Deux jours seulement après l’adoption de la proposition de loi visant à “lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur”, dite loi Duplomb, le Gouvernement poursuit ses attaques contre la santé et l’environnement avec la publication ce jour d’un décret impactant l’organisation des travaux de l’agence de sécurité sanitaire (l’Anses) en matière de délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits pesticides et des adjuvants.
Annoncée par la ministre de l’Agriculture lors des votes solennels au Sénat et à l’Assemblée, le Gouvernement n’a pas attendu avant de relancer les hostilités.
Que contient ce décret ?
Ce décret, dont le contenu avait été révélé par le média Contexte dès le mois de janvier, prévoit à son article 1 de confier le soin au ministre de l’Agriculture d’établir par un arrêté, pris après avis de l’INRAe, une liste d’usages de pesticides que l’on va dire “prioritaires”.
Ce critère concernera les pesticides : “ayant pour objet de lutter contre des organismes nuisibles ou des végétaux indésirables affectant de manière significative le potentiel de production agricole et alimentaire et contre lesquels les moyens de lutte sont inexistants, insuffisants ou susceptibles de disparaître à brève échéance, dans la limite de quinze pour cent des usages répertoriés dans le catalogue national des usages phytopharmaceutiques”.
L’Anses devra tenir compte de cette liste d’usage prioritaire dans son calendrier d’examen des demandes d’autorisation, de modification ou de retrait des AMM.
Ce décret va donc inéluctablement déprioriser et retarder les demandes de retrait des produits dangereux pour la santé et l’environnement au profit des demandes d’autorisation et de renouvellement des produits répondant à un “usage prioritaire”, qui se définit principalement sur la base de critères économiques.
Or ce caractère prioritaire repose sur un flou total. Comment sera défini et mesuré l’impact “significatif sur le potentiel de production” ? Sur un pourcentage de perte de production ? A partir de quel pourcentage cela est “significatif” ? Sur quelle durée cela sera-t-il évalué ?
Comment sera appréhendée l’absence ou l’insuffisance des moyens de lutte ? Il est clair qu’implicitement le texte favorise les autres produits de synthèse. Quelle reconnaissance pour les pratiques agroécologiques telles que l’implantation d’infrastructures agroécologiques, l’utilisation de plantes compagnes et de produits de biocontrôle qui permettent de réduire la pression exercée par certains ravageurs ?
Dans la continuité de la loi Duplomb, le Gouvernement privilégie une fois de plus les intérêts économiques de quelques-uns au détriment de la santé de toutes et tous.
Un passage en force inacceptable
Pourtant, la représentation nationale s’est expressément opposée à ces dispositions dans le cadre de l’examen de la loi Duplomb. Pour rappel, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a décidé de supprimer toutes les dispositions pouvant conduire à une ingérence dans les travaux de l’Anses, y compris cette mention à la priorisation de ses travaux.
Ne pouvant trouver une majorité sur cette mesure à l’Assemblée, le Gouvernement a donc opté par un passage en force par voie réglementaire. Si la ministre de l’Agriculture a affirmé dans l’hémicycle à l’occasion du vote solennel de la loi Duplomb avoir consulté le Conseil d’Etat, expliquant que cela relevait bien du pouvoir réglementaire, cela ne justifie en rien le contenu de ce décret.
Annie Genevard semble en effet se soucier très peu du fond. Après avoir menti sur la présence d’acétamipride dans des colliers anti-puces pour animaux domestiques, elle a de nouveau récidivé en affirmant ce mardi dans l’hémicycle lors des échanges sur la Loi Duplomb : “La France a interdit la totalité des substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. Dans notre pays, il n’est plus possible d’épandre ces produits et il faut le dire.”
Pourtant, selon les dernières données d’achats disponibles plus de 10 290 tonnes de pesticides classés CMR 1 et CM2 ont été achetées en France en 2023, comme par exemple le dangereux tébuconazole (CMR 1B) (Retrouvez l’ensemble des informations sur Geophyto).
Générations Futures est déterminée à se battre sans relâche et à étudier toutes les voies de recours pour faire abroger ce décret et annuler son contenu.