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Pollueur-payeur: le compte y est-il vraiment?

La Cour des Comptes européenne a publié récemment un rapport dans lequel elle s’interroge et évalue le principe « pollueur-payeur ». Force est de constater que son application est jugée incohérente dans les différentes politiques et actions environnementales de l’UE.

La conférence des Nations Unies sur l’environnement a identifié en 1992 le principe du « pollueur-payeur » (consistant à faire porter par les pollueurs les coûts engendrés par la pollution résultant de leur activité, plutôt que par les citoyens dans leur ensemble), comme l’un des 27 principes directeurs du développement durable pour les années à venir. Quel est l’intérêt de ce principe en matière de lutte contre la pollution mais également les limites rencontrées dans son application au sein de l’Union européenne, qui en a fait le principe sous-jacent de sa politique environnementale : voici les questions auxquelles s’attache à répondre le rapport spécial rendu par la Cour des Comptes européenne.

Quels champs sont couverts?

L’UE a adopté de longue date le principe du pollueur payeur (PPP) qui repose sur l’idée que mis face à l’obligation de supporter les coûts de la pollution qu’il engendre, le pollueur va être inciter à réduire ses comportements polluants (principe économique dit « d’internalisation des coûts »). Le champ d’application de ce principe a été progressivement élargi, englobant la politique de l’eau (2000), la responsabilité environnementale (2004), les déchets (2008), les émissions industrielles (2010) et le stockage des substances dangereuses (2012), même si y échappent encore des domaines importants. Pour les activités économiques non considérées comme à risque pour l’environnement – comme l’agriculture notamment – le principe de responsabilité environnementale ne s’applique par exemple que si les opérateurs ont commis une faute ou négligence.

Est-ce que ce principe est correctement appliqué?

Compte tenu de l’ampleur des dépenses européennes consacrées à l’environnement (l’UE s’est engagée à consacrer au moins 20% de son budget à l’action pour le climat), et du poids des pays de l’UE dans la production des différentes pollutions environnementales, l’enjeu de savoir si ce principe est correctement appliqué et efficace, est crucial. A cette fin, la cour des comptes européenne répond à plusieurs questions, en passant au crible chacun des domaines de la politique environnementale de l’UE :

  • Dans quelle proportion le principe pollueur payeur intervient-il ?
  • Produit-il les résultats escomptés en termes d’internalisation des coûts ?
  • Certaines limitations voire contournements rendent-ils ineffectifs ce principe dans les cas où il aurait dû être mis en œuvre (telle que la prise en charge par la commission européenne ou les Etats membres des dépenses qui auraient dû être à la charge des pollueurs) ?

Des disparités réelles

Si dans les domaines de la pollution industrielle et des déchets, le PPP est bien déployé et y montre une relative efficacité, le bilan est plus mitigé concernant la politique de l’eau et la pollution des sols.

Dans le champ de la pollution industrielle en effet, le rapport montre la relative efficacité du PPP pour les installations les plus polluantes ; il nuance en revanche son analyse pour la pollution résiduelle qui donne lieu à un coût important associé pour la société.

Dans le domaine des déchets, avec le principe de la « responsabilité élargie aux producteurs », la politique européenne est relativement contraignante (en fixant notamment l’objectif de 55% des déchets municipaux recyclés ou préparés en vue de réemploi d’ici 2025) mais ne garantit pas que les pollueurs prennent en charge l’intégralité des coûts de la pollution.

Le rapport est plus sévère concernant l’application du PPP à la politique de l’eau : alors que les Etats membres sont tenus de veiller à ce que la contribution des différents consommateurs (secteur industriel, agricole, population, etc.) soit relativement ajustée à leur utilisation respective, les ménages de l’UE (qui consomment 10% de l’eau) paient la majeure partie du coût des services d’approvisionnement et d’assainissement de l’eau et le secteur agricole (représentant 60% de cet usage) assure une contribution très faible. De ce fait, alors que la production agricole diffuse par les nitrates et les pesticides est le principal facteur de pollution des eaux souterraines, le traitement des eaux usées n’incombe qu’en de faibles proportion au secteur agricole.

Le même constat mitigé est posé pour la pollution des sols de l’UE : l’enjeu est de taille puisqu’environ 3 millions de sites recouvrent des activités potentiellement polluantes. En la matière, le PPP est difficile à appliquer car de nombreuses activités ont eu lieu il y a longtemps ou donnent lieu à contamination diffuse, empêchant l’identification du pollueur. Un rapport de l’UE de mai 2020 propose pour résoudre le problème de l’insolvabilité éventuelle des pollueurs la souscription d’une assurance ; certains pays l’ont effectivement mis en œuvre, quelques-uns l’ont fait partiellement mais la plupart des pays européens ne l’imposent pas. Par conséquent, des fonds de l’UE ont été utilisés pour nettoyer la pollution orpheline (le rapport identifiant un financement de 180 millions d’euros à l’appui de 42 projets).

En conclusion, on peut espérer que ce rapport très détaillé sur les conditions « réelles » d’application du PPP, fondement des politiques environnementales européennes, en dénonçant ses limites en particulier dans les domaines de la politique de l’eau et des sols, alimentera la future législation environnementale et permettra de mieux orienter dans les années à venir les financements de l’UE pour une lutte efficace contre la pollution.

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