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L’exposition à certains cocktails de pesticides favoriseraient le risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées

Actuellement, les pratiques agricoles européennes engendrent une forte utilisation de pesticides. C’est tout particulièrement le cas en France, où le recours à ces substances, qu’elles soient de synthèses ou naturelles, reste élevé tant en termes de tonnage national (80 000 tonnes de substances actives en 2018), qu’en ratio par rapport à la surface (4,45 kg/ha en 2018). Les impacts délétères de divers pesticides sur la santé humaine ont été mis en évidence et portent notamment sur l’altération du matériel génétique, les effets de perturbation endocrinienne, l’apoptose et le dérèglement de la signalisation cellulaire ainsi que l’induction de stress oxydatif. Or, ces mécanismes sont impliqués dans la cancérogenèse ce qui explique que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé de nombreux pesticides comme  » cancérogènes probables pour l’homme  » (Groupe 2A) et  » cancérogènes possibles pour l’homme  » (Groupe 2B).

En France, le cancer est la première cause de décès prématuré. Chez la femme c’est le cancer du sein qui est le plus fréquent. Les associations entre l’exposition professionnelle aux pesticides en milieu agricole (impliquant des voies d’exposition respiratoire et cutanée) et l’apparition de certaines formes de cancers (myélome lymphome non hodgkinien, prostate, sein, estomac, œsophage, foie, colorectal, etc.) ont été trouvées dans plusieurs études et certains seraient potentiellement induits par des mécanismes de perturbation endocrinienne. A titre d’exemple, de nombreuses corrélations ont été faites entre les risques de développer un cancer du sein chez les femmes d’agriculteur et l’exposition aux pesticides organophosphorés. Néanmoins, dans la population générale, bien que l’alimentation soit considérée comme la première voie d’exposition, les données manquent concernant l’exposition alimentaire et l’apparition de cancers. Cela s’explique par le fait que :

  • la mesure des concentrations de résidus de pesticides dans les aliments est coûteuse et fastidieuse ;
  • il est difficile de mesurer l’effet des mélanges de pesticides (par opposition aux composés pris séparément), alors même que cela est essentiel afin de prendre en compet d’éventuels effets synergiques ;
  • les données existantes à ce jour manquent généralement de précision concernant le système de production (conventionnel vs biologique), ce qui limite l’estimation correcte de l’exposition aux pesticides.

Récemment, une étude menée dans la cohorte NutriNet-Santé a montré des associations protectrices entre la proportion élevée d’aliments biologiques dans l’alimentation et différents types de cancers, y compris le cancer du sein en postménopause. L’une des hypothèses avancées pour expliquer cette association était que les règlementations sur l’agriculture biologique conduisent à une plus faible fréquence ou l’absence de résidus de pesticides dans les aliments biologiques par rapport aux aliments conventionnels

C’est dans ce contexte que la même équipe de chercheurs, issus du CNAM, de l’INSERM et de l’INRAE, vient de publier une nouvelle étude s’intéressant à l’association entre l’exposition alimentaire aux pesticides et le risque de développer un cancer du sein chez des femmes post-ménopausées appartenant à la cohorte NutriNet Santé. Plus précisément, ce sont 13 149 femmes ménopausées qui ont été inclus dans l’étude parmi lesquelles 169 cas de cancers ont été rapportés. Grâce à une base de données de contamination des aliments selon leur mode de production, les chercheurs ont mesuré l’exposition à 25 substances actives entrant dans la composition de pesticides autorisés en Europe, incluant ceux utilisés en agriculture biologique.

Les résultats de cette étude soulèvent principalement deux points. D’une part, le groupe de femmes ménopausées reflétant une faible exposition à plusieurs pesticides de synthèse a montré un moindre risque de développer un cancer du sein. Au contraire, ce risque a été augmenté chez les femmes en surpoids exposées à 4 substances actives pesticides, à savoir, le chlorpyrifos, l’imazalil, le malathion et le thiabendazole.

Comme rappelé dans l’introduction, les mécanismes sous-jacents à ces associations pourraient être liés aux propriétés cancérogènes de certains pesticides organophosphorés provoquant des lésions de l’ADN, une dérégulation de l’apoptose cellulaire, des modifications épigénétiques, une perturbation de la signalisation cellulaire, une liaison aux récepteurs nucléaires ou encore une induction du stress oxydatif. On peut également noter que le CIRC a classé certains pesticides organophosphorés comme  » cancérogènes probables pour l’homme  » (Groupe 2A) et  » cancérogènes possibles pour l’homme  » (Groupe 2B).

Le potentiel de perturbation endocrinienne des pesticides a également été décrit dans des études toxicologiques et récemment dans une revue par Yang et al et pourrait être particulièrement impliqué dans la carcinogénèse mammaire hormono-dépendante, puisque certains pesticides sont connus pour imiter les fonctions des œstrogènes. En effet, les fongicides azolés, y compris l’imazalil, ont été associés à l’inhibition de la biosynthèse des œstrogènes dans certaines études. D’autres part, ces pesticides sont également connus pour affecter l’activité mitochondriale et le processus d’oxydoréduction.

Autre précision importante, l’augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées n’a été ici observée que chez des femmes en surpoids (IMC supérieur à 25 kg/m2). Plusieurs études ont trouvé des associations positives entre la graisse corporelle et les niveaux sanguins de pesticides organochlorés, les sujets en surpoids ayant des niveaux sanguins plus élevés de ces pesticides. Cependant, il est peu probable que cela soit le cas pour les pesticides organophosphorés qui ne s’accumulent pas dans le tissu adipeux. Il est en revanche possible qu’il y ait un effet cumulatif entre l’obésité et l’exposition aux pesticides sur le cancer. L’association spécifique chez les femmes en surpoids pourrait également s’expliquer également s’expliquer par des différences dans l’activité enzymatique impliquée dans le métabolisme des lipides, qui participe également à l’hydrolyse des composés organophosphorés. En effet, certaines études ont montré des niveaux plus faibles d’activité de la paraoxonase chez les patients en surpoids et obèses. Par conséquent, la toxicité de ces pesticides pourrait être plus élevée dans ce sous-groupe.

 

Source :

Pauline Rebouillat, Rodolphe Vidal, Jean-Pierre Cravedi, Bruno Taupier-Letage, Laurent Debrauwer, Laurence Gamet-Payrastre, Mathilde Touvier, Mélanie Deschasaux-Tanguy, Paule Latino-Martel, Serge Hercberg, Denis Lairon, Julia Baudry and Emmanuelle Kesse-Guyot. Prospective association between dietary pesticide exposure profiles and postmenopausal breast-cancer risk in the NutriNet-Sante´ cohort. International Journal of Epidemiology, 2021, 1–15 doi: 10.1093/ije/dyab015.

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