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Les perturbateurs endocriniens, responsables de l’infertilité croissante

La semaine dernière, Emmanuel Macron passait en revue lors d’une conférence de presse, les grands axes de la seconde moitié de son quinquennat, et fixait le cap pour son nouveau gouvernement. Il annonce alors un « grand plan » de lutte contre l’infertilité pour « permettre un réarmement démographique ».

Si cette expression de « réarmement démographique », qui empreinte au champ lexical de la guerre et fait écho à une traditionnelle obsession de l’extrême droite pour la natalité -comme le souligne la journaliste Salomé Saqué, est profondément inquiétante, la chute spectaculaire de la fertilité n’en demeure pas moins une question essentielle.

La chute de la fertilité en France

L’exécutif prévoit de construire sa stratégie de lutte contre l’infertilité sur les bases du Rapport sur les causes d’infertilité du Professeur Hamamah et de Madame Berlioux. Ce document rappelle qu’en moyenne un couple sur quatre rencontre des difficultés à devenir parents en France, et que le taux de fécondité de la population diminue chaque année.

En cause, le recul de l’âge de la maternité, mais également de nombreux facteurs environnementaux.

Les perturbateurs endocriniens (PE), plus particulièrement, représentent une menace pour notre fertilité.

Perturbateur endocri-quoi ?

Le système endocrinien (hormonal) est constitué de glandes (ex : thyroïde, ovaires, testicules, hypothalamus, etc.) qui secrètent des hormones. Ces hormones interviennent dans des fonctions essentielles de l’organisme : reproduction, développement du fœtus et de l’enfant, métabolisme, régulation de la glycémie…

Les perturbateur endocrinien (PE) sont des substances chimiques qui interfèrent avec ce système et sont susceptibles de brouiller des processus régulateurs et d’engendrer des effets fonctionnels qui se manifestent très longtemps après l’exposition.

Ces substances sont omniprésentes dans notre environnement domestique, mais également dans notre alimentation et dans certains médicaments.

Perturbateurs endocriniens : une contamination globale

Selon un Avis de l’ANSES de 2021 « près de 2 000 substances chimiques ont été identifiées pour une activité endocrine potentielle ». Nous y sommes exposés quotidiennement, par toutes les voies possibles : respiratoire, alimentaire et cutanée.

L’étude Esteban publiée en 2019 (voir notre article) révèle une imprégnation généralisée de la population à de nombreux PE. Agriculteurs et éleveurs sont particulièrement .exposés par l’intermédiaire des pesticides.

Une imprégnation avérée, avec quelles conséquences ?

On observe des effets sur la fertilité masculine ET féminine.

Chez les hommes, les perturbateurs endocriniens jouent vraisemblablement un rôle [4] dans le déclin de plus de 50% de la concentration spermatique observé dans les pays industrialisés entre 1973 et 2011. Cette tendance est confirmée en France par une étude réalisée en 2018 par Santé Publique France. Les principaux responsables seraient [1] :

  1. Les bisphénols (présents dans les plastiques rigides et les résines en contact avec l’alimentation)
  2. Les dioxines polychlorées (émises par les incinérateurs de déchets ménagers notamment)
  3. Certains phtalates (présents dans les plastiques souples)

Les parabènes (présents dans certains cosmétiques et produits d’hygiène) et le paracétamol sont aussi pointés du doigt.

Chez les femmes, une puberté précoce est fréquemment observée en relation avec les expositions aux PE. Cette puberté précoce est associée à des risques accrus de développer des pathologies métaboliques et comportementales en lien avec l’infertilité.


Dans un cas comme dans l’autre, la quantification de ces effets et l’identification des principaux produits responsables est très complexe : demi-vie courte des PE, relation dose-réponse non monotone, effets cocktails, etc.

Quand sommes-nous les plus vulnérables ?

Les effets nocifs des expositions in utero, par le biais des mère pendant leur grossesse sont connus depuis longtemps. En revanche, ce n’est que plus récemment que des études ont montré les impacts pour la fertilité des hommes et des femmes, d’une exposition  pendant la période pré-conceptuelle (i.e., les 6 mois précédant la grossesse). Enfin, on sait depuis novembre 2023 [2] que l’exposition à des pesticides de la famille des organophosphorés et des carbamates réduit la concentration spermatique d’individus exposés tout au long de leur vie, et pas seulement in utero.

