Plan eau : où sont les mesures sur la pollution ?

[Mise à jour 04/04/2023]

Après les annonces par E. Macron sur le “plan eau”, nous avons pu lire sur le site du Ministère de la Transition Écologique les 53 mesures de ce plan. Comme nous l’avions craint, les mesures proposées sont bien faibles au regard de l’enjeu de la préservation de la qualité et de la quantité de cette ressource précieuse. Nous ne nous étendrons pas sur la question de la gestion en quantité de la ressource pour nous consacrer sur la question de la qualité. Sur ce point il y a très peu de mesures dues aux pratiques agricoles et rien sur les pollutions industrielles, notamment par exemple sur le sujet des perfluorés (PFAS). Ce point est particulièrement inquiétant quand on sait combien ces pollutions sont une question environnementale et sanitaire majeure !

Pour rappel, d’après un rapport publié en 2019 par le Conseil Nordique des ministres proposant une Analyse socio-économique des effets sur l’environnement et la santé environnementaux et sanitaires liés à l’exposition aux PFAS :

Coût sur les systèmes de santé européens:
- Entre 52 milliards et 84 milliards d’euros /an
- Entre 11 700 et 13 800 décès /an
Coût de la dépollution (englobant la surveillance, la dépollution des sols, de l’eau potable)
- Pour l’Europe: 17 milliards €
- Pour la France: 2,3 milliards €

Les principales mesures [24 à 26] concernant la qualité de l’eau portent sur les aires de captages. Rappelons que la protection de ces aires figurait déjà dans le Grenelle de l’environnement de … 2007 ! Les mesures sont floues et sans obligation. Il est mentionné qu’autour de ces aires, seront favorisés l’agroécologie et l’AB mais sans interdiction par exemple d’utilisation des pesticides de synthèse (particulièrement ceux néfastes pour les milieux aquatiques) à moins de 100 mètres de ces zones. Au-delà de ces aires de captage, rien sur les usages de ces polluants près des cours d’eau et des étendus d’eau, rien sur les usages en zones côtières.

Concernant les dépassements de pesticides et de leurs métabolites dans les eaux destinées à la consommation humaine, le plan prévoit (mesure n°28) : “En cas de dépassement des exigences de qualité fixées pour les eaux destinées à la consommation humaine par un pesticide toujours utilisé, des mesures de gestion permettant de juguler le risque seront mises en place automatiquement par le préfet, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité”. Qu’entend-on par “mesures de gestion” cela reste très flou. Pour certains pesticides il faut prévoir des mesures non pas de gestion mais d’interdiction comme dans le cas du S-Métolachlore.

Le Plan eau était très attendu depuis septembre 2022 par un grand nombre d’acteurs français, dont notre association. Générations Futures espérait notamment que le plan apporterait des réponses aux enjeux de la pollution générées par certaines pratiques agricoles ( notamment sur le sujet des pesticides et leurs métabolites), par les industries (sur le sujet des PFAS autrement dénommés polluants éternels) … Alors qu’Emmanuel Macron vient de faire la présentation de ce plan dans les Hautes-Alpes, le moins que l’on puisse c’est que notre association – en attendant d’avoir accès à l’intégralité du Plan – est restée sur sa faim sur ses sujets de prédilection ! .

Un plan très anglé sur la question de l’accès à la ressources

Conscients de l’importance de la question de l’accès à la ressource du fait des années de sècheresse qui s’annoncent et de l’accaparement, aux profit de quelques-uns (notamment dans le domaine agricole avec le sujet des méga-bassines), nous nous attendions à ce que le Président angle fortement sa présentation sur ce sujet du « partage » de ce commun (surtout après les événements de Sainte Soline pour lesquels un usage de la force immodérée nécessitait une prise de position de nos organisations),

Nous regrettons cependant que le Président n’est pas condamné sur ce sujet cette solution des méga-bassines qui loin de résourdre le problème engendré par le modèle agricole actuel l’amplifie.

Les enjeux de la pollution de l’eau ne sont pas abordés

Emmanuel Macron a mentionné, au détour d’une phrase raccrochée à ce sujet des méga-bassines, le sujet des pesticides. Il a dit qu’ « Il faudra qu’elles [les retenues] soient conditionnées à des changements de pratiques significatives et individualisées avec des économies d’eau et la réduction de l’utilisation des pesticides« .

Qu’entend-il par là ? Rien dans son discours de ce jour ne nous permet d’en savoir plus. En outre, lors de son intervention aucune mention des derniers épisodes médiatiques portant sur la pollution de l’eau, notamment celui des métabolites de pesticides dans les eaux à destination de consommation humaine (EDCH ).

Ce sujet a portant été un temps fort médiatique. Pour rappel, le magazine Complément d’enquête a réalisé un reportage diffusé sur France 2 en septembre 2022 qui pose la question suivante « L’eau du robinet est-elle (vraiment) potable ? »[1]. Également, les journalistes du Monde ont enquêté dans un article[2] paru le 21 septembre 2022, et arrivent aux mêmes conclusions que les journalistes de France 2, sans appel : « environ 20 % des Français de métropole – quelque 12 millions de personnes – ont reçu au robinet, régulièrement ou épisodiquement, une eau non conforme aux critères de qualité », à cause de la présence de métabolites de pesticides. Générations Futures avait aussi rendu visible ce sujet au travers de diverses publications. Générations Futures s’étonne donc que ce sujet n’ait pas été abordé par le Président.

De même, aucune préconisation sur le sujet des pollutions industrielles, notamment celles induites par les fameux PFAS. Générations Futures est très active sur l’enjeu de la pollution par les PFAS et a dénoncé à travers différents rapports les pollutions engendrées par ces polluants éternels. Là aussi, le Monde et de nombreux journalistes ont publié des sujets sur ces polluants éternels dans le cadre due Forever Pollution Project qui atteste de la pollution environnementale des PFAS. Plus de 17 000 sites dans toute l’Europe sont contaminés par les « produits chimiques éternels » PFAS et 21 000 sites supplémentaires de contamination présumée due à une activité industrielle actuelle ou passée. Alors que ce sujet est en pleine effervescence médiatique, Générations Futures s’étonne là aussi que le sujet ne soit pas abordé.

Le Président de la République pourra se défendre de nos inquiétudes en évoquant le fait que tout ne peut être dit lors d’une allocution orale. Nous attendons de pouvoir lire plus en détail le fameux plan eau pour voir si nos craintes sont confirmées ou non et nos espoirs déçus. Ce sujet de la protection de la ressource des pollutions chimiques induites par l’activité humaine est majeur et il y a beaucoup à faire en la matière ! Et ce n’est pas en n’annonçant rien et en ne faisant rien que la situation risque de s’arranger…