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COP15 : attention aux doubles discours

COP15“La France salue un accord ambitieux, réaliste et applicable et continuera de porter des engagements forts aux niveaux national et international” affirme le Ministère de la Transition Écologique. Est-ce réellement le cas ? 

ANDREJ IVANOV / AFP
ANDREJ IVANOV / AFP

 

Le nouveau cadre mondial pour la biodiversité adopté le lundi 19 décembre inclut une feuille de route de 23 objectifs pour tenter d’enrayer la destruction de la nature d’ici à 2030. À noter que cette échéance est devenue relative : des points d’étapes ont été gommés et déplacés à 2050 comme l’objectif A relatif aux grandes orientations pour les écosystèmes, les espèces menacées et la diversité génétique. 

Générations Futures félicite le fait qu’un Accord sur la Biodiversité, sujet ô combien essentiel, ait été adopté malgré le chemin chaotique pour y parvenir. Néanmoins, nous pointons de nombreuses faiblesses qui laissent un sentiment d’inachevé. Un suivi de l’adaptation de l’Accord dans la Stratégie Nationale de la Biodiversité (SNB) sera essentiel et obligatoire. Malheureusement, les ONG restent dubitatives sur ce point comme le souligne Pierre Cannet, chargé de suivre la COP15 pour WWF, « Il n’y aura pas d’obligation ou d’incitation forte à ce que les Etats revoient leur stratégie nationale de biodiversité en fonction de cet accord« .

Les pesticides : la France tient un double discours sur ce sujet

L’objectif 7 concerne les pesticides avec une baisse : “d’au moins 50 % du risque général des pesticides et des produits chimiques hautement dangereux”. L’inclusion des produits chimiques (au-delà des pesticides) était poussée par l’Argentine, pour « diluer » l’objectif souligne Victor Roux-Goeken pour Contexte.

La France et l’Europe (représentée ici par ses Etats membres) se veulent exemplaires sur ce sujet puisque que l’UE s’est dotée d’un objectif de réduction de 50% du risque et de l’utilisation des pesticides d’ici à 2030. Or si elle veut atteindre cet objectif elle se doit d’agir vite et d’avancer dans les négociations concernant le futur règlement SUR qui porte sur les pesticides. Hélas, la Commission européenne qui a fait cette proposition subit une pression très forte de la part de certains Etats membres et du lobby agrochimique. Ces derniers ont réussi à obtenir la réalisation d’une nouvelle étude d’impact qui va retarder d’au moins 6 mois le travail de fond sur ce projet de Règlement, au risque même de faire totalement capoter les ambitions affichées dans ce texte. La France, malgré ses beaux discours, a voté pour cette nouvelle étude qui induit de fait la suspension de toutes les négociations en cours!
Retrouvez nos explications sur ce sujet en cliquant ici.

Autre souci, l’objectif 7 ne porte que sur la diminution du risque liée à l’utilisation des pesticides. Envisager la diminution uniquement sur le risque sans se fixer des objectifs de réduction des usages est une aberration car il est aisé de diminuer le risque en encadrant les pratiques sans pour autant réduire sa dépendance à ces intrants. Si l’on veut changer de modèle agricole dominant (qui aujourd’hui dépend de l’usage des pesticides) il faut faire les deux : réduire le risque (idéalement il faudrait réduire le danger car avec les perturbateurs endocriniens par exemple le risque même à très faible dose reste difficilement “gérable”) et les usages.

Nous notons tout de même que l’objectif 10 relatif à la gestion durable des activités économiques sur les 70% des espaces non protégés, mentionne une alternative comme l’agroécologie. Néanmoins, ce concept reste flou et est surtout accompagné de la notion “intensification durable”, concept poussé par le Brésil et l’Argentine, géants de l’industrie agroalimentaire. (France Info)

Un triplement des financements qui reste insuffisant

Les articles le citent tous : « Le budget est triplé », par rapport à l’existant. L’objectif est de cumuler au moins 20 milliards de dollars d’aide internationale annuelle pour la biodiversité d’ici à 2025 et au moins 30 milliards d’ici à 2030. Ces sommes paraissent dérisoires face à l’urgence actuelle de la crise de la biodiversité

A noter tout de même que la présidence chinoise a maintenu l’objectif 18 « d’identifier d’ici à 2025, et d’éliminer ou de réformer les incitations, dont les subventions dommageables pour la biodiversité […] d’au moins 500 milliards de dollars par an d’ici à 2030 » mais cela sans pour autant citer les secteurs où cette mesure serait la plus significative.

Un cadre coercitif inexistant

Le plus grand reproche que l’on peut faire à l’Accord et il n’est pas des moindres c’est le manque de cadre coercitif accompagnant ces mesures (dont beaucoup ne sont même pas calendées et chiffrées). Prenons par exemple l’objectif 15 qui concerne les entreprises et l’obligation de mesurer et de rendre public leur impact sur la biodiversité qui ne figure pas dans le texte final. Ces dernières sont simplement encouragées à le faire, souligne le journaliste Thomas Baïetto de France info

Les écueils d’un système de suivi inexistant ont déjà été analysés et reconnus suite à la non atteinte du précédent Accord sur la biodiversité (Aïchi – 2010) : aucun des objectifs n’ont été atteints. Paul Leadley, écologue et conseiller des négociateurs de la COP15, souligne que « beaucoup d’indicateurs ont été renvoyés à un comité d’experts. Cela devra être adopté à une autre réunion« , poursuit-il. 

En parallèle de ces points, notons que l’inscription d’un objectif chiffré pour la réduction de l’empreinte écologique ainsi que le respect des limites planétaires qui faisaient partie des objectifs français et européen, n’a pas été fait.

Générations Futures salue le fait qu’un nouvel Accord sur la biodiversité ait été trouvé mais souligne avec force le manque d’ambitions réelles et le fait de fixer des objectifs contraignants. Nous regrettons également la duplicité des discours notamment ceux des pays de l’UE qui se présentent comme leaders sur ces sujets quand beaucoup reste à faire. 

 

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