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Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 : c’est possible !

Ce mardi 21 mars 2023, l’INRAe ( Institut de recherche public sur l’agriculture ) présente dans le cadre d’un colloque son travail de recherche au titre éloquent : « Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 ».

Le constat : Les effets néfastes des pesticides. La question : produire sans pesticides chimiques est-ce possible ?

L’introduction du résumé de l’étude prospective ne fait pas de détour. Les impacts néfastes (santé, biodiversité, milieux) sont préoccupants. Les textes européens (Farm to fork notamment) fixent un objectif de réduction de l’utilisation et des risques des pesticides.

Ce constat posé la question, à laquelle veut répondre l’INRAe, est alors la suivante : Une agriculture sans pesticides chimiques est-elle possible à moyen terme tout en assurant la protection des cultures ? La réponse est : c’est possible mais cela nécessite de réels changements profonds et systémiques portés par tous les acteurs.

Fin des pesticides chimiques : des scénarii encourageants

Pour faire ce travail de prospective, les chercheurs se sont appuyés sur le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement », dont l’animation est assurée par INRAE. Les chercheurs ont exploré les voies possibles pour développer une agriculture sans pesticides à l’échelle européenne, en s’appuyant sur l’expertise d’une centaine de chercheurs. En lien avec l’Alliance européenne de recherche Towards a Chemical Pesticide Free Agriculture, ce travail a mobilisé une approche systémique qui relie l’émergence de systèmes agricoles sans pesticides chimiques au devenir des systèmes alimentaires, des régimes alimentaires, des territoires et des politiques publiques en lien avec les conséquences du changement climatique. La prospective a construit 3 scénarios d’agriculture sans pesticides chimiques pour l’Europe en 2050, en répondant à plusieurs questions.

  • Quelles pourraient être les différentes formes d’agriculture et de systèmes alimentaires sans pesticides chimiques à l’horizon 2050 ?
  • Avec quels impacts sur la production, l’usage des terres, le commerce et les émissions de gaz à effet de serre ?
  • Et quelles seraient les différentes trajectoires possibles d’une transition vers ces formes d’agriculture sans pesticides chimiques ?

Vers la fin des pesticides : Les principaux enseignements ?

10 grands enseignements sont tirés de ce travail :

  1. Construire une agriculture sans pesticides chimiques en Europe en
    2050 suppose la prise en compte du système alimentaire dans sa globalité, et l’implication de tous ses acteurs.
  2. En plus de permettre la transition vers une agriculture sans pesticides
    chimiques, les trois scénarios pourraient améliorer le bilan des émissions de gaz à effet de serre, la biodiversité et l’état général des écosystèmes ; et deux scénarios sur trois pourraient contribuer à améliorer la souveraineté alimentaire, la nutrition et la santé des populations en Europe.
  3. Par la modification de leurs régimes alimentaires (moins de viande notamment), les consommateurs européens jouent un rôle considérable dans la transition vers une agriculture sans pesticides chimiques
  4. Il convient de trouver un équilibre entre la réduction de la consommation de produits animaux et le maintien des prairies
  5. Une protection efficace des cultures sans pesticides chimiques repose sur plusieurs leviers qui doivent être associés ( diversification des cultures dans le temps et l’espace, le développement de produits de biocontrôle ou de bio-intrants, une sélection variétale adaptée, des agroéquipements et outils numériques, et des outils de suivi de la dynamique des bioagresseurs et de l’environnement.
  6. Plusieurs systèmes de culture sans pesticides sont possibles selon qu’ils reposent sur un niveau élevé d’intrants exogènes ou sur un haut niveau de diversification et de services écosystémiques
  7. La résilience de chaque scénario au changement climatique peut-être évaluée à l’aune de sa robustesse et de son adaptabilité
  8. Élaborer des stratégies de protection des cultures efficaces sans pesticides chimiques suppose de produire des connaissances et des techniques sur les processus biologiques, des données et des outils de simulation, afin de mettre au point des outils d’anticipation pour la gestion des bioagresseurs, de modeler le paysage, et de comprendre les microbiomes des sols, l’holobionte3 de la plante et les mécanismes d’immunité des plantes
  9. La transition vers une agriculture sans pesticides chimiques doit s’appuyer sur une combinaison de politiques publiques cohérentes sur l’utilisation des pesticides, articulées avec d’autres politiques comme les politiques alimentaires
  10. La transition doit également intégrer le partage des risques entre les acteurs, la co-conception des technologies et des systèmes de culture, et la transformation des secteurs amont et aval de l’agriculture.

la fin des pesticides chimiques, c’est la famine !

