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PFAS : un rapport officiel tant attendu est enfin paru et il vaut le détour !

L’Inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable (Ex-CGEDD) vient enfin, avec près de 6 mois de retard, de rendre public son rapport commandé par l’ex-ministre de l’Ecologie, Barbara Pompilli. L’objectif de ce rapport est de faire une « analyse des risques de présence de PFAS dans l’environnement » et de faire des recommandations pour limiter ces risques. Générations Futures vous propose une analyse de ce rapport et vous partage ces principales remarques et demandes sur ce sujet.

Contexte sur les PFAS

Le sujet des perfluorés (ou « polluants éternels ») est au cœur de l’actualité depuis maintenant plusieurs mois en France. Les raisons en sont assez évidentes. Il s’agit d’une famille de milliers de substances chimiques très prisées des industriels mais qui posent de graves questions d’un point de vue sanitaire et environnemental. Et la France est tout particulièrement concernée par cette pollution.

Le ministre de l’Ecologie, Christophe Béchu, a récemment présenté un plan PFAS, censé reprendre les recommandations du rapport de l’IGEDD et répondre aux problèmes posés par ces polluants mais qui est loin de nous satisfaire (lire notre critique ici).

De leur côté, des parlementaires se sont emparés du sujet ce qui a permis à notre association d’être auditionnée récemment dans le cadre de la Commission Développement Durable de l’Assemblée nationale. Notre association ainsi que certains élus ont profité de cette occasion pour faire part du fait que nous étions toujours dans l’attente du fameux rapport commandé par B. Pompilli et donc après des mois d’attente (le rapport date de décembre ) le voilà enfin disponible et force est de constater qu’il ne fait que renforcer nos critiques et demandes !

Que nous apprend ce rapport de l’IGEDD sur les PFAS (analyse détaillée en annexe)

  • Que les sources d’émissions de PFAS dans l’environnement sont importantes, diverses et mal surveillées ;
  • Que la surveillance des milieux, quand elle est réalisée, montre une grande contamination de ces derniers et qu’elle est probablement sous-estimée ;
  • Que la France n’a rien fait – ou si peu – sur le sujet.

Rapport PFAS  : L’avis de Générations Futures et nos demandes

  • Nous partageons complètement l’avis de l’IGEDD sur la nécessité d’utiliser en premier lieu des méthodes globales permettant de mesurer l’ensemble des PFAS présents dans l’environnement. Il est urgent d’adapter la surveillance et d’utiliser les meilleures techniques déjà développées.
  • Vu l’importance du sujet des « pesticides PFAS » largement cité dans le rapport, Générations Futures demande que soit rendu public la liste des PFAS utilisés comme co-formulant dans les produits pesticides ainsi que la liste des produits en contenant.
  • Nous sommes surpris que la problématique de la contamination des denrées alimentaires ne soit jamais abordée dans le rapport alors que l’alimentation est la première source d’exposition de l’homme et demandons qu’une surveillance systématique soit mise en place.
  • Nous tenons à rappeler que la norme européenne sur les eaux souterraines est jugée beaucoup trop élevée et pas suffisamment protectrice par les experts de la Commission européenne eux-mêmes qui recommande de la rabaisser de 100 ng/L à 4.4 ng/L! Ainsi, les teneurs retrouvées et mentionnées dans le rapport sont alarmantes.  2 / 3 de l’eau potable en France est fabriquée à partir d’eau souterraines, sa contamination doit être prise très au sérieux. Il est donc absolument urgent et nécessaire d’adopter des normes nationales, en particulier sur les rejets industriels afin de limiter dès maintenant les émissions à la source. Attendre des normes européennes, connaissant la lenteur des processus et discussions, est insuffisant.

“L’état des lieux est très clair : alors que la pollution est généralisée, en particulier la pollution des eaux superficielles, l’inaction de l’Etat est totale. Ce rapport révèle que l’actuel Plan PFAS du ministère de l’Ecologie n’est pas à la hauteur des enjeux. Plusieurs recommandations de l’IGEDD ne figurent pas dans le Plan ou sont évoquées de manière très floues. Alors que le rapport préconise une information du public sur la présence des PFAS dans les produits de tous les jours, rien sur ce point important ne se trouve dans le Plan du ministère. Rien non plus sur l’utilisation en priorité des méthodes globales pour la surveillance des milieux, sur l’inclusion des 20 PFAS dans la surveillance de l’eau de surface et de l’eau potable, rien sur la surveillance des Stations d’Epuration Urbaines, des épandages de pesticides PFAS, et rien sur la dépollution faisant pourtant l’objet d’un chapitre entier dans le rapport.”  déclare le Dr. Pauline Cervan, responsable des questions scientifiques et règlementaire chez Générations Futures. « A la lecture de ce rapport on ne peut que s’étonner de la faiblesse du plan français récemment publié. On attend que le gouvernement revoie sa copie et propose de réelles améliorations dans le but de protéger la population et l’environnement des dangers dues à l’exposition à ces substances toxiques. » conclut-elle.

