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Représentativité des associations: quels risques pour les ONG expertes telles que Générations Futures?

Agrément et représentativité des associations : une réforme qui pose question

Retour sur les faits

Le Grenelle souhaitait modifier les critères de représentativité des associations de protection de l’environnement. Les textes d’application de cette réforme ont dont été publiés en juillet 2011.

La loi Grenelle 2 avait prévu une réforme des règles de représentativité des associations de protection de l’environnement. Il s’agit d’un dispositif réglementaire composé de deux décrets et de trois arrêtés.

Réforme des règles d’agrément

Le premier décret, modifiant les articles R. 141-1 et suivants du Code de l’environnement, réforme les règles relatives à l’agrément des associations : cadre territorial de l’agrément, limitation à une durée de cinq ans, simplification des démarches de délivrance, conditions de renouvellement et de retrait, transparence des activités. Un arrêté, publié le même jour, précise la composition du dossier d’agrément et du dossier de renouvellement, de même que la liste des documents qui doivent être fournis chaque année à l’autorité ayant accordé l’agrément (ministre ou préfet) : rapport d’activité, comptes de résultats, bilan de l’association.

Générations Futures dispose de cet agrément, accordé par le ministère de l’écologie, depuis décembre 2008 et devra donc faire le renouvellement de son agrément en 2013… donc cette année (la demande doit parvenir 6 mois avant la date d’expiration prévue de l’agrément et donc en juin 2013).

Quels intérêts d’être agréé par le ministère de l’écologie ? Outre une « sorte » de reconnaissance et légitimé ensuite pour siéger dans certaines commissions (même si de notre point de vue cela ne fait pas tout loin s’en faut !), le fait d’être agréé donne à notre association des facilités dans les actions en justice à mener. C’est une reconnaissance, et se prévaloir de cet agrément, nous évite de nous voir débouter dans nos actions par manque d’intérêt à agir ( ce qui fut le cas par le passé notamment lorsque nous avions attaqué l’UIPP – le lobby des pesticides – pour publicité mensongère en 2005).

Outre la réforme de l’agrément, est venu se greffer la création d’une sorte de super agrément et la mise en place de critères de représentativité

Réforme des critères de représentativité ou un « super agrément » qui ne dit pas son nom !

Le décret fixe donc également les nouveaux critères de représentativité des associations agréées, organismes et fondations pour prendre part au débat sur l’environnement qui se déroule dans le cadre des instances consultatives « ayant vocation à examiner les politiques d’environnement et de développement durable ».

Les critères retenus sont les suivants : nombre de membres  eu égard au ressort géographique de l’organisation ; expérience et savoirs reconnus illustrés par des travaux, recherches, publications ou par des activités opérationnelles ; statuts, financements, organisation et fonctionnement ne limitant pas leur indépendance.

Concernant le premier critère, pour le niveau national, un arrêté précise que le nombre de membres minimal pour une association est fixé à 2.000, et le nombre de donateurs à 5.000 pour une fondation reconnue d’utilité publique. S’ajoutent des critères de représentativité sur le territoire.

Liste des instances consultatives

La liste des instances consultatives « ayant vocation à examiner les politiques d’environnement et de développement durable » est fixée par un deuxième décret du même jour. Le texte distingue les différentes instances aux niveaux national, régional et départemental, selon qu’elles ont une vocation généraliste ou spécialisée.

Devront être désignées dans ces instances uniquement les organisations répondant aux critères de représentativité fixées ci-dessus. Toutefois, jusqu’au 31 décembre 2014, des organisations ne répondant pas à ces critères pourront continuer à être désignées dans les instances à vocation spécialisée.

Les mandats en cours des représentants siégeant dans ces instances ne sont pas impactés par ces textes.

On notera, pour finir, qu’un dernier arrêté fixe la composition du dossier de demande de participation au débat sur l’environnement dans le cadre des instances consultatives. Un nouveau décret réformant le monde associatif environnemental voulu par le Grenelle provoque des remous. Plusieurs associations dénoncent un décret liberticide quand le Ministère de l’Ecologie assure qu’il résulte d’une décision concertée.

La réaction de nos ONG expertes

La réalité de ce super agrément pour Générations Futures ? Faire place aux « grosses » ONG, écartées les associations expertes qui dérangent le plus et qui sont totalement indépendantes – financièrement notamment – du pouvoir en place.

C’était aussi le sentiment d’une trentaine d’associations environnementales, qui dans une lettre adressée à Nathalie Kosciusko-Morizet suite au décret paru au Journal Officiel du 13 juillet 2011, ont fait part de leurs craintes.

« De fait, de telles mesures excluent nombre d’associations signataires du présent texte et plus particulièrement toutes les associations d’experts qui ont joué le rôle essentiel de lanceur d’alertes environnementales au cours des dernières années comme par exemple le Cniid, Inf’OGM, Générations Futures, la Criirem, le Criigen, le Réseau Environnement Santé, etc. qui n’auront aux termes de ce texte plus le droit de participer aux instances officielles (qu’elles soient consultatives ou décisionnelles). », précise la lettre envoyée par ces associations au Ministère de l’Ecologie (voir la lettre complète en bas de page).

