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Pesticides dans l’eau : une pollution omniprésente

Dès les premières prises de conscience environnementales, la question de la pollution de l’eau a été centrale. La contamination des puits par les rejets industriels, puis de l’ensemble des eaux par le plomb, par exemple, conduisait à des empoisonnements visibles et clairement identifiés. Mais aussi à d’intenses campagnes de dénigrement des scientifiques par les lobbies industriels.

Aujourd’hui, d’autres substances chimiques industrielles continuent de polluer durablement les sols et les eaux : les pesticides.

Indispensables au maintien d’une industrie agroalimentaire dépendante de la chimie, ces pesticides disposent d’un fort soutien politique et économique. Pourtant, de plus en plus d’études indépendantes avertissent sur leurs dangers. Mieux encore, des alternatives existent pour une agriculture respectueuse de l’environnement et de la santé humaine et animale.

Les causes de la pollution de l’eau aux pesticides

L’agriculture intensive, la principale responsable

Fort logiquement, la principale cause de la pollution des eaux par les pesticides est l’agriculture intensive. Cette agriculture est aujourd’hui prédominante en France et dans de nombreux pays du monde. Par ses méthodes industrielles, l’agriculture intensive appauvrit les sols et réduit la richesse des biotopes. Des espèces locales ou invasives se développant dans un environnement complètement transformé, et deviennent alors des parasites. Cette flore et cette faune sont alors considérées comme nuisible, et doivent être détruites pour « protéger » les cultures.

Pour cela, on fait appel à des pesticides chimiques, utilisés intensivement et, trop souvent, de manière préventive. Si les industriels de la chimie essaient de réaliser des pesticides qui ciblent certains types de parasites uniquement, leurs principes actifs ont tendance à avoir des effets néfastes sur des organismes sauvages ou domestiques parfaitement inoffensifs.

Une contamination aux pesticides dans les zones urbaines et périurbaines

Si les terres agricoles sont particulièrement touchées par la pollution aux pesticides, les villes et zones périurbaines sont loin d’être épargnées. De nombreux pesticides sont encore disponibles : les désherbants à base de glyphosate sont désormais interdits pour les jardiniers amateurs conformément à la loi depuis 2019. Ils peuvent cependant encore être acheté sur Internet, et ainsi être utilisés sans contrôle, dans n’importe quel jardin de particulier. Les collectivités publiques, notamment les municipalités, font également un grand usage des insecticides, pouvant être déversés dans les eaux stagnantes, notamment pour lutter contre les moustiques. De quoi les conduire directement dans les eaux usées dès la première pluie.

Persistance, interactions, accumulation et effet cocktail : des dangers intimement liés aux caractéristiques chimiques des pesticides

Une grande part de la pollution des eaux par les pesticides est due aux caractéristiques chimiques et physiques intrinsèques aux molécules elles-mêmes. Ainsi, certains pesticides disposent d’une très grande persistance dans les sols et l’eau. C’est notamment le cas du DDT, interdit pour les épandages dans les années 1970, mais que l’on continue de retrouver dans les nappes phréatiques. Il en va de même pour le lindane, massivement utilisé en France jusqu’en 1998. Certaines molécules, dont le DDT, se dégradent avec le temps, selon un cycle plus ou moins long et complexe. Les produits dégradés peuvent alors interagir avec d’autres pesticides, avec des métaux lourds présents dans l’eau, voire avec des éléments naturels. Ces substances peuvent alors se recombiner en nouvelles molécules polluantes, voire même recomposer le polluant initial. C’est ce qui pourrait expliquer certains nouveaux piques de présence du DDT, longtemps après la fin de son utilisation. Pire encore, ces substances à longue durée de vie sont souvent bioaccumulables. Elles s’éliminent très lentement de l’environnement et des organismes, et s’accumulent dans les tissus années après années.

Un autre phénomène bien moins connu et étudié, mais potentiellement encore plus dangereux, est celui des effets synergiques. Aussi appelé effet cocktail, il traite des conséquences sanitaires d’un mélange de différentes molécules polluantes. Ainsi, la plupart des pesticides retrouvés dans les eaux le sont à des doses considérées comme non-dangereuses, si l’on considère les molécules une par une. Malheureusement, les effets cumulés de plusieurs molécules sont globalement méconnus. Pire encore, il existe tellement de pesticides diffusés dans les eaux naturelles que le nombre de leurs combinaisons à diverses concentrations est virtuellement impossible à simuler. De nombreuses études pointent « l’effet cocktail » potentiellement dévastateur à long terme, repris par exemple dans le documentaire « Notre poison quotidien » de la journaliste d’investigation Marie-Monique Robin.