Générations Futures a fait de nombreuses propositions sur ce dossier consultable ici

Annexe : Analyse détaillée du rapport de l’IGEDD sur les PFAS

  • Sur les sources d’émissions de PFAS dans l’environnement

Les installations productrices et utilisatrices de PFAS sont des sources très importantes d’émissions de PFAS dans les milieux naturels. Toutefois, il est quasiment impossible de les quantifier en raison d’un cruel manque de transparence et de l’inaccessibilité des données. Les seules données disponibles sur des rejets industriels concernent la plateforme de Pierre Bénite pour laquelle les inspecteurs ont calculé, après recoupement d’informations, que les quantités émises d’un PFAS, le 6:2 FTS, par l’entreprise Arkema sont de l’ordre de 3,5 tonnes par an.

Le rapport pointe également la question des rejets de PFAS par les stations d’épuration urbaines (STEU). Les données sont lacunaires et ne portent que sur le seul PFOS mais permettent de mettre en évidence que les STEU n’ont aucune efficacité épuratoire sur cette substance:  20% des STEU rejettent du PFOS en quantité “significative” pouvant aller jusqu’à plus de 40 kg/an pour ce seul PFAS.  Les stations d’épuration sont donc des sources d’émissions importantes et participent à rendre la pollution diffuse.

Les inspecteurs dressent ainsi une liste des principaux sites émetteurs de PFAS: les installations ICPE, les STEU recevant des PFAS, les centres de valorisation, traitement et élimination des déchets sont jugés prioritaires. Les épandages de boues des STEU et l’épandage de pesticides contenant des PFAS sont considérés comme secondaires mais doivent quand même être pris en compte. En outre, les inspecteurs chiffrent à 1036 le nombre de sites en France ayant utilisé des mousses anti-incendie et donc probablement pollués aux PFAS. Ce chiffre est sous-estimé, l’inventaire n’étant pas complet.

  • Sur la contamination et la surveillance des milieux en France

Les inspecteurs dressent un état des lieux sans appel sur la question de la surveillance des PFAS en France !

Sur la question des données disponibles pour les eaux de surface, les rapporteurs font le même constat que notre association avait fait dans notre rapport publié en janvier. Les données sont là mais trop difficiles à exploiter… ! Les inspecteurs se sont donc rabattus sur des études de la littérature ou des exploitations de données réalisées par certaines agences de l’eau et concluent à une contamination généralisée des eaux de surface. Les concentrations retrouvées sont souvent supérieures aux Normes de Qualité Environnementale (NQE) comme le montre l’exploitation de données faite par l’Agence de l’eau Seine Normandie. Des études de la littérature de 2015 montrent  que la concentration moyenne en PFAS dans les eaux était de 28 ng/L, valeur bien supérieure à la proposition de NQE pour 24 PFAS jugés prioritaires par la Commission fixée à 4,4 ng/L. Les fréquences de détection de certains PFAS (PFOA, PFOS, PFHxS) dans ces études sont très élevées (> 80%).

La contamination des eaux souterraines semble, selon les inspecteurs, moins importante que celles des eaux de surface mais “ce constat doit être pondéré en considérant que seuls quelques PFAS sont suivis, les fluorotélomères en étant par exemple exclus”. Pourtant le rapport fait état de plusieurs secteurs où la norme européenne de 0.1 µg/L est largement dépassée, comme à Paris où la concentration maximale dans les eaux souterraines a été mesurée à 10 µg/L, soit une valeur 100 fois plus élevée que la norme.

Également, certaines conclusions et recommandations sont étonnantes et ne sont pas à la hauteur des enjeux: alors que des teneurs en PFOA 100 fois plus élevées que la norme sur les eaux souterraines ont été constatées dans certains secteurs, la contamination des eaux souterraines semble minimisée par les auteurs du rapport qui la jugent comme étant  “modérée”.

Comme nous l’avons déjà soulevé, il y a de grosses carences sur la question des analyses des sols. Les inspecteurs le confirment dans ce rapport. Pourtant d’après une revue bibliographie de 2020 : « le sol est un milieu de rétention significative de PFAS, avec un potentiel de lessivage à long terme vers les eaux souterraines et de migration atmosphérique ». Ce manque de données est aussi flagrant sur la question du biote (flore et faune). Concernant l’air, il n’existe à l’heure actuelle aucune méthode standardisée d’analyse des PFAS dans l’air et les rejets atmosphériques des industries.

Les inspecteurs questionnent les méthodes d’analyses utilisées qui mériteraient d’évoluer pour être plus efficaces en adoptant des méthodes globales (permettant une une analyse d’un ensemble cumulé de substances et permettant ainsi de prendre en compte les fluoropolymères, jamais mesurés dans les milieux). En effet, les analyses actuelles qui procèdent substance par substance sous-estime probablement les expositions.

