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L’agriculture biologique utilise-t’elle des substances problématique ? – focus sur le Bacillus thuringiensis (Bt)

Les opposants au bio ont pour habitude de pointer du doigts 2 ou 3 substances utilisables dans ce système agricole pour détourner le regard des pratiques de l’agriculture chimiquement intensive. Leur nouvelle cible : le Bacillus thuringiensis (Bt).

Le Bacillus thuringiensis (Bt), c’est quoi ?

Le Bacillus thuringiensis, plus communément appelé Bt, est une bactérie qui appartient au groupe “Bacillus cereus”, qui rassemble au total 6 bacilles, dont le Bt. Il est présent en faibles quantités un peu partout dans la nature : sol, air, eau, végétaux (feuillage). Il est utilisé comme insecticide contre les chenilles. Son activité insecticide réside dans la production de cristaux protéiques, qui sont mortels pour les insectes ciblés qui les ingèrent. Ils détruisent leurs cellules intestinales, créant ainsi une brèche dans la barrière intestinale qui provoque une infection conduisant à la mort.

Dans les cibles des opposants aux bio, certains affirment (comme les journalistes de Cash Investigation sans le reportage « Alerte sur le bio ») que le Bt est l’insecticide le plus utilisé en bio. Pour vérifier cela, nous avons interrogé les données de ventes de 2021. S’il est vrai que le Bt est la substance microorganisme la plus utilisée, il n’est pas pour autant le premier insecticide utilisé en bio, loin de là !  Avec 42 tonnes vendues en 2021, il est le 7ème pesticides vendus en bio. Pour preuve, voici les 10 insecticides utilisés et leur tonnage en 2021 :

Type d’insecticide Tonnage
1 kaolin (aluminium silicate) 1 060 
2 huile minérale paraffinique (huile minérale blanche ou huile de vaseline) 975
3 huile de paraffine (CAS 64742-46-7) 863 
4 huile de colza 133
5 huile de paraffine (CAS 97862-82-3) 101
6 huile essentielle d’orange 99 
7 Bt 42
8 spinosad 13
9 acide gras en C7-C18 / Acide décanoïque (fatty acids) / capric acid 11
10 kieselgur (terre à diatomées) 9

 

De plus, si les ventes de substances micro-organismes augmentent, leur utilisation reste largement mineure par rapport à l’utilisation des substances chimiques. Les ventes de substances microorganismes en 2021 s’élevaient à 45.5 tonnes, ce qui représente 0.07% des ventes de pesticides en France. Les ventes de Bt représentent elles 0.068% des ventes de pesticides autorisés en France en 2021.

Sur les dangers supposés du Bt.

Bacillus thuringiensis (Bt) appartient au groupe Bacillus cereus (Bc), connu comme étant un agent responsable de toxi-infections alimentaires causant diarrhée et vomissements. D’après l’Anses, les toxi-infections associées à B.cereus sont souvent bénignes. La durée des symptômes est de l’ordre de 24 heures et les complications sont rares. Entre 2006 et 2010, B. cereus représente, selon les années, la 4ème, à la 6ème cause des foyers de toxi-infections alimentaires en France pour lesquels l’agent est confirmé.

LeBt est parfois présenté comme un insecticide problématique car pouvant causer des intoxications alimentaires, “ qui ont parfois nécessité une hospitalisation” (comme cela est évoqué dans le Cash investigation sur la bio). Il est fait alors référence à une étude publiée en 2021 par l’Anses dans laquelle “les chercheurs ont analysé 250 intoxications alimentaires collectives qui se sont produites entre 2007 et 2017. Dans 8 à 20% des cas étudiés, c’est le Bt qui serait responsable de l’intoxication”. Le papier conclut en effet que le Bt serait  l’agent infectieux le plus probablement responsable dans 19 cas d’intoxications alimentaires (en 10 ans…), comme le rappelle Christian Huyghe, Directeur scientifique de l’INRAe lors du débat sur France 2 qui a fait suite au reportage Cash Investigation sur la bio. Problème : la fiabilité de ses résultats est mise en doute par l’éditeur lui-même dans un grand encadré rouge listant 7 points de préoccupations majeurs. Impossible de passer à côté de cet avertissement !

Ce ne sont pas de petits doutes mais toutes les conclusions de l’étude qui sont remises en question :  plus précisément  “la relation causale signalée entre les intoxications d’origine alimentaire et la présence de Bacillus thuringiensis (Bt) dans des échantillons prélevés lors d’intoxication collective en France entre 2007 et 2017 a été remise en question”.

La liste des critiques de l’étude est longue

    • Les symptômes retrouvés dans les cas d’intoxications étudiées étaient souvent des vomissements typiques de la toxine céréulide. Or le Bt est incapable de produire cette toxine.
    • D’autres souches bactériennes reconnues comme agents responsables d’intoxications alimentaires et donc potentiellement responsables des symptômes n’ont  pas été recherchées dans la plupart des cas, telles que Campylobacter, Listeria ou des souches pathogènes d’E. coli, ou leurs toxines.
    • Les membres du comité de PLOS ONE notent que la corrélation observée entre la présence de Bt et les intoxications ne fournit pas de preuves d’un rôle direct du Bt dans les intoxications ; les données suggèrent plutôt que lorsque aucun autre agent pathogène d’origine alimentaire ne peut être détecté, un agent étiologique possible pourrait être le Bt. De plus, l’utilisation généralisée du Bt dans les applications agricoles commerciales soutiendrait un nombre très élevé d’intoxications liées, ce qui n’a pas été rapporté jusqu’à présent.

En conclusion, les équipes de PLOS ONE ont voulu alerter les lecteurs que les analyses menées dans l’étude de l’Anses ne permettent pas d’établir un lien entre le Bt et les cas d’intoxications observés, et encore moins d’établir un lien entre le Bt provenant des pesticides et les intoxications. 

De plus, le ministère de l’agriculture lui-même n’a pas l’air très préoccupé par les intoxications provoquées par les bactéries du groupe Bacillus cereus auquel appartient le Bt. La page du ministère résume ainsi : “Les infections qu’elles peuvent provoquer sont généralement peu fréquentes et sans gravité”.

La question des risques à long terme pour les consommateurs.

La question des risques à long terme pour les consommateurs mangeant régulièrement des aliments traités au Bt est aussi parfois évoqué. Dans le reportage de Cash Investigation « Alerte sur la bio », un chercheur (Raphaël Rousset du CNRS) dit qu’il y a une relation très forte entre présence de bactéries dans l’intestin de mouche drosophile et inflammation. Il se pose la question de savoir si le Bt est responsable de l’inflammation avant de conclure que “si l’inflammation devient chronique c’est la porte ouverte au développement de cancer de l’intestin”. En l’espace de quelques secondes, un lien entre présence de Bt dans l’intestin et cancer est suggéré! Le journaliste pondère tout de même en disant qu’il n’y aura pas de résultat définitif avant plusieurs années. Il a raison de le faire car pour l’instant, aucun lien entre le Bt et le cancer de l’intestin n’a été fait par l’équipe de Raphaël Rousset. Une étude récente montre juste que les cristaux protéiques produits par le Bt seraient responsables d’une altération de la muqueuse intestinale des mouches. 

La séquence se termine par une recommandation de haut niveau : il faut bien laver et frotter ses fruits et légumes, ça suffit pour enlever le Bt qui reste à la surface (contrairement aux pesticides chimiques qui entrent dans la peau). Donc même s’il existe un risque minime d’inflammation de l’intestin, celui-ci peut être évité en lavant ses légumes, fin de l’alerte.

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