Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies congénitales sont des anomalies structurelles ou fonctionnelles (comprenant aussi des troubles métaboliques) qui surviennent durant la vie intra utérine et peuvent être identifiées avant la naissance, à la naissance ou plus tard dans la vie. Elles constituent un groupe hétérogène de troubles du développement, qui peuvent être causés par des anomalies monogéniques, des anomalies chromosomiques, une hérédité multifactorielle, des agents tératogènes environnementaux ou une malnutrition en micronutriments.
L’OMS estime à plus de 300 000 le nombre de nouveau-nés mourant chaque année avant l’âge de 28 jours à cause d’anomalies congénitales. A titre d’exemple, les principaux troubles congénitaux sont répertoriés dans le tableau suivant. Parmi les plus couramment rencontrés, on retrouve ceux qui concernent le cœur, le tube neural ainsi que le syndrome de Down (Trisomie 21). [1][2]
Type de maladie congénitale | Exemple les plus courants |
Anomalies du tube neural : Elles touchent le cerveau et la moelle épinière et font parties des troubles les plus souvent rencontrés | Anencéphalie : absence totale ou partielle du cerveau accompagné d’une absence totale ou partielles de la voûte crânienne et du cuir chevelu
Encéphalocèle : Hernie de tissu cérébral, habituellement recouverte par des méninges) Spina bifida : Protrusion des méninges avec ou sans protrusion de la moelle épinière à travers une ouverture dans la région cervicale de la colonne vertébrale, associée ou non à une hydrocéphalie. Cranio-rachischisis : présence d’une anencéphalie avec anomalie de la partie contiguë de la colonne vertébrale, les méninges ne recouvrant pas le tissu neural Iniencéphalie : rétroflexion extrême de la tête pouvant être combinée à un rachischisis de la colonne cervicale et de la colonne dorsale |
Fente labiale et fente palatine | Fente palatine : Fissure du palais pouvant toucher la voûte du palais et le voile du palais
Fente labiale bilatérale, unilatérale, … |
Anomalies congénitales des organes génitaux | Hypospadias : Déplacement du méat urétral en direction ventrale et proximale à partir de la pointe du pénis. |
Malformations et déformations congénitales du système ostéo-articulaire et des muscles | Pied bot varus équin : le pied pointe vers le bas et vers l’intérieur avec une rotation externe sur son axe
Raccourcissements ou absences complètes des membres supérieurs et des membres inférieurs Exomphale/omphalocèle : Anomalie congénitale de la paroi abdominale antérieure dans laquelle le contenu abdominal (l’intestin, mais aussi parfois d’autres organes de l’abdomen) forme une hernie sur la ligne médiane à travers l’anneau élargi de l’orifice ombilical. Les organes herniés sont recouverts d’une membrane constituée de péritoine et d’amnios (cette membrane peut cependant être rompue). Gastroschisis : anomalie congénitale de la paroi abdominale antérieure, accompagnée d’une hernie de l’intestin et parfois d’autres organes abdominaux. |
Malformations congénitales du cœur / cardiopathie congénitale | Malformations du cœur survenant au cours de sa formation. Leur gravité est très variable. |
Syndrome de Down ou Trisomie 21 | Anomalie chromosomique associée à un retard cognitif et des modifications morphologiques |
Bien qu’il soit généralement difficile de déterminer les causes exactes de l’apparition de telles maladies, l’exposition de la mère à certains produits pesticides et autres produits chimiques a largement été étudié dans la littérature scientifique. L’objectif de cet article est de présenter les résultats des principaux travaux récents sur le sujet, particulièrement ceux publiés après 2013 et la sortie de l’expertise collective de l’INSERM « Pesticides : effets sur la santé ». Dans celle-ci, l’organisme public de recherche concluait à une :
- augmentation du risque de morts fœtales et de malformations congénitales liée à une exposition professionnelle aux pesticides en période prénatale
- augmentation du risque de maladies congénitales liée à une exposition résidentielle (voisinage ou usage domestique) aux pesticides en période prénatale[3]
Un état des connaissances datant de 2017 s’intéresse à l’impact des facteurs environnementaux (« tout ce qui relève de nos milieux de vie » en excluant ce qui renvoie à des expositions volontaires telles que la consommation d’alcool ou de tabac) sur l’apparition d’anomalies congénitales. L’auteure y précise d’abord que ce phénomène se déroulent lors de la période embryonnaire (jusqu’à la 8ème semaine de grossesse), puisqu’il s’agit de la période à laquelle les organes apparaissent. Cette période est donc particulièrement critique vis-à-vis de l’exposition à des substances tératogènes (du grec teratos : monstre), alors même que la femme n’est pas tout de suite au courant de sa grossesse.
Selon cette publication, les causes environnementales engendreraient 10% des troubles congénitaux. Comme dans la population générale, près de 3,5 % des enfants naissent porteurs d’une malformation, environ 2800 naissances par an en France sont probablement concernées ces facteurs, pourtant évitables pour la plupart d’entre eux, à condition d’être bien évalués. De plus, comme dans 70% des cas, une cause multifactorielle peut être évoquée, l’impact de l’environnement (air, eau, sol, …) est potentiellement bien plus important. Les 20% restant correspondraient à des causes génétiques.
