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PFAS : Votre eau du robinet contient-elle des polluants éternels ?

Ce jeudi 19 septembre, la cellule investigation de Radio France et les 44 radios locales France Bleu ont dévoilé les résultats d’une campagne d’analyse des PFAS dans l’eau potable. Les PFAS, ou substances per- et poly-fluoroalkyles, sont une famille de molécules très persistantes, largement utilisées par les industriels ; matières plastiques, textiles, matériaux en contact alimentaire ou encore mousse anti-incendie. Cette campagne a été réalisée dans près de 90 villes en France métropolitaine.

Contexte

La recherche des PFAS dans l’eau potable est un enjeu majeur afin de mieux comprendre les sources d’exposition de l’homme à ces substances. Si l’alimentation est la principale source d’exposition aux PFAS de manière globale, l’eau potable peut représenter une source d’exposition significative, notamment pour les riverains d’industries émettrices de PFAS. Actuellement, seuls 20 PFAS sont listés dans la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), et leurs recherches ne seront obligatoires qu’à partir de janvier 2026. La norme associée est de 0,1 μg/l pour la somme des concentrations de ces PFAS. 

Résultat de la campagne : une contamination étendue

Cette campagne inédite de Radio France et des radios locales de France Bleu s’inscrit dans la prise de conscience collective de l’étendu de la pollution sur les PFAS et des enjeux sanitaires qui y sont attachés. Des échantillons d’eau potable ont été prélevés dans près de 90 villes, partout en France. Les 20 PFAS inclus dans la directive EDCH ainsi que 5 autres PFAS problématiques ont été recherchés. Sur les 89 échantillons analysés, 43% contiennent des substances PFAS quantifiables. 27 échantillons révèlent des PFAS interdites ou classées comme cancérogènes. Généralement les quantités retrouvées sont assez faibles mais 5 échantillons présentent des taux préoccupants et 3 dépassent la future norme européenne. C’est le cas à Martres Tolosane en Haute-Garonne, à Cognac et à Saint Symphorien d’Ozon, au sud de Lyon

Dans de nombreuses situations, il n’existe pas d’explication évidente quant à la présence de PFAS dans l’eau potable. Des recherches seront nécessaires, notamment dans les régions de Martre Tolosane et de Cognac, afin d’identifier l’origine de ces niveaux élevés. Centre d’entraînement de pompiers utilisateurs de mousses anti-incendies, papeteries, usine de traitement de métaux, plusieurs hypothèses sont sur la table. Ces situations démontrent que les PFAS sont largement répandus dans l’environnement et peuvent contaminer l’eau potable, même en l’absence d’usines productrices de PFAS à proximité. Cette étude souligne donc l’urgence d’intégrer les PFAS dans le contrôle sanitaire de l’eau potable sans tarder, une demande que Générations Futures porte depuis plusieurs années. 

Dans le cas de Saint Symphorien d’Ozon, la raison du dépassement de la norme est connue et s’explique par la très forte contamination du sud Lyonnais dû aux rejets de la plateforme chimique de Pierre Bénite. Dans cette région, les PFAS ont été intégrés au contrôle de l’eau potable. Les dernières analyses effectuées par l’ARS confirment les résultats retrouvés par France Info et indiquent des niveaux élevés voire au-dessus de la norme. Pour autant, l’eau n’a pas été restreinte à la consommation.

Les prélèvements dépassant la future norme européenne nécessitent une attention particulière, tout comme les échantillons affichant des niveaux de PFAS supérieurs à 30 ng/L. En effet, dans d’autres pays, ces prélèvements seraient considérés comme non conformes, des normes beaucoup plus strictes s’appliquant par exemple aux Etats-Unis, au Danemark ou encore au Canada. Ces pays adoptent une approche visant à réduire au maximum les niveaux de PFAS dans l’eau potable afin de minimiser l’exposition des populations. Une approche bien différente donc de celle adoptée par la France qui se limite à appliquer, en 2026 seulement, la norme fixée par l’Europe, déjà critiquée par de nombreux scientifiques car trop élevée. 