Les effets dramatiques de la pollution de l’eau par les pesticides

Les dommages causés par les pesticides dilués dans l’eau sont très nombreux, diversifiés, et en même temps diffus. Ironiquement, l’ampleur des dégâts causés par cette pollution la rend difficile à étudier, tant les paramètres à prendre en compte sont nombreux et subtils.

On sait tout de même que la présence de pesticides dans l’eau entraîne des dégradations et des modifications des écosystèmes aquatiques. Et cela se produit même lorsque la concentration des substances reste inférieure aux taux réglementaires. Au-delà de la concentration en polluants, c’est la persistance de cette pollution dans le temps ainsi que les effets cocktails qui sont pointés du doigt, notamment pour leur rôle de perturbateur endocrinien.

Concrètement, les populations d’invertébrés sont particulièrement touchées, avec une diminution du nombre d’espèces et d’individus pouvant atteindre 30 à 40%, y compris sans pic de pollution. Malheureusement, la contamination des eaux, des plantes et des insectes implique une contamination de l’ensemble de la chaîne alimentaire, y compris les animaux d’élevage.

Chez l’humain, les effets des pesticides sur la santé ne sont encore pas tous connus. Même à faible dose de pesticides, les risques de cancer, de maladies respiratoires ou cardio-vasculaires sur les êtres humains et autres organismes ne sont plus à démontrer.

Une pollution aux pesticides omniprésente

La molécule d’eau, omniprésente sur Terre et indispensable à la vie, circule naturellement sur de très longues distances, passant par l’eau de pluie, les nappes phréatiques, les cours d’eau et les océans. L’eau est également un excellent solvant, ce qui implique malheureusement qu’elle véhicule avec elle certaines substances chimiques, y compris des pesticides. Ces derniers peuvent donc se retrouver dans absolument tous les environnements.

Cours d’eau, lacs, étangs : la pollution des eaux de surface

Dans les champs comme en ville, l’écoulement des eaux de pluie transporte énormément de polluants, dont les pesticides. En France, la très grande majorité des eaux de surface, à savoir les rivières, fleuves, lacs et étangs, montrent la présence de traces plus ou moins concentrées de pesticides. Une étude de l’Institut Français de l’Environnement (IFEN) de 2004 montrait que seul 3% des eaux de surface ne montraient pas de signe de pesticides.

Pollution des eaux souterraines : nos nappes phréatiques largement contaminées

En plus des eaux de surface, l’épandage agricole de pesticides contamine avant tout les nappes phréatiques, largement utilisées pour arroser les cultures, abreuver les troupeaux, et… désaltérer les humains. Toujours en 2004, près d’un quart déjà des eaux souterraines testées demandaient un traitement pour pouvoir devenir potable. Comme l’évoque le dicton populaire, « de l’eau a coulé sous les ponts » depuis 2004, laissant imaginer l’état catastrophique des eaux depuis lors.

Des pesticides dans l’eau courante

Le cycle de l’eau étant ce qu’il est, la majorité des captages d’eau destinés à fournir l’eau courante et potable portent des traces repérables de pesticides. Si certaines sont traitées pour les réduire, toutes ne le sont pas. Et, dans tous les cas de figure, les doses relevées et considérées comme acceptables ne tiennent pas compte des effets cocktails, ou encore de la bioaccumulation de certaines substances. Le bon documentaire « Du poison dans l’eau du robinet » de Sophie Le Gall diffusé en mai 2010 évoquait déjà les nombreuses problématiques de l’eau potable.

Au final, après un siècle d’utilisation intensive de pesticides chimiques, ces derniers ont contaminé tout le cycle de l’eau, et se retrouvent jusqu’au cœur des océans, ou dans la rosée du matin. Certains sont encore présents dans l’environnement des décennies après leur interdiction. Heureusement, de nouvelles méthodes d’agriculture Bio permettent aujourd’hui de se passer de ces produits phytosanitaires de synthèse. Face aux lobbys de l’industrie agroalimentaire, et sans soutien politique fort, ils peinent cependant encore à trouver leur place, malgré une véritable demande de la part du public.