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#Alertemytho n°3 : factchecking sur les propos de Jean Baptiste Moreau, porte parole d’En Marche, agriculteur de la Creuse et député.

Glyphosate et pesticides : un sujet toujours rempli d’intox du côté LREM

Le 17 janvier, Sandrine Rousseau (EELV) était l’invitée d’Elizabeth Martichoux dans Audition Publique (LCP). Elle a échangé avec Martine Filleul, sénatrice “socialiste, écologiste et républicain” du nord ainsi que Jean Baptiste Moreau, exploitant agricole, député LREM de la Creuse. Ce dernier a tenu des propos problématiques sur les pesticides en général ou encore la dangerosité du glyphosate..

Sur le glyphosate

M Moreau déclare que pour le glyphosate : “Il y a des études scientifiques qui montrent qu’il n’est pas si dangereux que ça”

Tout d’abord rappelons que le glyphosate est classé comme cancérigène probable par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Dès 2013, une équipe rassemblée par l’Inserm, l’institut français de recherche médicale, a travaillé sur les effets des pesticides sur la santé. Dans ce rapport l’Inserm considère que la génotoxicité du glyphosate est identifiée pour certains types cellulaires et qu’il induit un stress oxydant pour les cellules. Alors qu’à cette date il n’y avait pas eu de conclusion sur un lien entre le glyphosate et le risque de cancer, la mise à jour de leur expertise en 2021, qui s’appuie sur les études observationnelles à disposition, l’Inserm a conclu qu’il existe une présomption moyenne d’un lien entre l’exposition professionnelle au glyphosate et le développement de certains cancers du sang : les lymphomes non-hodgkiniens (LNH). Autre exemple, en 2019, une équipe étatsunienne réétudie les études observationnelles publiées à ce jour en se concentrant, dans chaque étude, sur les catégories de personnes qui ont été exposées au glyphosate le plus longtemps. En rassemblant 6 études, recensant plus de 150 cas, l’équipe identifie un risque accru de 41% de LNH (allant de +13% à +75%) chez les personnes exposées le plus longtemps par rapport à celles qui n’ont pas été exposées. Une étude récente réalisée sur une population considérable de plus de 316 000 agriculteurs des USA (AHS), de la Norvège et de France (Agrican) montre un risque augmenté de 36% de lymphome diffus à grandes cellules B pour les agriculteurs exposés au glyphosate. Rappelons qu’en France, le LNH est reconnu comme maladie professionnelle dans le cadre d’une exposition aux pesticides…

Pour autant de nombreuses agences chargées d’évaluer les pesticides pour le compte des États (des agences réglementaires) considèrent qu’il est improbable que le glyphosate soit cancérigène. Comment expliquer un tel hiatus ? La totalité des sources relayées dans le paragraphe précédent  s’appuient sur des études universitaires publiées dans des revues à comité de lecture, et donc validées par la communauté scientifique. À l’inverse, les agences réglementaires s’appuient quasi exclusivement sur des données (souvent partiellement confidentielles) produites par les industriels .

Autre très gros problème, les biais et carences dans le dossier d’évaluation actuellement soumis pour autorisation du dossier d’évaluation du glyphosate. En effet, en novembre 2021, Générations Futures a publié un rapport, largement repris, sur le contenu du rapport d’évaluation de renouvellement (RAR) du glyphosate. De nombreuses failles de sélection des études universitaires ont été mises à jour :

  • Rien qu’à la lecture du titre et du résumé, de nombreuses études pourtant pertinentes sont exclues d’emblée (par exemple, des études jugées sur leur fiabilité et non leur pertinence, études décrites lors de conférences pourtant reconnues internationalement, …).
  • Une nouvelle coupe est réalisée lors de l’évaluation de la pertinence basée sur l’étude du texte entier. Là, toutes les études de toxicologie réalisées avec des formulations différentes de celles du produit de référence dont l’autorisation est demandée en Europe sont exclues. Cela concerne des centaines d’études ! Aucune justification et aucun moyen de vérifier cette affirmation n’est apportée, la composition des produits étant confidentielle.

Des centaines d’études sont ainsi mises à l’écart et ne seront jamais évaluées… Le rapport montre également que l’évaluation de la fiabilité des études était faite de manière totalement non transparente et non équitable entre les études universitaires et celles de l’industrie. Au final, sur les quelque 7000 études universitaires retrouvées, seules 30 études, équivalentes à 0.4% des études retrouvées sont jugées pertinentes et fiables sans restriction ! Elles ne pèseront rien dans l’évaluation finale.

Ces inquiétudes ont été renforcées par le commentaire publié par l’INSERM elle-même dans le cadre du processus de consultation, notamment sur la génotoxicité du glyphosate !

Enfin, notons que la commission nationale de déontologie et des alertes en santé publique et environnement demande une nouvelle expertise, indépendante, du dossier de renouvellement du glyphosate en s’appuyant notamment sur le rapport de Générations Futures. Elle s’appuie également sur l’expertise collective de l’Inserm.

Quand bien même, monsieur Jean-Baptiste Moreau pense que le glyphosate ne serait “pas si dangereux que cela” (on ne sait d’ailleurs pas ce que cette formulation signifie vraiment!) la recherche médicale française (Inserm) et les équipes scientifiques d’Agrican et Agricoh le contredisent..