En ce qui concerne plus précisément l’exposition prénatale aux pesticides, cette expertise a passé en revue de nombreuses études et cohortes. Elle rapporte ainsi une augmentation du risque de malformations du tube neural, de malformations cardiaques et d’hypospadias chez les enfants des femmes vivant près d’une zone agricole utilisant des pesticides (Rappazzo KM, Warren JL, Meyer RE, et al ;2016). L’augmentation du risque d’hypospadias est confirmée par une méta-analyse concernant les expositions professionnelles de la mère. (Rocheleau CM, Romitti PA, Dennis LK ; 2009)
En France, la cohorte Bretonne « Pélagie » a mis en lumière un accroissement du risque de troubles congénitaux, concernant particulièrement les fentes orales et les hypospadias, chez les mères travaillant en milieu agricole, horticole, dans des serres ou en médecine vétérinaire (Chevrier C, Petit C, Limon G, et al ; 2009). Enfin, les mêmes observations ont été faites à Montpellier dans un échantillon de 1 442 nouveau nés issus de familles d’agriculteurs. Les anomalies concernées : hypospadias cryptorchidie et micropénis. (Gaspari L, Paris F, Jandel C, et al ; 2011)[4]
Ces observations sont complétées par une autre revue de la littérature publiée en 2018. Les chercheurs y ont compilé les résultats d’une trentaine d’étude, réalisées entre 1990 et 2017. La conclusion est une tendance d’association positive entre une exposition prénatale aux pesticides et des anomalies :
- musculosquelettiques; les facteurs de risques résultants des travaux sont une exposition maternelle, une faible distance d’habitation par rapport à des sites d’utilisation de pesticides ou encore une conception de l’enfant pendant le printemps.
- du tube neural; Il s’agit ici d’expositions professionnelles, l’association avec une exposition environnementale n’étant pas toujours démontrée.
- cardiovasculaires ; Elles concernent une exposition résidentielle et des pesticides spécifiques ont été mis en cause, parmi lesquels des composés organophosphorés, l’avermectine ou encore des néonicotinoïdes.[5]
Enfin, une équipe Iranienne a quant à elle effectuée une revue complète des études sur la toxicité des pesticides. Parmi les 18 études considérées comme pertinentes, on trouve 3 études transversales, 8 cas témoins, 5 cohortes et une étude écologique. Elles associent l’exposition aux pesticides avec diverses malformations congénitales. De manière non exhaustive, on retrouve des effets comme un risque de malformations du tube neural doublé, presque 2 fois plus de risque de spina bifida, plus de risques de cryptorchidie chez les fils de mères travaillant dans l’horticulture et l’agriculture, plus de risques d’hypospadias suite à une exposition prénatale à des insecticides (aldicarb, dimethoate, phorate) au DDT ou aux organosphosphorés, plus de risques de gastroschisis, …[6]
Il convient néanmoins de noter que, même si de très nombreuses études montrent une corrélation entre une exposition (professionnelle ou environnementales) prénatale aux pesticides et la survenue de troubles congénitaux, certaines d’entre elles présentent des limites méthodologiques, comme la faiblesse de l’évaluation de l’exposition (souvent basée sur des déclarations/questionnaires et non sur des biomarqueurs). Les résultats d’une étude écologique (en l’occurrence, une augmentation des risques d’anomalies de l’appareil reproducteur lié à une exposition aux pesticides) n’ont par exemple pas été confirmés par une étude cas témoins, pourtant réalisée par les mêmes scientifiques et sur la même population. [7]
Les informations les plus fiables concernant les effets tératogènes de certaines substances de l’environnement proviennent d’études épidémiologiques, en particulier des études de cohorte (prospectives) et d’essais randomisés. Elles permettent en effet d’avoir une bonne définition de l’exposition (substances spécifiques par exemple) et des malformations étudiées, un contrôle des facteurs de confusion, une puissance statistique suffisante et s’effectuent sur des périodes de temps longues. [4]
Sources :
[1] Organisation mondiale de la santé. Anomalies congénitales. [en ligne] disponible sur : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/congenital-anomalies. Consulté le 15/10/2020.
[2] OMS, CDC, ICBDSR. Surveillance des anomalies congénitales : atlas de certaines anomalies congénitales. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2015.
[3] Inserm (dir.). Pesticides : Effets sur la santé. Synthèse et recommandations. Synthèse et recommandations. Paris : Les éditions Inserm, 2013, XII-146 p. – (Expertise collective). – http://hdl.handle.net/10608/4821
[4] E Amar. Malformations et facteurs environnementaux. Rev. Méd. Périnat. (2017) 9:73-80
[5] Kalliora et al. Association of pesticide exposure with human congenital abnormalities. Toxicol Appl Pharmacol. 2018 May 01; 346: 58–75
[6] Sara Mostafalou. Pesticides : an update of human exposure and toxicity. Arch Toxicol (2017) 91:549–599
[7] Carbone P, Giordano F, Nori F, Mantovani A, Taruscio D, Lauria L, et al. The possible role of endocrine disrupting chemicals in the aetiology of cryptorchidism and hypospadias: a population-based case-control study in rural Sicily. Int J Androl. 2007; 30:3–13.