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Bayer-Monsanto VS Paul François: « 11 000 euros pour autant de sacrifices ! »

Paul François (au centre avec le micro) devant les locaux de Bayer Monsanto à Bruxelles le 8 décembre 2022

Après 15 ans de procédure judiciaire, Bayer-Monsanto condamnée définitivement grâce à l’action juridique de l’agriculteur Paul François et de son avocat Maitre Lafforgue, du cabinet TTLA  ! Nous saluons ici leur courage et la détermination à obtenir justice pour Paul et au-delà pour toutes les victimes des pesticides.

La firme ne devra cependant verser que la somme dérisoire de 11 135 euros à Paul pour son intoxication à l’herbicide Lasso. Une somme très insuffisante, selon lui peut-on lire sur le site de France info.

Au-delà du montant scandaleux de cette indemnité, c’est toute la question du système « pesticides » qui pose question et qui doit faire l’objet de profondes modifications. Dernièrement, ce sont  de nouveau les sujets du glyphosate et de la chlordécone qui ont de nouveau mis en lumière une forme d’impunité pour les firmes responsables de graves dommages sanitaires et environnementaux et la faillite des pouvoir publics face à ces situations. Générations Futures apporte tout son soutien à Paul François et sera toujours du côté des victimes des pesticides. Il faut que la peur change définitivement de camp.

RAPPEL DES FAITS

En avril 2004, au cours de son activité, Paul François, agriculteur, inhale les vapeurs d’un herbicide de la firme Monsanto, le Lasso, dont le principe actif est l’alachlore (1) (cancérogène) auquel s’ajoute un adjuvant redoutable, le monochlorobenzène (neurotoxique). S’en suivirent des comas à répétition, des maux de têtes violents, des pertes de connaissances, de nombreux épisodes d’hospitalisation qui n’ont jamais cessé depuis lors. Le lien entre ses problèmes de santé et son intoxication a pu être établi et reconnu en tant que rechute de son accident du travail. Aujourd’hui, Paul François souffre toujours de graves troubles, notamment neurologiques (maux de tête, pertes de connaissance, hospitalisation…) qui l’empêchent parfois de se lever, de travailler et de vivre normalement.

BAYER-MONSANTO CONDAMNÉ EN JUSTICE

En 2007, parallèlement à sa demande de reconnaissance en maladie professionnelle, Paul François décide, accompagné de son avocat Maître François Lafforgue (Cabinet Teissonnière-Topaloff-Lafforgue-Andreu & Associés), d’engager un recours contre la firme américaine Monsanto notamment pour “défaut d’information sur l’étiquette”. Après avoir obtenu gain de cause devant le tribunal de grande instance (février 2012) et la cour d’appel de Lyon (septembre 2015), dont l’arrêt est cassé par la Cour de cassation qui renvoie alors l’affaire devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée. Le 11 avril 2019, à Lyon, la justice a reconnu la responsabilité pleine et entière de Monsanto – désormais Bayer-Monsanto – dans l’intoxication de Paul François et ses conséquences sanitaires graves. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation.

Mais, très loin de la réparation intégrale prévue par le code civil français, la justice consacre l’impunité de la firme Bayer-Monsanto en n’assortissant cette condamnation que d’une indemnisation dérisoire, indigne et presqu’insultante à l’égard de Paul François et de sa famille. Ce type de décision pourrait dissuader les victimes de pesticides de mettre en cause la responsabilité des firmes multinationales qui empoisonnent le monde.

LE LASSO, l’alachlore et le monochlorobenzène

Pour rappel, le produit commercialisé sous le nom Lasso en 1967 était retiré du marché dès 1985 au Canada, aux États-Unis, ainsi que dans certains pays comme la Belgique ou les Pays Bas, membres de la communauté européenne qui l’interdisaient sur leur territoire dans les années 90. C’est seulement en 2007, soit 3 ans après l’intoxication de l’agriculteur en France, que la Commission Européenne a décidé d’interdire l’utilisation de l’alachlore dans tous les pays membres, décision justifiée par le fait qu’il représentait un danger pour l’utilisateur. De plus, l’alachlore, principe actif du produit, avait été classé cancérigène probable en 2008 par l’EPA (Environmental Protection Agency, agence règlementaire américaine). Quant à l’adjuvant, le monochlorobenzène (2), il était présent à 50% dans le Lasso. Neurotoxique avéré, il est inscrit aux tableaux des maladies professionnelles du régime général en France.

Pour autant, malgré ces décisions d’interdiction sur le territoire européen, et le jugement du tribunal dans le cas de l’agriculteur français, n’ont pas empêché l’agence Européenne (EFSA) d’autoriser la mise sur le marché de substances pesticides de la même famille chimique des a-Chloroacetamides (chloroacetanilide en anglais) qui présentent le même mode d’action que l’alachlore. Substituer une substance dangereuse par une nouvelle quasiment similaire constitue une mise en danger de la santé des professionnels et des populations. Elle reflète une obscène cécité des autorités sanitaires aux erreurs du passé.

Le Lasso a été fabriqué sur le territoire belge à Anvers, dans l’usine Chemical Bayer pour être exporté notamment dans les pays asiatiques et distribué auprès des riziculteurs en Asie. Même le Japon, doté d’une agence règlementaire, autorise toujours son usage. Mais Bayer-Monsanto a pris la précaution que le nom de l’entreprise n’apparaisse pas sur les emballages, en confiant la commercialisation à un « tiers ». Malgré l’interdiction européenne, les consommateurs peuvent acheter du riz, importé des pays producteurs, sur lequel ce pesticide dangereux, exporté d’Europe, a été appliqué. Une matière proche de l’alachlore, l’acétochlore est maintenant fabriquée à Anvers pour un usage en Ukraine et au Kazakhstan. Le Metazachlor est toujours autorisé sur le sol belge et il se retrouve en dépassement de concentration autorisée dans nos eaux souterraines.

L’ampleur des maladies cancérogènes et neurologiques provoquées par les 17 a-Chloroacetamides chez les agriculteurs et consommateurs, en Europe et ailleurs, est rendue invisible du fait de l’absence de recensement de ces maladies chez les personnes exposées par les institutions de santé publique. Selon l’ECHA, la Belgique a exporté près de 1164 substances en 2022 et la France 1727 substances tandis que l’Allemagne en exporte 3152.

Afin de sortir du cercle vicieux de l’usage des pesticides en agriculture, nous demandons à la Commission européenne d’interdire définitivement la fabrication, l’usage et l’exportation du Lasso, de l’alachlore et de toutes autres substances apparentées, et d’adopter une politique agricole en soutien des agriculteurs qui tentent de se libérer de l’emprise chimique, afin d’arriver, à terme, à l’interdiction de tous les pesticides de synthèse.

Toutes les organisations et citoyen.ne.s présents soutiennent Paul François dans sa lutte pour la réparation intégrale de tous ses préjudices. Nous encourageons toutes les victimes de pesticides à recourir à la justice afin de briser l’impunité des dirigeants et actionnaires des firmes qui nous intoxiquent au nom du profit.

  1. https://echa.europa.eu/fr/substance-information/
  2. https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_23

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