Présentation de données contestables sur l’évolution des volumes de pesticides en France

“Ce qu’on a fait concrètement depuis 2017, au niveau des CMR1, c’est-à-dire des produits phytosanitaires cancérogènes mutagènes reprotoxiques, il y a une diminution de 97% entre 2017 et 2020. Diminution de 37% des mélanges tout confondus CMR1 et CMR2 c’est-à-dire les produits les plus dangereux. Sur le glypho on a d’ores et déjà supprimé 70% des usages. […] 70% des AMM [autorisation de mise sur le marché] sur l’utilisation du glyphosate qui sont déjà supprimées”

Tout d’abord, la diminution de 97% entre 2017 et 2020 des Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques 1 – CMR : 1A (effets avérés), 1B (effets présumés) – n’est pas due à une volonté politique du gouvernement en place mais elle est la conséquence de la réglementation européenne qui repose sur l’exclusion de ces substances dangereuses, avec la fin de leur autorisation au niveau européen et par voie de conséquence à leur diminution d’utilisation dans tous les Etats membres. M Moreau le sait parfaitement en mettant soi-disant au crédit de la France et du gouvernement cette baisse…

Il est intéressant de s’arrêter sur le sujet des CMR2. Grâce aux chiffres du COS Ecophyto, on observe que pour ces substances la tendance à la baisse est réelle depuis 2009 (passant de 18299 tonnes en 2009 à un peu plus de 10 000 tonnes en 2020), mais qu’elles représentent toujours près de 17% des usages en 2019 hors produits bio et de biocontrôle (12% pour la totalité du volume de pesticides utilisés en 2020). Le récent épisode sur la non prise en compte d’une distance de sécurité supplémentaire vis-à-vis des riverains vivant à proximité de zones traitées aux pesticides pour ces substances dangereuses dans le cadre de la réglementation française montre que ce gouvernement ne veut pas agir concrètement contre l’utilisation des CMR2 d’usage fréquent, alors même que le Conseil d’Etat et l’ANSES le lui recommande.

Sur le glyphosate et la suppression de 70% des usages, M. Moreau fait exprès de mélanger usages, autorisations et utilisation. Supprimer des autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits commerciaux contenant cet herbicide et ce pour certains usages – où de toute façon des alternatives à son utilisation existent – n’est pas un succès …La réalité, toujours vérifiable avec les chiffres Ecophyto, c’est qu’il y a eu une augmentation de 42% de son utilisation entre 2019 et 2020. Ainsi la QSA (indicateur agro-environnemental sur l’utilisation des produits phytosanitaires) du glyphosate est passée de 6093 en 2019 à 8668 tonnes en 2020, soit une augmentation de 42%. Si on compare sur une période de 11 ans, soit entre 2009 où la QSA de cet herbicide était de 6292 tonnes et 2020 on note une augmentation de 37%.

De nouveaux propos exagérés sur l’agriculture de conservation des sols (ACS)

“ Sur l’agriculture de conservation des sols, qui est une agriculture vertueuse, qui permet d’éviter l’érosion, permet la vie du sol et le non labour : on a besoin du glyphosate. Si vous supprimez le glyphosate, il n’y a plus d’agriculture de conservation des sols et vous entraînez tous les agriculteurs qui sont vertueux et les mettez dans des impasses.”

Nous avons déjà analysé cette contre vérité dans la première vidéo #AlerteMytho sur Julien Denormandie à propos de la conservation du CO2 dans les sols en ACS. Des alternatives pour se passer du glyphosate en ACS combinant semi sous couvert permanent, rotations, lacération des couverts et des jeunes adventices sont déjà pratiquées et en phase d’évaluation et de perfectionnement… Par ailleurs de nouveaux matériels ont été développés par des industriels du secteur agricole pour remplacer le glyphosate comme les bien connues herses étrilles (désherbage inter rangs) ou, tout récemment un outil baptisé ‘Glypho-Mulch’ (destruction totale d’un couvert végétal) ! Dans ce matériel des lames d’un mètre d’envergure scalpent les adventices sous le plateau de tallage. Les adventices scalpées sont ensuite détruites par un rotor animé. Il est aussi à noter que des alternatives comme l’agriculture biologique existent qui peut être pratiquée sans labour profond et évidemment sans recours aux herbicides de synthèse. On est donc loin d’une absence de solutions !

L’ineptie du “Pas d’interdiction sans solution”

Tel est le credo du groupe LREM. Tout d’abord, le souci c’est qu’il n’est pas en accord avec la législation européenne sur les pesticides qui repose sur l’interdiction de toute substance pouvant avoir un effet néfaste sur la santé et l’environnement. Il ne faut pas oublier que, d’après ce principe, la priorité est donnée à la santé et l’environnement…ce que de nombreux politiques semblent ignorer aujourd’hui ! La bonne nouvelle, c’est que de nombreuses solutions et alternatives existent déjà, nous l’avons vu ! Générations Futures a produit un guide des alternatives et organise, en partenariat avec différentes organisations, une semaine d’alternatives aux pesticides pour promouvoir ces solutions ! Par contre, le refus de la majorité gouvernementale de M Moreau de programmer clairement la disparition du glyphosate retarde la recherche, le développement et le déploiement des solutions techniques restant à généraliser et fige donc la situation au détriment de l’environnement, du public et des agriculteurs eux-mêmes, dont la santé est menacée par l’usage des pesticides, comme nous l’avons vu…

 

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