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Glyphosate : après le nouvel avis de l’EFSA, 33 organisations exigent que la France défende la fin du glyphosate cette année

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu aujourd’hui son nouvel avis très attendu sur les risques du glyphosate. Cette évaluation doit permettre à la Commission européenne et aux Etats membres de l’UE de décider ou non de la ré-autorisation du glyphosate, substance active du célèbre Roundup de Monsanto-Bayer, pesticide le plus vendu au monde, d’ici la fin de l’année. Une trentaine d’organisations de la société civile mobilisée depuis des années sur ce sujet, avec plus d’un demi-million de citoyen·nes via leur pétition commune, exigent que la France joue un rôle moteur et sans ambiguïté pour faire interdire en 2023 le glyphosate en Europe. Alors que des doutes subsistent sur la position que portera la France au niveau européen, il est urgent d’en finir avec cette substance classée « cancérogène probable » pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC/ONU).

Avis de l’EFSA sur le glyphosate

La très attendue évaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments « de l’impact du glyphosate sur la santé humaine, les animaux et l’environnement. n’a pas permis d’identifier de domaines critiques », informe l’EFSA. Cependant, « les conclusions de l’EFSA font état de certaines lacunes dans les données (…) que la Commission européenne et les États membres devront prendre en considération lors de la prochaine étape de la procédure de renouvellement de l’autorisation. Parmi les questions qui n’ont pas pu être finalisées figurent l’évaluation d’une des impuretés du glyphosate, l’évaluation des risques alimentaires pour les consommateurs et l’évaluation des risques pour les plantes aquatiques ».

Analyse spécifique de Générations Futures réalisée par notre toxicologue Pauline Cervan :

L’EFSA n’a pas identifié de point de préoccupation majeur (« critical area of concern ») qui sont des parties de l’évaluation conduisant à la conclusion qu’un risque inacceptable pour la santé ou l’environnement existe et justifiant une interdiction de la substance.

Toutefois, plusieurs points de l’évaluation n’ont pas pu être finalisés. L’EFSA distingue 2 types de domaines pour lesquels il manque des données :

Les domaines de l’évaluation qui n’ont pas pu être finalisés (« issues that could be finalised ») :

  • L’évaluation d’une impureté est incomplète car il manque de données sur le potentiel clastogène (capacité à casser l’ADN)
  • L’évaluation du risque pour le consommateur ne peut donc pas être finalisée car données sur les résidus dans les cultures de rotation sont incomplètes.  Cependant, l’EFSA ne s’attend pas à ce que les résidus dans ces cultures soient supérieurs au Limite maximale de résidus (LMR).
  • Concernant le risque pour les milieux aquatiques, il manque des informations sur l’exposition des plantes aquatiques suite à la dérive de pulvérisation.

Selon la définition du terme « issue that could not be finalised » donnée par l’EFSA, ces problèmes qui n’ont pas pu être finalisés peuvent, une fois finalisés, être considérés comme des « critical area of concern ». Nous nous posons donc la question : comment peut-on donc affirmer qu’il n’y a pas de « critical area of concern » sans avoir pu finaliser l’évaluation ? Les données concernant les propriétés de l’impureté, les résidus dans les cultures de rotation et les données d’exposition du milieu aquatique sont donc indispensables pour conclure sur l’absence de risque inacceptable ou non.

Il y a également des « questions en suspens » (outstanding issues »)

  • il y a un manque de donnée sur la toxicité aigüe et chronique d’un co-formulant présent dans la formulation représentative, donnée nécessaire à l’évaluation du risque de la formulation.
  • Selon l’EFSA, il n’y a pas d’indication que le glyphosate seul est neurotoxique. Toutefois, l’EFSA note que des données sur les produits à base de glyphosate et sur un sel de glyphosate non approuvé en EU montrent des effets neurotoxiques.  L’EFSA va donc faire une recommandation pour que le demandeur clarifie ce point.
  • Selon l’EFSA, l’évaluation des effets sur la biodiversité est complexe et multifactorielle mais il y a un manque de méthodologie pour évaluer ces risques. Aucune conclusion définitive ne peut donc être tirée mais des mesures de gestion du risque pourront être proposées (à appliquer par les Etats Membres lors de l’évaluation de produits)
  • Enfin, l’EFSA note que plusieurs études montrent des effets du glyphosate sur le microbiote. Mais ces effets ne peuvent pas être pris en compte car il manque des documents guides !

Forte de ces premiers éléments d’analyse on se demande comment l’EFSA arrive à conclure qu’il n’y finalement pas de problème avec cette substance alors qu’il y a autant de trous dans la raquette de l’évaluation !

Nous sommes surpris de voir que ces effets sur la neurotoxicité, le microbiote et la biodiversité sont considérés par l’EFSA comme uniquement des « outstanding issues ». En effet, selon la définition de l’EFSA du terme « outstanding issue », ces effets ne sont pas considérés comme des effets pouvant conduire à des « critical area of concern » et donc justifier une interdiction de la substance.

