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Ecophyto 2030 : la solution, pas le problème !

Le nouveau Premier ministre doit prononcer demain son discours de politique générale. Dans un climat de manifestation de nombreux agriculteurs en France, il a d’ores et déjà annoncé une salve de mesures et d’autres sont attendues. S’il est avéré qu’une partie du monde agricole souffre notamment de revenus non rémunérateurs, la FNSEA, en tête, ne se prive pas d’une récupération politique du mouvement invisibilisant l’hétérogénéité de celui-ci et des revendications portées. Cette dernière va même jusqu’à demander la suppression de la stratégie Ecophyto, visant à réduire de 50% l’utilisation et le risque des pesticides d’ici à 2030 et dont les derniers arbitrages sont en cours à Matignon.

Générations Futures rappelle que la réduction de 50% des pesticides, inscrite dans le plan actuel, est un engagement de la France depuis plus de 15 ans et qu’il y a un consensus scientifique sur la nécessité de réduire notre dépendance aux intrants chimiques (cf. encore la récente prospective de l’INRAe). Alors que les discussions sont en cours, le Comité national de la biodiversité (CNB) et le Comité national de l’eau (CNE) ont déjà rendu leurs avis sur la future stratégie et ils sont clairs sur l’importance de suivre cette trajectoire de réduction des pesticides (voir les encadré en fin d’article). 

Les concertations d’instances officielles ayant rassemblé au total près de 250 acteurs représentatifs de l’ensemble de la société (Etat, collectivités territoriales, organisations professionnelles, ONG) auraient-elles donc moins de valeur et de poids que la voix d’un syndicat, qui par ailleurs siège au sein du CNB ? 

Lors de son intervention de vendredi dernier, Gabriel Attal a présenté son “cap” pour l’agriculture : “souveraineté et identité” ainsi que “produire et protéger” ont été les mots d’ordre. La réduction des pesticides est indispensable afin de protéger les agriculteurs des substances toxiques auxquelles ils sont exposés, la biodiversité dont dépend l’agriculture, de garantir la productivité à long terme du secteur et de renforcer notre souveraineté et indépendance quant à l’utilisation des pesticides. 

Générations Futures appelle donc le Premier ministre, en tant que responsable de la planification écologique, à ne pas céder aux réclamations démagogiques de la FNSEA et à se positionner lors de son discours de politique générale du côté du progrès et pour le nécessaire renforcement du plan Ecophyto. 

 

50% de réduction des pesticides : un objectif essentiel, vital et atteignable

“Oui, les objectifs de diminution de 50% de pesticide sont conciliables avec les autres attendus – sécurité alimentaire et climatique – mais à la condition sine qua non d’une reconception profonde des systèmes agricoles”, c’est ce qu’a conclu la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les pesticides.

Ainsi, la réduction des pesticides n’est pas un obstacle à notre souveraineté alimentaire. Au contraire, elle est la voie pour répondre aux nombreux défis auxquels doit répondre le système agricole : protection de la santé des agriculteurs, des riverains, des consommateurs, fourniture d’une alimentation saine, préservation de la biodiversité, de la qualité des sols et des eaux. Ce constat est appuyé par les travaux de deux récentes missions d’information de la commission du développement durable, l’une sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’autre sur l’adaptation de la politique de l’eau

De plus, il est même observé au niveau mondial depuis plusieurs années une stagnation, voire une baisse, des rendements agricoles dans les zones de cultures spécialisées (entre 24 et 39% des zones de culture du maïs, riz, blé, soja) en raison de l’accroissement de la résistance aux pesticides, de la dégradation des sols et l’érosion de la biodiversité engendrés par les systèmes agricoles intensifs utilisateurs de pesticides.

 

Les normes environnementales : le mauvais ennemi

En s’attaquant aux normes environnementales, les détracteurs de la future stratégie Ecophyto 2030 se trompent d’ennemi. 

Tout d’abord, la réglementation en matière de pesticides provient en majeure partie de règlements européens. Ces derniers, s’appliquant directement, ne sont pas transposés en droit français. Sans transposition, impossible de surtransposer. 

Par ailleurs, la France est l’un des pays où sont autorisées le plus de substances actives (285) selon la base de données de la Commission européenne. 3 pays seulement sur 26 – la France étant en 4e position devant l’Allemagne, la Pologne ou le Portugal qui sont de grands pays agricoles – en autorisent davantage : l’Italie, la Grèce et l’Espagne.

Dans une tribune, Sophie Thoyer, directrice de recherche à l’INRAE et professeure à Montpellier SupAgro et Benoît Grimonprez, professeur de droit rural à l’Université de Poitier, le montrent : il est difficile de parler de surtransposition des normes en France et celles-ci constituent une cible facile.

 

La transition agroécologique : la mère de toutes les batailles 

Les efforts du Gouvernement devraient donc se concentrer sur la manière d’atteindre les objectifs de la stratégie Ecophyto et non de satisfaire, sans discernement, les demandes de la FNSEA, des Jeunes Agriculteurs ou de la Coordination rurale. Comme le note l’IDDRI : “l’idée qu’il suffirait d’un « choc de simplification » pour redonner des perspectives à une profession semble à tout le moins discutable.”

La stratégie Ecophyto se doit donc d’être maintenue et d’offrir une ligne claire quant à la direction que doit prendre notre système agricole : la reconception des systèmes de production comme seul horizon viable pour répondre de manière systémique et à la hauteur des multiples crises

 

Générations Futures demande donc

  • Le renforcement de la stratégie Ecophyto et de son objectif de réduction de 50% de l’utilisation et du risque des pesticides ;  
  • L’importance de conserver le NODU comme indicateur de suivi du plan, conformément à l’avis du CNB et du CNE ; 
  • L’adoption du triennal 2009-2011 comme période de référence pour l’atteinte des objectifs de la stratégie, comme souligné par le CNB ; 
  • Un soutien financier et technique des agriculteurs dans l’accompagnement à la reconception des systèmes de production ; 
  • Une consolidation du rôle et des moyens de l’ANSES et de l’OFB
  • Une co-construction des chartes départementales d’engagement « pesticides » dites de bon voisinage par l’ensemble des parties prenantes et non pas une simple consultation ; 
  • Une obligation d’information des populations susceptibles d’être exposées aux pesticides via une plateforme ou l’envoi de SMS 24 à 48h avant l’épandage. 

Comme l’affirme le CNB : «  on retrouve des intrants de synthèse et leurs métabolites dans tous les milieux, l’eau, l’air, les sols, et dans tous les territoires et terroirs agricoles. Les effets cumulés et répétés de l’utilisation de ces produits, à l’échelle des bassins versants, impactent durablement les sols, les captages, les nappes phréatiques dans tous les milieux. Pour le CNB, l’identification des effets négatifs des pesticides et de leurs métabolites sur la biodiversité doit être développée dans la version finale de la stratégie. (…) Sous-entendre une prétendue absence de solutions est une méthode éprouvée pour éviter d’agir efficacement, et constitue une base défaillante pour une nouvelle stratégie Écophyto 2030 dont on est en droit d’attendre des résultats différents des précédents plans.

Le CNE, lui, :  « CONSTATE et REGRETTE que le précédent plan n’ait pas apporté les résultats escomptés, (…)

SOUHAITE que la stratégie Ecophyto 2030 soit pleinement articulée avec les autres politiques publiques, en particulier le plan eau, la stratégie nationale pour la biodiversité, et que cette stratégie Ecophyto 2030, de même que le plan stratégique national de la PAC et d’autres politiques de financement, soient mis en cohérence avec les objectifs figurant dans ces documents. »

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