La loi n°2025-188 visant à protéger la population des risques liés aux substances PFAS a été adoptée il y a 6 mois. Cependant, la loi n’est pas applicable sans les décrets permettant de préciser les principales mesures. En plein mois d’août, deux premiers projets de décrets ont été ouverts à la consultation publique : un premier projet de décret encadrant l’interdiction des PFAS dans les textiles, les chaussures, les cosmétiques et le fart ; et un deuxième projet de décret visant à définir la trajectoire de réduction des émissions de PFAS via les rejets aqueux industriels. Les contributions doivent être déposées avant le 05 septembre.
Après une forte mobilisation des citoyens et des associations de défense de l’environnement, la loi n°2025-188 visant à protéger la population des risques liés aux substances PFAS était définitivement adoptée en février dernier. Cette loi prévoit notamment :
- l’interdiction dès 2026 de la fabrication, importation, exportation, mise sur le marché de produits de fart, cosmétiques, textiles d’habillement, chaussures et leurs imperméabilisants contenant des PFAS ; et à partir de 2030 pour tous les textiles à l’exception des textiles nécessaires à des utilisations essentielles, de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et des textiles techniques à usage industriel ;
- l’intégration des PFAS dans le contrôle sanitaire de l’eau potable ;
- l’adoption d’une trajectoire de réduction vers le zéro PFAS dans les rejets aqueux des installations industrielles ;
- l’application du principe pollueur-payeur.
Ces 4 mesures doivent être mises en application grâce à la publication de décrets qui doivent préciser les PFAS concernés, les limites applicables et les moyens de mise en œuvre. 2 projets de décrets sont en consultation publique depuis début août et jusqu’au 5 septembre.
Projet de décret sur l’interdiction des PFAS dans les cosmétiques, textiles et fart : des points d’ombre à éclaircir.
Première satisfaction : TOUTES les substances PFAS sont concernées par cette interdiction. En effet, ce n’est pas une liste de PFAS qui a été proposée mais bien la prise en compte de la définition générale des substances PFAS ce qui permet de conserver l’ambition du texte de loi à savoir protéger la population française des risques liés à l’ensemble des PFAS.
Autre point positif : les valeurs de concentration résiduelle correspondant à une contamination non-intentionnelle qui ont été retenues dans le projet de décret sont les limites proposées dans la restriction universelle des PFAS en cours de discussion dans le cadre de la réglementation européenne REACh. Même si nous regrettons la tolérance appliquée aux polymères PFAS dans ces limites, nous saluons ce choix qui permet d’encadrer de manière stricte les industriels sur les PFAS non polymérisées tout en étant cohérent avec l’état des travaux réglementaires au niveau européen.
Cependant, la liste des produits concernés par ce décret reste à clarifier. En effet, la loi prévoit l’interdiction des PFAS dans les chaussures mais il n’est nulle part fait mention de chaussures dans ce projet de décret. Pire, la définition qui est donnée d’un textile exclut tout produit qui ne serait pas composé exclusivement de fibres textiles. Or les textiles d’habillement et les textiles techniques contiennent fréquemment des ajouts d’autres matières. Il est donc nécessaire d’élargir le champ d’application du décret pour intégrer les chaussures et l’ensemble des produits textiles
Projet de décret sur la réduction progressive des rejets aqueux de PFAS des industriels : un projet de décret vide et inapplicable en état.
Le projet de décret est étonnamment court et imprécis concernant un sujet aussi important et complexe que les rejets de PFAS dans les effluents aqueux des ICPE. Après une campagne de mesures en 2023, des résultats qui montrent que près de 60% des ICPE participants ont détecté des PFAS dans leurs rejets et que 5% des établissements sont responsables de plus de 99% des rejets quantifiés, le projet de décret en état ne permet pas d’être confiant sur une réduction progressive des rejets aqueux de PFAS.
Tout d’abord le champ d’application proposé est imprécis : les industriels concernés ne sont pas clairement définis et de nombreux sites pourraient donc ne pas se sentir concernés par l’application du décret. De plus, le décret doit prévoir une réduction progressive des rejets, or un seul point d’étape à horizon 2028 est proposé. L’absence d’échéance court terme ne va pas inciter les industriels à se mettre en conformité. De plus l’objectif à atteindre est défini comme un pourcentage des émissions 2023 alors que la plupart des sites industriels ne connaissent pas leurs émissions de PFAS et que ce type d’objectif favorise les plus gros pollueurs historiques. Pire, l’objectif final est extrêmement flou (« tendre vers la fin des rejets ») sans aucune limite concrète établie. C’est pourtant tout l’objet de ce décret d’application qui doit permettre d’expliciter les niveaux à atteindre.
Enfin, l’outil de mesure proposé n’est pas clairement explicité : il est proposé de mesurer un flux massique sans avoir aucune précision sur le nombre de mesures à effectuer, ni le calcul à effectuer pour définir le résultat à considérer (flux maximum, flux moyen, médiane ?).
Bref, ce projet de décret pose de plus de questions qu’il n’en donne sur la mise en œuvre concrète d’une réduction des émissions de PFAS. Il est extrêmement décevant et doit être complètement revu pour répondre à l’esprit du texte de loi.
Contrôle sanitaire de l’eau potable et principe pollueur-payeur : toujours en attente des décrets d’application
Deux autres mesures du texte de loi sont en attente de décret pour être appliquées : le contrôle sanitaire de l’eau de consommation et la redevance pollueur-payeur.
Le contrôle sanitaire de l’eau de consommation est sous la responsabilité du ministère de la santé. La loi n°2025-188 prévoyait une anticipation du suivi des PFAS dans les EDCH par rapport à la date de janvier 2026, à partir de laquelle le suivi des PFAS dans les EDCH deviendra obligatoire selon la réglementation européenne. En retardant la publication des décrets, il est évident que cette anticipation sera très restreinte. Or, il est urgent de préciser les modalités du contrôle sanitaire pour que toutes les ARS intègrent les PFAS à ce contrôle le plus tôt possible. D’après les données actualisées au 30 juin 2025, des analyses de PFAS dans l’eau potable étaient disponibles pour seulement 38% des unités de distribution ! Enfin, ce décret est nécessaire pour expliciter si le TFA sera enfin inclus dans le contrôle sanitaire de l’eau potable, ce que Générations Futures demande depuis un an et demi maintenant.
Concernant la redevance pollueur-payeur, le tarif est fixé à 100 euros par 100g de PFAS à partir de 100g de PFAS rejetés par an dans l’eau du fait des activités d’un site industriel. Cette redevance doit encourager la réduction rapide des rejets PFAS dans l’eau et doit donc être mise en application dans les meilleurs délais. Il est nécessaire de confirmer par décret que toutes les substances PFAS sont considérées et notamment le TFA qui représente des rejets considérables par exemple pour Solvay à Salindres, BASF à Saint-Aubin-Lès-Elbeuf ou Finorga à Mourenx,
« Les PFAS sont des substances extrêmement persistantes qui s’accumulent dans tous les milieux. Il est urgent de mettre en application la loi » , déclare Kildine Le Proux de La Rivière, pharmacienne et chimiste chez Générations Futures. « Ces deux premiers projets de décret donnent un signal fort en incluant l’ensemble des substances PFAS. Néanmoins, de nombreuses zones d’ombre persistent concernant la réduction des émissions de PFAS via les rejets aqueux industriels. Nous invitons toutes celles et tous ceux qui souhaitent une société sans PFAS à participer aux consultations publiques ouvertes jusqu’au 05 septembre. »