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Audition de Marc Fesneau à l’Assemblée nationale: Générations Futures décrypte les échanges

Audition de Marc Fesneau par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2022.

 

C’est la rentrée parlementaire, et avec elle, le cycle des auditions notamment des ministres. Récemment, ont eu lieu celles de M. Fesneau, Ministre de l’Agriculture, par la Commission des affaires économiques le 21 septembre 2022 et de M. Béchu, Ministre de la Transition Écologique, par la Commission de développement durable le 27 septembre 2022

Nous vous proposons dans cet article une analyse de l’audition de Marc Fesneau car celle de M. Béchu par la Commission de Développement Durable n’a pas permis d’aborder nos thèmes de prédilection ce qui d’ailleurs, pose question. Ainsi le Président de la commission, M. Zulesky, les portes-paroles des groupes et des membres de la Commission n’ont pas jugé opportun d’interroger le ministre de l’Ecologie sur des sujets pourtant d’actualité comme celui de la présence des pesticides et de leur métabolites dans l’eau (cf. notre article). 

L’audition de Marc Fesneau

Dans son préambule, Marc Fesneau aborde le thème de l’innovation dans le milieu agricole. Pour lui c’est un enjeu au cœur du ministère qui se traduit par de la recherche et le développement en agronomie et aussi par des termes clés : sélection variétale, robotique et biocontrôle. Il est intéressant de noter que contrairement au Président Macron pour qui le développement de l’agriculture reposait, lors de la campagne présidentielle, sur le triptyque: génétique, robotique et numérique, le ministre de l’Agriculture actuel ne parle plus de génétique (entendez promotion des nouveaux OGM) mais de “sélection variétale”. C’est assez malin de sa part car, de tout temps, les agriculteurs ont fait de la sélection variétale, notamment les bio, pour qui cela permet de trouver des semences résistantes aux maladies. On peut regretter qu’aucun membre de la Commission ne l’interroge ici sur ce qu’il entend par “sélection variétale”. L’expression couvre-t-elle également le soutien aux  nouveaux OGM ?Mystère! De même, on voit que ce nouveau gouvernement va beaucoup miser sur le biocontrôle, très bien. Mais il faudra bien garder à l’esprit que cela n’est qu’un outil et pas une fin en soi. Sur ce point il aurait été opportun qu’il soit interrogé sur la position de la France dans les discussions sur le le règlement SUR, particulièrement sur la définition de la lutte intégrée des cultures. Est-ce que notre pays va pousser une définition ambitieuse mettant l’agronomie au cœur de ce système qui doit permettre à nos agriculteurs de réduire leur dépendance aux intrants chimiques? Mystère aussi! Il affirme également que l’innovation se fait aussi dans les pratiques, les formations et les modèles sans en préciser les contours.

Durant l’échange, les parlementaires ont questionné le ministre. Nous saluons notamment les prises de paroles des députées Julie Laernoes (EELV), Aurélie Trouvé (LFI) et Delphine Batho (Générations Ecologie) qui ont explicitement abordé le sujet de la biodiversité, des mesures écologiques du plan stratégique national français (PSN) de la Politique Agricole Commune (PAC), des néonicotinoïdes et du glyphosate ainsi que l’échec du plan ecophyto censé conduire la France vers la réduction de l’utilisation des pesticides.

La PAC et le PSN français

La députée EELV, Julie Laernoes, a pointé la faiblesse du projet de PSN pour favoriser une transition agricole. Bien que l’aide à l’hectare pour l’Agriculture Biologique (AB) ait été augmentée, la révision de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) reste insuffisante (en témoigne notre dépliant et le dernier reportage de France 5 sur les étiquetages alimentaires). Pour répondre à ces remarques, Marc Fesneau prend le prétexte du marché de l’AB dans le contexte ukrainien et affirme qu’il souhaite travailler avec les agriculteurs pour éviter qu’il y ait un phénomène de conversion/déconversion à cause du manque de rémunération: “poser la question de la conversion sans parler rémunération serait une erreur”.  A cet égard, Aurélie Trouvé, députée LFI, souligne que la France a supprimé les aides au maintien des exploitations en AB ce qui est un paradoxe avec les objectifs à atteindre au niveau européen dans la stratégie du Green Deal et De la Ferme à la Fourchette. Notons aussi la prolongation du crédit d’impôt dans le projet de loi finance 2023 concernant la certification Haute Valeur Environnementale (HVE).

