Le 15 mars 2023, l’ONG européenne, Corporate Europe Observatory (CEO), a publié un nouveau rapport sur le lien entre les politiques et BASF, le plus gros producteur de produits chimiques du monde.
Présentation du rapport
L’entreprise allemande BASF est une puissance politique qui a usé de son influence pour s’opposer à la réglementation sur les produits chimiques dans l’UE. Rien d’étonnant à cela, puisque ses produits comprennent des substances chimiques « éternelles » et des pesticides dangereux. Dans le nouveau rapport, CEO examine les tactiques d’influence de l’entreprise, ainsi que ses scandales, de l’empreinte carbone massive à la « Cancer Alley ». L’énorme accès et les connexions politiques de BASF dépassent les frontières des partis et s’étendent – via Berlin – du niveau régional au niveau de l’UE. Ses budgets de lobbying de plusieurs millions d’euros, son recours à de nombreux lobbyistes et son réseau actif d’alliés industriels ont contribué à ralentir au maximum la réforme réglementaire de l’UE, y compris la révision de REACH, qui est nécessaire et qui a pris beaucoup de retard.
Quelques chiffres
Quelques chiffres pour présenter BASF :
- Fondée en Allemagne en 1865
- Présente dans 91 pays à travers 110 000 employés
- Plus grand producteur mondial de substances chimiques
- En 2023, les ventes ont été chiffrées à 87.3 milliards d’euros.
Selon le rapport Chemscore 2022, BASF fabrique 133 produits chimiques dangereux. Ces substances comprennent 25 substances « persistantes », dont 11 sont des PFAS appelés aussi produits chimiques « éternels ».
Les principales techniques de lobbying de BASF
CEO précise en détail les axes identifiés utilisés par BASF pour réaliser un lobbying de masse :
- Une omniprésence dans le champ politique européen et allemand (proximité des élus, mise en place d’événement fédérateurs, employés de BASF détenant des mandats politiques, élection du directeur général de BASF dans des partis politiques (CDU et Parti Vert) etc.)
- Un lobbying de masse en étant le 12ème plus gros lobby à Bruxelles (déclarant entre 29,6 et 31,1 millions d’euros pour la période 2011-21, de nombreuses rencontres avec les eurodéputés depuis juillet 2019 : 33 eurodéputés ont signalé un total de 53 réunions avec des lobbyistes de BASF sur divers sujets mais aussi, BASF a eu 43 réunions de haut niveau avec la Commission européenne depuis décembre 2014).
- Lobbying externalisé à travers les associations représentant les industries comme le CEFIC (donc le directeur général de BASF est président). Le CEO démontre de nombreux liens avec les autres associations d’industries comme VCI, CropLife, BusinessEurope, ERT etc.
- Une place dans les instances décisionnelles. CEO prend pour exemple la bataille des lobbies ayant eu lieu sur la première révision du règlement REACh et cite le rapport de Greenpeace qui a mis en lumière le cas du responsable des affaires gouvernementales de BASF en 1998, qui a ensuite rejoint l’unité REACh de la DG Entreprises et industrie de la Commission en septembre 2001, avant d’être transféré au ministère allemand de l’économie en 2004 pour s’occuper de REACh. Cet exemple est sans compter la présence de deux employés de BASF dans le comité pesticides de l’instance équivalente à l’ANSES au niveau français.
Un lobby conséquent contre la révision du règlement REACh
Depuis plusieurs mois, Générations Futures et des dizaines d’autres associations alertent sur la nécessité de venir au bout de la révision du règlement REACh avant la fin du mandat de la Commission actuelle. Elles ont dénoncé à multiples reprises le pouvoir des lobbies de l’industrie chimique dans ce bras de fer.
Le CEO met en lumière, une nouvelle fois, le poids du lobbying de BASF. » Chaque mois de retard permet à des produits toxiques, y compris ceux vendus par BASF, de rester sur le marché européen. Ces retards sont frustrants non seulement pour les défenseurs de l’environnement et de la santé, mais aussi pour d’autres secteurs de l’industrie, notamment ceux qui utilisent des produits chimiques dans leurs chaînes d’approvisionnement et qui réclament une « révision ambitieuse de REACH dans les plus brefs délais ».
BASF visé par d’autres controverses
Le rapport revient aussi sur les controverses liées :
- à la pollution engendrée par l’entreprise : » En décembre 2021, BASF avait la plus grande empreinte de pollution atmosphérique cancérigène de toutes les entreprises étrangères et la quatrième plus grande empreinte toxique de toutes les entreprises opérant aux États-Unis, selon une analyse de ProPublica. »
- Avec d’autres grands acteurs de l’industrie, BASF fait pression pour déréglementer tous les nouveaux OGM, y compris les produits issus des techniques controversées d’ingénierie du génome CRISPR-Cas dans les domaines de la recherche sur les semences, la biotechnologie et la protection des cultures.
- Une étude réalisée en 2020 par Public Eye sur les exportations de pesticides très dangereux a révélé que cinq grands producteurs, dont BASF (aux côtés de Bayer Crop Science, Corteva Agriscience, FMC et Syngenta), sont « les champions des ventes des pesticides les plus toxiques et les plus controversés au monde« . Générations Futures lutte contre cette pratique honteuse et la Commission européenne a dernièrement répondu à la lettre de 70 associations.
- Le site Ludwigshafen Verbund de BASF consomme à lui seul 4 % de la consommation totale de gaz de l’Allemagne, soit plus que l’ensemble du Danemark. Pendant des décennies, BASF et d’autres utilisateurs intensifs d’énergie se sont efforcés de s’assurer un approvisionnement fiable et bon marché en combustibles fossiles, notamment par l’intermédiaire de sa filiale Wintershall Dea. Cela a contribué à enfermer l’Allemagne et l’UE dans le gaz russe et, plus récemment, dans le gaz naturel liquéfié (GNL). « Gazprom crée de nombreux groupes de pression sous la forme de ses partenaires. Au lieu que Gazprom doive frapper à la porte du Parlement européen, Total et BASF le feront en son nom » Chris Weafer, de la banque russe UralSib, dans le New York Times.
- Un rapport de novembre 2016 du groupe des Verts/ALE au Parlement européen a révélé comment BASF a utilisé des stratégies de planification fiscale agressives pour éviter de payer 923 millions d’euros entre 2010 et 2014, en utilisant des « outils bien connus de comptabilité fiscale créative » tels que des filiales dans des régimes fiscaux préférentiels.
Pour comprendre les techniques d’influences de BASF et les controverses