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Jérôme Salomon sur France 2 : une reconnaissance de la faille du système d’homologation

Jérôme Salomon répond au journaliste de Complément d’Enquête sur les métabolites de pesticides présents dans l’eau potable : une intervention qui souligne les défaillances de l’état sur le sujet.

Jérôme Salomon interviewé lors du Complément d'Enquête © France 2
Jérôme Salomon interviewé lors du Complément d’Enquête © France 2

 

Suite à la diffusion d’un reportage sur France 2 de Complément d’Enquête concernant la présence de métabolites de pesticides dans l’eau potable en France, le présentateur a échangé 20 minutes avec Jérôme Salomon, directeur de la Direction Générale de la Santé du ministère de la Santé. Cet échange met en lumière le manque de prévention pour prévenir les impacts sanitaires et environnementaux des pesticides et de leurs, métabolites présents dans les eaux (surfaces, souterraines et robinets).  Alors que Monsieur Salomon n’a de cesse de dire qu’on manque de connaissance, ce qui est en partie faux nous le verrons, il devrait mettre en avant le principe de précaution et proposer des solutions d’interdiction ou des mesures de protection des populations exposées.

On est en train d’acquérir beaucoup de connaissances” : un aveu des failles du système d’homologation des métabolites

Jérôme Salomon a construit son argumentaire autour du manque de connaissance sur le sujet des métabolites. “On a de plus en plus de métabolites qui sont des métabolites dit pertinents qu’on doit rechercher”. Il dit cela comme si c’était une surprise. Le souci est que le sujet n’est pourtant pas inconnu des autorités sanitaires, comme l’explique Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures :

On a l’impression que c’est quelque chose que la DGS découvre alors que cela fait plusieurs dizaines d’années que l’on sait que ces substances vont migrer dans les eaux souterraines et ainsi dans l’eau potable”. 

Générations Futures vient de publier un rapport sur le métabolite du S-Métolachlore. Ces recherches permettent d’affirmer que cette pollution était prévisible et même attendue, d’après les données disponibles dans le premier dossier de mise sur le marché (AMM) de cet herbicide déposé en 2000.  La Commission européenne a, dès 2004, alerté les Etats Membres et les autorités en charge de l’autorisation des produits, sur la migration dans les eaux souterraines des métabolites du S-métolachlore (1). Pourtant, la surveillance de ces métabolites dans les eaux souterraines et les eaux à destination de la consommation humaine (EDCH) n’a commencé qu’en 2013 et 2014 respectivement. Concernant les métabolites de la chloridazone, la Commission alertait les Etats Membres dès 2007 (2) sur les risques de lessivage vers les eaux souterraines de ses métabolites desphenyl-chloridazone et methyl-desphenyl chloridazone.  Il est donc important de garder en tête que cette pollution existe depuis de nombreuses années et que les populations sont exposées à ces métabolites depuis le début des années 2000.

Cet aveu du manque de connaissance sur les métabolites témoigne donc d’un incroyable manque de prévention et d’anticipation et illustre une des failles du système d’homologation: bien que les risques de contamination des eaux souterraines étaient connus, quasiment aucune étude sur la toxicité des métabolites n’a été demandée. Les seules disponibles aujourd’hui sont celles déjà présentes dans les premiers dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché, pour la plupart anciens, datés d’une vingtaine d’années.  Une question se pose alors: quelles sont les connaissances que nous sommes en train d’acquérir selon  Jérôme Salomon? De nouvelles études sur la toxicité des métabolites auraient-elles été demandées?

Ainsi, assumer que nous sommes aujourd’hui en train d’acquérir des connaissances c’est assumer ne pas avoir pris au sérieux le danger des métabolites de pesticides en temps et en heure pour s’assurer de leur impact sanitaire. 

 

Un cafouillage sur la gestion de l’eau potable par les ARS et les valeurs sanitaires … On vous réexplique ! 

Revenons sur la pollution des eaux par le métabolite du terbuméton déséthyl en région de Bourgogne et d’Occitanie. 

Pour rappel, les ARS sont les agences régionales de santé. Elles ont deux missions principales : le pilotage de la politique de santé en région (veille et sécurité sanitaires, l’évaluation des actions de prévention et l’anticipation, la préparation et la gestion des crises sanitaires, en liaison avec le préfet.) ainsi que la régulation de l’offre santé.

Aussi, nous souhaitons préciser ce qu’est une eau potable que l’on peut boire sans risque pour la santé au regard de la présence de pesticides et de métabolites. Le CNRS précise : “ Afin de définir précisément une eau potable, des normes ont été établies qui fixent notamment les teneurs limites à ne pas dépasser pour un certain nombre de substances nocives et susceptibles d’être présentes dans l’eau. Le fait qu’une eau soit conforme aux normes, c’est-à-dire potable, ne signifie donc pas qu’elle soit exempte de matières polluantes, mais que leur concentration a été jugée suffisamment faible pour ne pas mettre en danger la santé du consommateur”

Ainsi, pour mieux appréhender le cas de l’ARS Occitanie : le terbuméton déséthyl est un métabolite considéré comme pertinent, et pour lequel aucune Vmax n’a été établie par l’Anses… Dans cette situation, la DGS recommande elle-même de restreindre les usages de l’eau SAUF s’il existe une valeur sanitaire transitoire établie par l’Agence Allemande UBA qui fait office de valeur sanitaire. Dans le cas du terbuméton déséthyl, il n’existe pas de valeur sanitaire transitoire, l’eau aurait donc dû être restreinte. L’ARS Occitanie n’a donc pas mis en place les mesures préventives nécessaires recommandées par la DGS, et Jérome Salomon a été bien incapable d’apporter une réponse claire à Tristan Walecks sur les agissements de l’ARS Occitanie.

