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L’agriculture biologique utilise-t’elle des substances problématique ? – focus sur le spinosad

Les opposants au bio ont pour habitude de pointer du doigts 2 ou 3 substances utilisables dans ce système agricole pour détourner le regard des pratiques de l’agriculture chimiquement intensive. Leur nouvelle cible : le spinosad.

Le spinosad, c’est quoi ?

Le spinosad est un mélange de 2 substances (la spinosyne A et la spinosyne D) issues de la fermentation d’une bactérie naturellement présente dans les sols appelée Saccharopolyspora spinosa. L’usage du spinosad en tant qu’insecticide a été autorisé au sein de l’Union européenne (UE) à partir de 2008. La substance agit sur le système nerveux des insectes et entraine leur paralysie puis leur mort. Elle est utilisée pour lutter contre différents types de chenilles et de mouches des fruits. Elle est également employée contre le doryphore de la pomme de terre.

Le spinosad est un bon exemple illustrant le fait qu’une substance peut être toxique même si elle est d’origine naturelle. Il est en effet connu pour être toxique pour les abeilles. De même, dans sa dernière évaluation datant de 2018, l’EFSA a proposé de classer cette substance en tant que toxique pour la reproduction de catégorie 2. Des effets ont été retrouvés dans plusieurs organes du système endocrinien (dont la thyroïde, les ovaires, l’utérus et les glandes surrénales). L’évaluation du potentiel perturbateur endocrinien du spinosad est toujours en cours au niveau de l’EFSA.

Des démarches en cours pour rechercher des alternatives et limiter au maximum l’usage du spinosad.

La filière bio, alertée notamment par Générations Futures sur les risques de cette substance, a entrepris des démarches pour rechercher des alternatives et limiter au maximum l’usage du spinosad dès 2020. Elle a déposé des dossiers dans le cadre des appels à projets Ecophyto en 2022.

Un faible pourcentage de vente et d’utilisation du spinosad.

En 2021, les ventes de spinosad (aussi utilisé en agriculture conventionnelle) étaient de 13 tonnes, représentant 0.4% des ventes d’insecticides bio et 0.06% des ventes de pesticides bio. Quand bien même la substance représente certains risques, il est impératif de prendre conscience du faible pourcentage de vente et donc d’utilisation, qu’elle représente !

  tonnage (T) % insect. bio % insect total % pest. bio % pest. Total
spinosad 13,00 0,40 0,34 0,06 0,02

 

“Le spinosad est l’insecticide le plus mortel pour les abeilles”, une affirmation trompeuse.

Dans le récent reportage Cash Investigation « Alerte sur le bio », Elise Lucet cite une étude d’un institut suisse arrivant à la conclusion que le spinosad est l’insecticide “le plus mortel pour les abeilles. La journaliste insiste sur le fait qu’il est, selon cette étude, plus dangereux que des pesticides de synthèse comme le chlorpyrifos”. Cette affirmation est trompeuse. Si la toxicité pour les abeilles du spinosad est avérée, il n’est pas possible d’affirmer d’après cette étude que le spinosad est “ plus dangereux que les pesticides de synthèse”. 

A la lecture de la méthodologie permettant d’effectuer ce classement, nous nous sommes rendus-compte de plusieurs limites importantes que les journalistes auraient dû, à notre sens, mentionner ! Lorsqu’on affirme comme cela, à heure de grande écoute, qu’un insecticide est plus toxique que tous les autres, il est en effet important que la science derrière soit solide.

  • Tout d’abord, le classement de cette étude suisse ne prend pas en compte que le danger des substances, comme l’affirme Elise Lucet (“le spinosad est classé numéro 1 en dangerosité”). C’est en fait un classement des scores de risque, comme indiqué à la première phrase de la méthodologie (traduite de l’allemand) : “Les substances actives de produits phytosanitaires sont évaluées en fonction d’un score de risque pour les abeilles”.“Le score a été calculé en rapportant la quantité utilisée autorisée à la toxicité pour les abeilles. L’utilisation de la quantité utilisée représente une simplification et une normalisation de l’évaluation de l’exposition.”
  • Ensuite, les paramètres retenus pour caractériser le danger sont des données relatant la toxicité aiguë par contact et par voie orale uniquement. Or, lorsque l’on parle de danger pour les abeilles, les effets chroniques, apparaissant suite à une exposition prolongée et qui sur long terme conduisent à la mort de l’abeille (effets appelés “sublétaux”), peuvent être bien plus problématiques que la mortalité aiguë suite à une exposition unique. Pour comparer la dangerosité des pesticides vis-à-vis des abeilles, il est donc indispensable de tenir compte des effets aiguës et aussi chroniques, ce que ne fait pas l’étude suisse.

Conclusion : le spinosad, substance d’origine naturelle autorisée en agriculture biologique ET en agriculture « conventionnelle », est connu pour être toxique pour les abeilles. Aujourd’hui, les ventes de spinosad représentent 0.4% des ventes d’insecticides bio et 0.06% des ventes de pesticides bio, soit un pourcentage minime. En outre, les bios, alertés sur cette substance problématique, ont déposé des dossiers dans le cadre des appels à projets Ecophyto en 2022 pour rechercher des alternatives.

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