAN Europe prévoit de demander en décembre l’annulation de l’autorisation du glyphosate en Europe, en partie à cause de directives défaillantes.
Dr Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe, déclare :
« Les lobbyistes chimiques ont réussi à convaincre des responsables publics de valider des pesticides qui ont anéanti des quantités massives d’insectes, essentiels à la pollinisation, au contrôle des ravageurs et à la nutrition des cultures. La bonne nouvelle est que nous avons révélé cela, et il est encore temps d’y remédier. »
Lire le rapport de PAN Europe en anglais et le résumé en français : Arthropodes et Pesticides