Cette campagne de Radio France fait suite à une série d’analyses menée par Véolia sur 2400 points de prélèvements. Selon Véolia, seul 1% de leur prélèvement dépassait la norme de 0.1 µg/L. Toutefois, Véolia n’a pas précisé le nombre d’échantillons dans lesquels des PFAS ont été quantifiés, ni leur localisation. Les 2 études sont donc difficilement comparables.  

Une sous-estimation probable

Bien que la campagne d’analyses réalisée par Radio France fournisse des informations sur les niveaux de PFAS dans l’eau potable, Générations Futures souligne que ces analyses sont certainement très sous-estimées. En effet, elles n’incluent pas la substance PFAS la plus susceptible de contaminer l’eau potable, le TFA  (acide trifluoroacétique), un PFAS extrêmement persistant issu de la dégradation d’autres PFAS comme les gaz fluorés ou les pesticides PFAS et pour lequel l’Allemagne a proposé un classement en tant que toxique pour la reproduction. Nous avions retrouvé des taux records de TFA dans l’eau potable aux alentours de Salindres dans le Gard, en particulier dans la ville de Moussac. L’échantillon prélevé par Radio France à Moussac révèle une concentration de 5.8 ng/L de PFAS, sans inclure le TFA,  alors que nous avions retrouvé dans cette ville une teneur de 18 µg/L (18 000 ng/L) de TFA! 

Plus largement, le TFA est retrouvé dans quasiment toutes les eaux potables testées en Europe. Dans une étude menée avec le Pesticide Action Network (PAN Europe), le TFA était présent dans 34 des 36 échantillons d’eau potable analysés, provenant de 11 pays de l’UE. En proportion, le TFA représente 98% des PFAS retrouvés dans les échantillons lors de cette étude. Inclure de manière systématique le TFA dans les analyses d’eau potable est indispensable pour prendre la mesure de cette pollution qui constitue une véritable bombe à retardement selon les scientifiques.

TFA dans l’eau potable en ng/L (34 échantillons d’eau du robinet proviennent de sources publiques et 2 de sources privées)

Quelles suites ?

Des solutions de traitement existent pour les eaux potables polluées aux PFAS ;  charbon actif, osmose inverse ou encore résines échangeuses d’ions .Cependant ces techniques n’ont qu’une efficacité variable en fonction des PFAS présents dans l’eau traitée. Surtout, la généralisation de ces techniques extrêmement coûteuse à l’ensemble du territoire n’est pas réaliste et aurait certainement des répercussions importantes sur les collectivités et la facture des consommateurs. Les coûts de cette dépollution est estimée à 2.274 milliards d’euros rien que pour la France.  

La priorité doit être donnée à la surveillance généralisée de l’eau potable pour identifier les zones nécessitant des actions immédiates et à la limitation des émissions à la source. Selon le dossier de restriction sur les PFAS, en 2020, c’est 75 000 tonnes de PFAS qui ont été émis dans l’environnement dans l’UE, avec des estimations à 4 millions de tonnes supplémentaires émises d’ici à 30 ans si aucune mesure n’est prise.  

Le besoin en décision politique forte se fait de plus en plus urgent ; une réglementation stricte de ces substances est absolument nécessaire pour permettre une diminution des émissions dans l’environnement et envisager des solutions à long terme. Le plan interministériel publié le 4 avril dernier, en est cependant dépourvu, la France se limitant à attendre que des mesures d’interdiction soient prises au niveau européen, ce qui n’est pas attendu avant 2030. Il est urgent que la proposition de loi portée par Nicolas Thierry qui avait été adoptée à l’Assemblée Nationale et au Sénat, reprenne son parcours législatif afin d’être définitivement adoptée 

 

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