Les Etats membres de l’Union européenne vont décider du sort du glyphosate d’ici la fin de l’année. L’enjeu est énorme et porte sur une ré-autorisation (ou non) pour 15 ans.

Cet avis va maintenant permettre aux Etats membres de l’Union européenne de décider du sort du glyphosate d’ici la fin de l’année. L’enjeu est énorme et porte sur une ré-autorisation (ou non) pour 15 ans.

Glyphosate : quels engagements de la France ?

Alors que le président Macron s’était engagé à sortir du glyphosate en France « au plus tard » début 2021, il n’a pas tenu cette promesse. Au niveau européen, la substance active déclarée du Roundup de Monsanto-Bayer avait été ré-autorisée pour 5 ans fin 2017, malgré de nombreux scandales : Monsanto papers, manipulation de données scientifiques, dissimulation d’informations aux autorités, rémunération de spécialistes pour rédiger des tribunes et études scientifiques favorables (ghostwriting), opération de propagande, menaces et intimidation de scientifiques et d’organisations publiques chargées d’étudier le cancer, procès outre-Atlantique, fichage illégal.

Fortes d’une mobilisation d’un demi-million de citoyen·nes en France et d’une initiative citoyenne européenne réunissant le million de signataires nécessaires, les organisations exigent aujourd’hui que la France défende l’interdiction du glyphosate en Europe en 2023. Pour ces organisations de la société civile : « Compte tenu des risques largement documentés pour l’environnement et la santé humaine, il est plus qu’urgent d’appliquer le principe de précaution inscrit dans les textes européens et la Constitution française pour en finir avec le glyphosate et amorcer enfin une vraie transition agricole et alimentaire ».

Glyphosate : des risques pour la santé

La coalition d’une trentaine d’organisations de la société s’appuie pour cela sur de récentes études scientifiques accablantes :

  • Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (ONU) a classé le glyphosate comme « cancérogène probable » pour l’homme en 2015. Pour le CIRC, le glyphosate génère un stress oxydant et est génotoxique.
  • Des données scientifiques attestent également du potentiel génotoxique du glyphosate – dans son analyse de 2021, l’INSERM affirme qu’“une analyse des études toxicologiques montre que les essais de mutagénicité sur le glyphosate sont plutôt négatifs,  alors que les essais de génotoxicité sont plutôt positifs, ce qui est cohérent avec l’induction d’un stress oxydant.”
  •  L’INRAE, dans une étude de mai 2023 portant sur la pollution des sols par les pesticides, démontre que « les molécules les plus fréquemment détectées sont le glyphosate et l’AMPA, son métabolite principal, présents dans 70 % et 8 3% des sols prélevés »
  • L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a alerté en 2022 sur les conséquences du glyphosate sur plusieurs générations de truites, suggérant un effet perturbateur endocrinien.
  • L’EFSA a identifié des risques pour les espèces vertébrées non ciblées suite à l’exposition aux produits à base de glyphosate en 2015.
  • L’Inserm a souligné en 2021 que « le glyphosate peut présenter des propriétés de perturbation endocrinienne qui ont un impact sur la fonction de reproduction ». Ces propriétés ont été mises en évidence dans plusieurs études (ici et ici) faisant le lien entre une exposition durant la grossesse et la hausse des naissances prématurées, un faible poids à la naissance et le développement anormal des organes reproductifs des nourrissons.
  • L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a, elle, souligné la toxicité chronique de la substance sur les espèces aquatiques en 2022.

Dans une lettre remise ce 5 juillet à la première ministre, nos organisations rappellent tous les effets néfastes avérés de cet herbicide, les raisons pour lesquelles la France et plus largement l’UE ne devrait pas autoriser cette substance toxique. 

Signataires : Agir pour l’environnement, Alerte des Médecins sur les Pesticides, Amis de la Terre, Attac France, Bio Consom’acteurs, Bloom, Cantine sans plastique France, CCFD-Terre-Solidaire, Commerce équitable France, Confédération paysanne, Ekō, FNAB, Fondation pour la Nature et l’Homme, foodwatch France, France Nature Environnement, Générations Futures, Greenpeace France, Ingénieurs sans frontières agriSTA, Institut Veblen, Justice Pesticides, Ligue des droits de l’Homme, Noé, Notre affaire à tous, Réseau Action Climat, Réseau Environnement Santé, RESOLIS, Secrets Toxiques, SOL, Terre & Humanisme, Terre d’abeilles, Union Nationale de l’Apiculture Française, Vrac, WECF France, WeMove Europe.

Sources

 

Contacts presse

Générations Futures Nadine Lauverjat – nadine@generations-futures.fr – 06 87 56 27 54

foodwatch – Ingrid Kragl – ingrid.kragl@foodwatch.fr – 06 01 23 12 46

 

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