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PFAS et incinérateurs : un projet d’arrêté en consultation publique

Le 8 juillet 2024, un projet d’arrêté relatif à l’analyse des PFAS dans les émissions atmosphériques des installations d’incinération a été publié et a été ouvert à consultation publique jusqu’au 28 juillet dernier. Générations Futures a répondu à cette consultation et vous présente ici les tenants et aboutissants de ce projet.

Contexte : la mise en oeuvre du plan d’action interministériel

Les PFAS, aussi appelés “polluants éternels”, sont un groupe de molécules aux propriétés particulières, très utilisées dans des produits du quotidien mais également dans des applications techniques. Ces substances, très persistantes et responsables d’une pollution généralisée de l’environnement, sont également impactantes sur la santé humaine, avec des effets sur le système métabolique, cardiovasculaire, reproductif ou encore immunitaire.

Pour faire face à ce problème d’envergure, le ministère de la transition écologique a publié un premier plan début 2023, remplacé en avril 2024 par un plan d’action interministériel que Générations Futures a critiqué lors de sa sortie, notamment sur son manque d’ambition concernant l’arrêt des émissions à la source. Ainsi, ce projet d’arrêté relatif entre dans le cadre de ce plan et prévoit une campagne de mesure sur 49 PFAS, étalée jusqu’à la fin 2027 suivant le type d’installation. 

Un projet nécessaire mais à la portée limitée…

Le projet d’arrêté actuel prévoit le suivi de 49 substances PFAS dans les rejets atmosphériques de 4 types d’installations classées ICPE : 

  • Installation de traitement thermique de déchets dangereux, à l’exception des installations de traitement de déchets d’explosifs, de déchets contenants des PCB et de biomasse ;
  • Installation de traitement thermique de déchets non dangereux, à l’exception des installation utilisants de la biomasse ;
  • Installation de production d’énergie à partir de combustible solide de récupération ;
  • Installation d’élimination/valorisation de déchets par incinération. 

Le calendrier de ces campagnes d’analyses s’étend jusque fin 2027 en fonction des types d’installations. 

Ce projet est nécessaire mais présente de nombreuses limites. Deux critiques majeures nous semblent ainsi particulièrement importantes à prendre en compte.

Tout d’abord, ce projet d’arrêté ne prévoit qu’une seule campagne de mesure par installation, là où l’arrêté du 20 juin 2023 sur l’analyse des effluents aqueux de certaines ICPE en prévoyait trois. Afin d’obtenir des données plus fiables et reproductibles, il est nécessaire de réaliser plusieurs campagnes de mesure par installation, chacune espacée d’un délai à déterminer. 

Deuxièmement, les concentrations mesurées risquent d’être très sous-estimées. La liste des 49 PFAS étudiés est directement issue de la norme américaine OTM-45, la principale méthode validée disponible à ce jour pour le prélèvement et l’analyse des PFAS dans les rejets atmosphériques. Cette liste n’intègre aucun PFAS à chaînes très courtes, pourtant les plus susceptibles d’être émis par les installations d’incinération, en particulier le CF4, un puissant gaz à effet de serre, le TFA, un produit de dégradation d’autres PFAS, retrouvés dans les eaux de rivière et potable, ou encore le TFE, le monomère du PTFE, émis lors d’incinération à trop basse température.

Ce constat est partagé par l’Ineris, comme indiqué dans son étude bibliographique sur la thermodégradation des PFAS : “Une des limites de la méthode OTM-45 est de ne pas mesurer les PFAS à chaînes très courtes telles que le CF4”. L’Ineris indique qu’une autre méthode, L’OTM-50 est “complémentaire pour élargir la liste des composés analysés.” Cette méthode OTM-50 étant disponible, nous proposons de l’inclure dès à présent dans l’élaboration de cet arrêté, afin de mesurer les PFAS à chaînes très courtes produit lors de la dégradation thermique.

Une autre problématique concerne le manque probable de laboratoires ayant une accréditation pour faire ce type de mesures et qui explique les délais importants accordés aux exploitants pour réaliser cette campagne. Afin de pallier ce manque probable de laboratoires, nous proposons l’ouverture à des laboratoires européens voire américains, en particulier considérant le fait qu’il s’agit de normes américaines sur lesquelles l’arrêté se base.

Également à souligner, l’exclusion des sites incinérant de la biomasse ne semble pas pertinente, des PFAS étant déjà retrouvés dans des produits végétaux.

Enfin, il est indiqué dans ce projet qu’un exploitant pouvant démontrer que la composition des déchets entrant est stable et exempt de PFAS ne serait pas tenu de réaliser cette campagne. Il n’est ni réaliste ni faisable de démontrer l’absence de PFAS, en particulier concernant des flux entrants aussi complexes que les déchets. Nous recommandons donc de supprimer cette exemption de l’arrêté. 

… Qui nécessitera d’autres avancées 

Ce projet d’arrêté représente un nouveau pas vers une meilleure surveillance des émissions des PFAS dans les milieux mais il reste hautement améliorable. 

De plus, le suivi des rejets atmosphériques, nécessaire, n’est ainsi pas suffisant ; le suivi des rejets des lixiviats, mais également des cendres et mâchefers est fondamental car également responsable d’émissions de PFAS dans l’environnement.

De plus, il ne s’agit ici que d’une campagne exploratoire. Il reviendra à l’Etat de définir les modalités d’une surveillance pérenne des rejets atmosphériques selon les conclusions de cette campagne. 

Enfin, et il s’agit d’un point fondamental, nous demandons à ce que l’ensemble des données soit rendu public, avec un maximum d’informations sur le type de traitement thermique, les températures de fonctionnement, les conditions opératoires et les traitements des effluents. Il s’agit non seulement d’une affaire de transparence de la part des pouvoirs publics et des exploitants, mais également de permettre l’utilisation de ces données de manière rigoureuse. 

 

Nous attendons les suites de cette consultation publique, et nous ne manquerons pas de suivre les mise à jour de ce projet d’arrêté .

 

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