Imaginer des scénarios d’agriculture sans pesticides chimique passe nécessairement par une approche systémique du système alimentaire. Cela parait évident à dire mais visiblement les chercheurs ont besoin de le rappeler pour inciter nos politiques à comprendre comment relever le défi ! Oui mais la question que tout le monde se pose (et que la FNSEA n’a de cesse de brandir pour s’opposer à toute réduction des pesticides ) : Les scénarios d’agriculture sans pesticides chimiques sont-ils compatibles avec la souveraineté alimentaire de l’Europe ?

Vous vous doutez bien que les chercheurs ont voulu répondre à cette question anticipant les cris d’orfraie des pro-pesticides … Ce qu’ils concluent : Une transition vers une agriculture sans pesticides chimiques en Europe en 2050 serait possible sans transformation des régimes alimentaires européens, mais ce serait au détriment des exportations européennes (S1). En revanche, l’adoption de régimes sains (S2) ou de régimes sains et plus respectueux de l’environnement (S3) laisserait à l’Europe une certaine marge de manœuvre pour équilibrer ses usages et ses ressources tout en devenant exportateur net de calories. Dans les scénarios S2 et S3, les Européens consomment moins de calories, avec moins d’aliments d’origine animale. Ce régime plus frugal entraîne une diminution de l’utilisation de produits agricoles pour la consommation humaine (-13% dans le S2, -20% dans S3) et animale (respectivement -24% et -43% dans les scénarios 2 et 3) par rapport à 2010. Dans ces scénarios, même avec une réduction du volume de production, les usages domestiques diminuent plus que la production domestique et l’Europe n’est plus importatrice nette comme en 2010 (200 1012 kcal) mais exportatrice nette en 2050 (près de 40 1012 kcal dans le S2 et près de 240 1012 kcal dans S3).

La fin des pesticides chimiques : les effets positifs sur le climat et la biodiversité

Les trois scénarios (sauf S1 avec l’hypothèse de rendement lh) contribuent positivement à la diminution des émissions agricoles européennes de gaz à effet de serre (GES) et à l’augmentation du stockage de carbone dans les sols et la biomasse.

Les trois scénarios contribuent probablement à une amélioration de la biodiversité terrestre en Europe.

Comment réussir la transition vers le 0 pesticide chimique en 2050 ?

Vous vous en doutez pour être une réussite, cette transition doit mobiliser tous les acteurs et des changements profonds  :

  • L’engagement des consommateurs, des citoyens et des habitants qui ont un rôle crucial à jouer. 
  • L’articulation entre les politiques publiques de réduction (et, à terme, d’interdiction) des pesticides chimiques et les politiques publiques de soutien des agriculteurs (et des autres acteurs) dans la transition, avec une transformation ou une refonte de la Politique Agricole Commune (PAC), et des politiques alimentaires pour soutenir les changements de régimes (S2 et S3).
  • De nouveaux accords commerciaux avec les partenaires non-européens afin d’appliquer des standards de production identiques à chaque produit présent sur le marché européen.
  • De nouveaux standards de production et de certification des produits, permettant la certification des productions et leur valorisation par des labels.
  • Des mécanismes pour organiser le partage des risques entre les différents acteurs de la chaîne de valeur à travers des contrats, ou à l’échelle du territoire.
  • Des systèmes d’information et de connaissances en agriculture pour la production de connaissances et la co-conception, avec les agriculteurs, de systèmes de culture sans pesticides chimiques.

Et maintenant ? On y va vers cette trajectoire de sortie des pesticides chimiques ?

Le constat est posé, les pistes sont tracées. Il faut avouer qu’on ne les découvre pas vraiment. Les scénarios AFTERRE 2050 avaient déjà posé ces bases ou encore le scénario TYFA, le constat des échecs, notamment ECOPHYTO, avaient déjà été évoqués. Le problème ce sont les résistances de certains lobbies qui refusent ce changement devenu inéluctable au risque de maintenir un système agricole à bout de souffle aux effets dévastateurs notamment pour la biodiversité et les milieux. Alors que commence la Semaine pour les alternatives aux pesticides, que les européens aspirent à la fin des pesticides, que se discutent des textes européens (SUR) et nationaux (LOA, ECOPHYTO 2030) importants gageons que les décideurs publics, parfois peu clairvoyants et si frileux en la matière, sauront ouvrir les yeux et imposer ce changement d’échelle et de modèle devenu indispensable.

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