 

Maladies chroniques et effet cocktail : “On ne sait pas très bien d’ailleurs quel est l’impact d’une exposition aux pesticides de longue durée ça dépend de la dose, de la personne, ça dépend de beaucoup de choses”

Lors de cet interview, le directeur général de la Direction Générale de la Santé affirme pleinement le manque de connaissance quant à l’exposition chronique aux pesticides ainsi que l’effet cocktail dont ils peuvent être responsables. “Est-ce que boire un verre pose problème ? probablement pas. Ensuite il y a l’exposition chronique, votre âge, votre pathologie, est ce que vous ne prenez qu’un seul pesticide ou plusieurs pesticides ou d’autres molécules qui participent : tout ça est en cours d’acquisition de connaissances. C’est un domaine totalement nouveau la toxicologie, il y a vraiment un effort de transparence, un effort de pédagogie mais il faut aussi savoir dire qu’on ne sait pas et donc objectivement quel sera l’impact sanitaire d’une exposition chronique aux pesticides sur une telle ou telle population, objectivement il faut être capable de dire qu’on ne sait pas, parce qu’on a besoin de temps pour comprendre le mécanisme d’action (des métabolites etc.)” 

Comment ne pas avoir froid dans le dos quand l’autorité compétente sur le sujet assume son manque d’expertise ? Malgré cette affirmation glaçante, le directeur général minimise les récentes découvertes des métabolites présents dans les Hauts de France : “Très, très honnêtement, ce n’est pas un poison. En fait, il faut aussi qu’on soit attentif à ça et qu’on ne fasse pas peur aux gens.” Remis dans ce contexte global, cette affirmation semble totalement dépassée et manque cruellement de sérieux. Déjà en 2009 et 2011, Sylvaine Cordier présentait avec d’autres scientifiques les impacts des pesticides sur les femmes enceintes et les enfants à naître : diminution du poids et du périmètre crânien à la naissance.

 

Je suis pour les échanges avec les associations […] c’est la démocratie sanitaire c’est très bien.”

Cette affirmation survient après la mise en lumière de la tribune signée par 80 associations, dont Générations Futures, concernant la suppression immédiate des pesticides de synthèse dans les aires de captages d’eau potable. Après une longue période de silence radio de la DGS à nos sollicitations, nous sommes ravis d’échanger prochainement sur ce sujet à la fois avec le cabinet de Mme la Ministre déléguée auprès du Ministre de la Santé et de la Prévention Chargée de l’Organisation territoriale et des professions de santé Agnès FIRMIN LE BODO ainsi qu’avec la Sous Direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation (EA) de la Direction générale de la Santé, en nous appuyant sur notre dernier rapport et notre article récent .

 


(1) SANCO/1426/2001 – rev. 3 4 October 2004 Review report for the active substance S-Metolachlor « In this overall assessment Member States – should pay particular attention to the potential for groundwater contamination, particularly of the active substance and its metabolites CGA 51202 and CGA 354743, when the active substance is applied in regions with vulnerable soil and/or climatic conditions; »

(2) SANCO/2822/07 – rev. 2, 25/10/2007 “ leaching to groundwater: Particular attention should be given to the potential for groundwater contamination from metabolites B and B 1, when the active substance is applied in regions with vulnerable soil and/or climate conditions. Risk mitigation measures should be applied where appropriate.”

Pollution des eaux par des métabolites de pesticides :
le cas du S Métolachlore


 

→ Générations Futures a travaillé depuis plusieurs mois sur le sujet emblématique de cette problématique : les métabolites du S Métolachlore . Ce pesticide est utilisé pour désherber les cultures de maïs notamment (1913 tonnes vendues dans des pesticides en 2020 en France), Dans un dossier très complet, Générations Futures répond à différentes  questions qui se posent : Comment se fait-il que les métabolites de cette substance se retrouvent quasiment partout désormais? Est-ce que les autorités ont fait le nécessaire pour mettre un terme à cette pollution?  ?

Nos conclusions sont sans appel. Elles montrent clairement que :

  • Les autorités ont connaissance, avant la mise sur le marché des substances, des risques de dépassement des normes de qualité réglementaire des métabolites de certaines substances actives pourtant autorisées.
  • La réglementation phytopharmaceutique autorise la commercialisation de produits même si leurs usages vont entraîner des pollutions des eaux souterraines au-delà des valeurs limites réglementaires lorsque les métabolites ne sont pas reconnus comme « pertinents ».
  • C’est seulement pour les métabolites jugés ‘pertinents’ que la substance ou le produit ne peut être autorisé si le métabolite a le potentiel de contaminer les eaux souterraines à des teneurs supérieures à 0.1 µg/L . Or Il est rare qu’un métabolite soit jugé pertinent au cours de son évaluation faite par les autorités avant la mise sur le marché des produits. Nous expliquons pourquoi dans notre dossier.
  • Les données de toxicité sur les métabolites sont très peu nombreuses. Les autorités ne demandent aucune étude de toxicité chronique même lorsque les données de surveillance sur le terrain montrent des dépassements, parfois importants, et surtout réguliers des valeurs limites réglementaires.
  • Les plans de surveillance des métabolites dans l’eau sont mis en place souvent très tardivement.

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