Augmentation de l’utilisation des produits phytosanitaires (PPP)

Aurélie Trouvé, députée LFI, a interrogé le Ministre sur la question de l’échec d’Ecophyto et a réalisé un bilan de l’augmentation de l’utilisation des phytos : bien qu’une baisse de 50% des PPP ait été demandée lors du Grenelle en 2008 et repris comme cible dans le plan Ecophyto pour 2025, on note en 10 ans une augmentation de 15% du NODU et l’année 2020 se traduit par une hausse générale de 23% d’utilisation des PPP et plus précisément de 42% pour le glyphosate, herbicide classé comme cancérigène probable par le CIRC. [Les chiffres cités par Aurélie Trouvé proviennent du gouvernement concernant l’année 2020, néanmoins nous n’avons pas la source pour celui du NODU.] Elle conclut en rappelant le départ de son ancienne cheffe de cabinet  chez Phytéis, lobby des pesticides.
Pour répondre à ce bilan, M. Fesneau affirme que la France a réduit de 90% l’utilisation des CMR1 et la consommation du glyphosate.
Générations Futures rappelle que la France n’a pas réduit de 90% l’utilisation des CMR1. Mettre au crédit du gouvernement cette diminution est une erreur car ce “n’est pas due à une volonté politique du gouvernement en place mais elle est la conséquence de la réglementation européenne qui repose sur l’exclusion de ces substances dangereuses, avec la fin de leur autorisation au niveau européen et par voie de conséquence à leur diminution d’utilisation dans tous les Etats membres”, explication issue de notre campagne Alerte Mytho lors d’un interview de Jean Baptiste Moreau, député LREM, en janvier 2022.
De plus, il argumente sur le principe de distorsion de concurrence et défend le fait que si les filières françaises sont privées de produits phytosanitaires autorisés au sein du marché commun européen, c’est les “flinguer”. Il souligne que la “politique proposée par Aurélie Trouvé est une politique d’affaiblissement de l’agriculture française” en concluant qu’il défendra toujours la politique “pas d’interdiction sans solutions”. L’argument des distorsions de concurrence, quoique entendable et justifié, devient la justification globale pour limiter tout mouvement vers une transition agricole durable. Il est évident que l’agriculture française doit être alignée avec les politiques de l’union européenne pour assurer la pérennité de ses filières agricoles, c’est pour cela qu’il faut que le gouvernement affiche un soutien sans faille à la Commission Européenne qui propose des textes ambitieux quant à la régulation des pesticides comme le règlement SUR ou la stratégie de la Ferme à la Fourchette. Notons à cet égard la réponse de M. Fesneau à Julien Dive, député LR, concernant sa vision de cette dernière : “il faut reconnaître la tendance de diminution de 15% de la production, on a besoin de discuter de cela au niveau européen dans le contexte ukrainien. On ne peut pas passer des événements comme celui qu’on traverse sans se poser la question de stratégie alimentaire. Dans la stratégie De la ferme à la fourchette, la seule ligne directrice est que nous soyons en tout point de vue, en tout moment capable de nourrir nos concitoyens, et réfléchir à la capacité de traiter la frontière de capacité alimentaire hors Europe. » Ces propos concernant la stratégie qui vise à imposer des objectifs de 50% de réduction de l’usage des PPP et une augmentation de 50% de la conversion en agriculture biologique d’ici 2030 sont très inquiétants. Enfin, le refrain de “pas d’interdiction sans solutions” est passéiste et a été assez utilisé lors du dernier quinquennat, les alternatives au glyphosate sont connues et demandent un soutien politique. 

Glyphosate et néonicotinoïdes

Pour finir, Delphine Batho, députée Génération Ecologie, interroge sur le positionnement du gouvernement français quant au renouvellement du glyphosate et à la dérogation du “poison” des néonicotinoïdes. Concernant les néonicotinoïdes, il rappelle le cadre de la loi et le projet de recherche sur les alternatives mis en place par son prédécesseur en rappelant que le débat pour lui “est bien la sortie”. Nous veillerons à ce que cela soit respecté. Néanmoins, nous restons toujours à nous demander ce que devient le comité de suivi dont Grégory Besson-Moreau était le président. La date butoir approchant, il nous paraît inquiétant qu’aucun parlementaire n’ait repris le lead. Concernant le glyphosate, Marc Fesneau replace l’enjeu dans le contexte européen et rappelle qu’un tiers des exploitations n’en utilisent plus, 30% des exploitations diminuent. [ à date, nous n’avons pas trouvé les chiffres correspondants dans les sources du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.] Il souligne qu’il n’aura “pas une position isolée au niveau européen [et qu’il a] besoin d’éclairer ce que peuvent être les alternatives » en Europe. A l’instar de Delphine Batho, nous souhaitons souligner le changement de stratégie et de discours depuis les annonces d’Emmanuel Macron à son premier quinquennat qui prônait la sortie immédiate. S’en remettre au niveau européen c’est repousser le problème alors même que la fin de l’autorisation de la mise sur le marché advient en décembre 2022 et que l’EFSA a annoncé avoir besoin d’une année supplémentaire pour évaluer le dossier de renouvellement du glyphosate.

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