Hier, une majorité du Parlement européen votait contre la proposition de règlement sur l’usage durable des pesticides (SUR) à la suite d’attaques successives des lobbies de l’agro-industrie chimique. Retour sur les débats en plénière et ses conséquences sur l’avenir du règlement.
Quelle position du Parlement européen est-il donc ressorti ?
Dans la trilogie parlementaire de ce règlement : si le passage en commission Agriculture (AGRI) était un drame, celui en commission Environnement (ENVI) une quasi-comédie, celui en plénière est bel et bien une tragédie.
Pendant la séance plénière, de nombreux amendements du parti populaire européen (PPE- droite européenne), avec le soutien de l’extrême-droite mais aussi de sociaux-démocrates (S&D) et de centristes (Renew) de la commission AGRI, ont été adoptés : attestant de graves reculs pour la protection de la santé, de l’environnement et de la biodiversité.
Résultats : était repoussé à 2035 (au lieu de 2030) l’objectif de réduction de 50% de réduction à l’échelle de l’UE, étaient supprimées les cibles contraignantes pour les Etats-membres pour des “contributions volontaires”, les règles harmonisées sur la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, revenait aux Etats la définition des zones sensibles ainsi que les règles et les dérogations concernant l’usage des pesticides dans ces zones.
En bref, à l’issue de la séance plénière qui devait trancher sur le sort du règlement SUR, le texte est sorti tellement affaibli que les groupes de gauche et les centristes ont demandé une “pause technique” afin de réfléchir à une stratégie de vote. En l’état : impossible de voter le texte. Même la Gauche et les Verts ont voté contre ou se sont abstenus.
« Le règlement SUR est mort et enterré pour cette mandature »
Ce sont les propos qu’a tenus la rapporteure du règlement, Sarah Wiener (Les Verts/ALE), lors de la conférence de presse qui a succédé au torpillage du texte par les députés européens conservateurs.
Fait assez rare, une majorité d’eurodéputés a voté contre le renvoi du règlement en commission ENVI du Parlement européen. Cela aurait permis de retravailler le texte, trouver de nouveaux compromis et in fine d’adopter une position sur le règlement.
En rejetant le règlement, le Parlement européen se prive ainsi de son mandat de négociation. En effet, les co-législateurs (le Parlement et le Conseil), pour négocier lors des trilogues, doivent chacun arriver avec une proposition sur la table, établie sur la base de l’initiative publiée par la Commission.
Dès lors, plusieurs scénarios sont envisageables.
1) La Commission peut tout simplement retirer sa proposition législative. Elle doit cependant le faire avant que le Conseil n’adopte sa position et donc ne confirme son mandat de négociation.
2) Si la proposition de compromis de la présidence espagnole du Conseil, débattue les 23 et 24 novembre, est soutenue par une majorité des délégations des Etats-membres, alors elle pourrait être adoptée par les ministres européens de l’Agriculture les 11 et 12 décembre. Ainsi, ce serait la vision du Conseil qui pourrait être amendée, adoptée ou rejetée par une majorité absolue en 2e lecture au Parlement.
3) Ni la Commission, ni le Conseil n’agissent : laissant au prochain exécutif européen la liberté de décider du destin du règlement SUR. Le Parlement européen ne sera pas le seul à être renouvelé en 2024. Les visages des présidents de la Commission et du Conseil européen changeront également.
Le porte-parole de la Commission, interrogé aujourd’hui au lendemain du vote en plénière, a déclaré : « la proposition est dans la phase législative, elle est donc entre les mains des colégislateurs. […] Le Parlement a rejeté la proposition en première lecture, mais le Conseil doit prendre sa décision. […] C’est à la présidence espagnole du Conseil de l’UE de déterminer l’avenir de ce dossier. » La direction que semble prendre le règlement SUR s’oriente donc plutôt vers le scénario 2 ou 3.
Néanmoins, nul ne sait à présent ce qu’il adviendra du règlement sur l’usage des pesticides. Générations Futures continuera de suivre l’avancée du texte et défendra une position ambitieuse auprès du Conseil mais également à l’échelle nationale via la future stratégie Ecophyto 2030.