En conclusion, si la sensibilité aux PE varie selon les périodes de la vie, une exposition à ces substance est problématique quelque soit l’âge ou le sexe. Il est donc nécessaire d’en être protégés tout au long de notre vie.

Comment s’en protéger ?

Des initiatives locales ont vu le jour ces dernières années, pour tenter de protéger la population contre la contamination aux PE, notamment les enfants et les femmes enceintes. On peut citer la ville de Limoge qui a lancé une campagne de crèches sans PE, mais aussi des maternités (Guéret) et des cliniques (clinique Pasteur de Toulouse) qui se sont engagées contre les PE.

Aujourd’hui, il est grand temps que le gouvernement s’empare de la problématique et mette en place des mesures à l’échelle du territoire national.

Les solutions que propose le rapport soumis au gouvernement se concentrent particulièrement sur la nécessité d’informer sur les facteurs de risques. Bien que nécessaires, les mesures de  sensibilisation du public sont pourtant très loin d’être suffisantes. En effet, il est aujourd’hui impossible de se protéger de la contamination aux PE. A moins que l’on ne prescrive aux personnes désireuses d’avoir des enfants d’éviter soigneusement tout contact avec … les objets du quotidien, la nourriture, l’eau et l’air intérieur !

Il est du devoir de notre gouvernement de protéger l’ensemble de la population contre ces produits chimiques nocifs reprotoxiques, qui impactent (entre autres) la fertilité de la population. Générations Futures appelle les pouvoirs publics à adopter des réglementations plus strictes et restrictives à l’égard des PE.

Villes et Territoire sans Perturbateurs Endocriniens (VTSPE)

Pour protéger la population et les écosystèmes de l’exposition aux PE, le Réseau Environnement Santé (RES) a lancé en 2017 une campagne Pour les Villes et Territoires Sans Perturbateurs Endocriniens.

Depuis, 4 régions, 10 départements et près de 300 villes se sont engagé dans une démarche de lutte contre les PE, en signant la Charte VTSPE.

La carte ci-dessous recense les territoires engagés.

Pour aller plus loin : Brochure d’information sur les Perturbateurs Endocriniens.

 

Sources

[1] “Combined exposures to bisphenols, polychlorinated dioxins, paracetamol, and phthalates as drivers of deteriorating semen quality”, Andreas Kortenkamp, Martin Scholze, Sibylle Ermler, Lærke Priskorn, Niels Jørgensen, Anna-Maria Andersson, Hanne Frederiksen, Environment International, Volume 165, 2022, 107322, ISSN 0160-4120,

https://doi.org/10.1016/j.envint.2022.107322.

[2] « Adult Organophosphate and Carbamate Insecticide Exposure and Sperm Concentration: A Systematic Review and Meta-Analysis of the Epidemiological Evidence », Lauren B. Ellis https://orcid.org/0009-0009-9486-7812, Karen Molina, C. Rebecca Robbins, Marlaina Freisthler, Daria Sgargi, Daniele Mandrioli, and Melissa J. Perry, Environmental Health Perspectives, Volume 131, Issue 11, CID: 116001, https://doi.org/10.1289/EHP12678

[3] « Infertilité et environnement, y aura-t-il encore des petits occitans en 2040 ? » Colloque organisé par Réseau Santé Environnement, André CICOLELLA, Joëlle LE MOAL, Dr Sylvie CASSADOU, Pr Charles SULTAN, Roger LEANDRI, Pr Louis BUJAN, Pr Françoise PARIS, Michel DURU, Dr Fleur DELVA, Nathalie PATON, Alexandre LEUGER, Laurent PENA, 2018

[4] “Temporal trends in sperm count: a systematic review and meta-regression analysis”. Levine, H., Jørgensen, N., Martino-Andrade, A., Mendiola, J., Weksler-Derri, D., Mindlis, I., Pinotti, R., & Swan, S. H. (2017). Human reproduction update, 23(6), 646–659. https://doi.org/10.1093/humupd/dmx022

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