« La légitimité d’une association n’est pas conditionnée uniquement par ses membres mais aussi par sa présence dans le débat public », assure François Veillerette, porte-parole de notre association.

Le 14 septembre 2011, des associations nationales de protection de l’environnement (Ecologie sans frontières, Générations futures, réseau environnement santé, Respire, Fondation Sciences citoyennes, Robin des toits, coordination médicale santé environnement), ont déposé deux recours devant le Conseil d’Etat. Ceux-ci visent à annuler le décret et l’arrêté d’application du 12 juillet 2011 sur la représentativité des associations. Les associations s’appuient sur le fait que le gouvernement aurait « bafoué le principe de participation du public à l’élaboration des décisions en matière d’environnement, principe proclamé par la Charte de l’environnement, les lois Grenelle 1 et 2, le droit communautaire et la Convention d’Aarhus », précise le collectif.

L’action juridique est toujours en cours à la date du 24/01/2012.

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La lettre à la ministre

Paris, le 21 juillet 2011,

Madame Nathalie Kosciusko-Morizet

Ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement

Objet : Lettre à l’attention de Madame la Ministre en charge de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.

 

Nos organisations sont consternées par le contenu de l’arrêté que votre gouvernement vient de prendre et paru dans le Journal officiel du 13 juillet[1] concernant les associations et fondations.

 

Celui-ci fixe les modalités d’application au niveau national de la condition prévue au premier point de l’article R.141-21 du code de l’environnement, concernant les associations agréées et fondations souhaitant participer au débat sur l’environnement dans le cadre de certaines instances consultatives.

 

Pour pouvoir participer, une association agréée devra désormais compter au moins 2 000 adhérents répartis dans au moins six régions. Quant aux associations d’utilité publique, elles devraient exercer leur action sur la moitié des régions au moins, et disposer d’un minimum de 5 000 donateurs, pour pouvoir se faire entendre.

 

De plus, l’Etat s’octroie le droit de vérifier les conditions de financement des associations pour s’assurer « de leur indépendance ».

 

Comme le note Mme Corinne Lepage, qui s’insurge dans une tribune parue sur le site internet RUE89 le 19/07/2011[2] contre le décret et ses arrêtés d’application, « ce texte est liberticide au regard de la liberté d’association ou plus précisément du droit des associations à se faire entendre ». De fait, de telles mesures excluent nombre d’associations signataires du présent texte et plus particulièrement toutes les associations d’experts qui ont joué le rôle essentiel de lanceur d’alertes environnementales au cours des dernières années comme par exemple le Cniid, Inf’OGM, Générations Futures, la Criirem, le Criigen, le Réseau Environnement Santé, etc. qui n’auront aux termes de ce texte plus le droit de participer aux instances officielles (qu’elles soient consultatives ou décisionnelles).

 

Dans le même temps, le décret fixe les nouvelles conditions d’agrément qui désormais stipule que ne pourront être agréés que les associations ayant « un nombre suffisant, eu égard au cadre territorial de son activité, de membres, personnes physiques, cotisant soit individuellement, soit par l’intermédiaire d’associations fédérées ». Cette obligation, qui démontre aussi que les associations qui souhaiteraient un agrément pourraient se retrouver face à des refus arbitraires, pourrait remettre en cause la capacité à agir des associations dont les motivations ne vont pas dans le sens d’intérêts politiques à un moment donné. En effet, sans agrément, la possibilité de porter plainte avec constitution de partie civile reste très réduite. Dans ces conditions, les procès mettant en cause les lobbies deviennent beaucoup plus difficiles.

 

De la même manière, le fait que les agréments soient conditionnés par un nombre de personnes rendra très difficile la tâche des associations locales, défendant des causes locales et dont l’action territoriale est indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie. Les préfets pourront toujours soutenir qu’elles ne remplissent pas les conditions susnommées.

 

Ainsi le gouvernement s’est-il attaqué avec efficacité, une fois encore, aux modestes contre-pouvoirs que notre pays compte encore, élargissant par là même les moyens d’action d’autres groupes de pressions déjà très puissants.

 

Au vu de ces éléments, nous vous demandons de bien vouloir procéder à l’abrogation de ces textes[3] qui sont à l’opposé de ce que fut « l’esprit » du Grenelle. Nous ne doutons pas que vous saurez prendre les décisions qui s’imposent afin de garantir la bonne santé, le dynamisme et la pérennité du débat démocratique essentiel sur les sujets environnementaux.

 

Dans l’attente de vous lire, veuillez agréer, Madame la Ministre, nos salutations respectueuses.

 

Les associations signataires

 

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