  • Sur les actions menées par l’Etat et les normes

Sur les actions menées par l’Etat pour gérer cette pollution, le descriptif est sévère et cinglant et la conclusion sans appel : la France est à la traîne en matière de réglementation sur les PFAS, en comparaison à plusieurs autres pays européens. Les actions et normes sont soient très insuffisantes soit carrément inexistantes :

*Aucune étude d’impact environnemental n’intègre les PFAS en France : « Force est de constater que les évaluations environnementales ne font qu’exceptionnellement état de l’usage, de la production, de rejets ou de la présence de PFAS et donc de leurs impacts et de leur suivi dans l’environnement ». « L’Autorité environnementale n’a pas connaissance d’étude d’impact évoquant le terme de PFAS, y compris pour des projets de stations d’épuration ou visant la gestion de sédiments de sols ou de nappes polluées, notamment par des eaux d’extinction d’incendie contenant des PFAS »

*Sur les normes de rejets industriels: seul le PFOS possède une limite de concentration dans les eaux rejetées dans les milieux aquatiques (fixée à 25 µg/L). De plus, “aucun PFAS n’est intégré à la liste des substances que les exploitants d’ICPE doivent télédéclarer sur la plateforme GEREP.  Dès lors, on ne trouve dans cette base que quelques données de rejets de PFOS, déclarées à titre volontaire, principalement par des collectivités (quasiment pas d’établissements industriels). En outre, la base de données GEREP n’est pas ouverte en accès libre au grand public”.

La conclusion du rapport concernant les normes sur les rejets industriels est cinglante : « Le registre des émissions polluantes des ICPE est donc pour l’heure partiellement inopérant pour les PFAS ».

Les inspecteurs constatent également que des rejets industriels, en théorie interdits, ont lieu dans les réseaux d’assainissement collectifs: « La majorité des stations d’épuration ne traitant pas les PFAS, les rejets de PFAS par les industriels dans les réseaux d’assainissement collectif ne devraient en théorie pas pouvoir être autorisés sauf à démontrer que leur rejet dans l’environnement ne présente pas d’impact significatif, mais la pratique est toute autre. »

*Aucune norme sur les rejets des STEU et les épandages de boues.

*Aucune norme pour les sols

*Sur l’obligation de surveillance des eaux surface: Là aussi le rapport est sans appel : les inspecteurs rappellent que seuls 5 PFAS font l’objet d’une obligation de surveillance et se demandent pourquoi cette obligation n’intègre pas les 20 PFAS listés dans la directive européenne de 2020 sur les eaux à destination de la consommation humaine (EDCH), “sachant que les eaux de surface constituent 40% des ressources utilisées pour l’eau potable”. De plus, “ La France, contrairement à d’autres pays, notamment européens, n’a pas défini de « critère de qualité » pour les PFAS en eaux de surface”.

*Sur l’eau potable : L’obligation de recherche des PFAS dans l’eau potable ne sera effective qu’en 2026, date d’entrée en vigueur de la directive EDCH. En attendant, « La France ne réglemente aucun PFAS » et la recherche des PFAS dans l’eau potable n’est toujours pas obligatoire, sauf dans les sites où la pollution est déjà avérée, comme au sud de Lyon. “Pourtant depuis 2015, des avis et rapports ANSES proposent d’instaurer des concentrations maximales de 0,075 µg/l en PFOA et 0,18 µg/l en PFOS dans les eaux de boisson”.

*Aucune norme ou interdiction d’usage dans les emballages alimentaires

  • Sujets divers : méthodes, GenX, pesticides PFAS

Générations Futures salue la qualité globale de ce rapport, qui aborde des points importants et met en évidence des problématiques trop peu souvent évoquées comme la nécessité d’utiliser des méthodes d’analyse globales et la nécessité de prendre en compte les polymères, le rôle important dans les émissions des stations d’épurations, des installations de traitement des déchets, des épandages des boues, et des épandages des pesticides contenant des PFAS. La question de la dépollution est enfin abordée !

Les inspecteurs insistent plusieurs fois sur le potentiel préoccupant des fluoropolymères qui sont souvent jugés à tort inertes et sans problème. Ils mentionnent également la toxicité importante du GenX, pourtant utilisé en substitut du PFOA (pour rappel les ONG européennes se sont mobilisées contre cette substance) et révèlent les quantités affolantes de 6:2 FTS émis à plus de 3.5 tonnes par an à Pierre Bénite. Pourtant, ces 3 exemples de PFAS (polymères, GenX, 6:2 FTS) font partie de la majorité des PFAS qui ne sont quasiment jamais recherchés dans les milieux et l’eau potable.

Sur la question des pesticides PFAS, le rapport indique que “le sujet des pesticides potentiellement concernés est très mal documenté, ce qui justifierait la mise en place d’une enquête auprès des fabricants” et qu’il “reste des blocages quant à l’information sur les quantités et la nature des PFAS présents dans certains produits, dont les pesticides”.

 

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